mardi 20 octobre 2015 - par Le Canard républicain

Qui a peur de la souveraineté ?

Comment le mot « souveraineté » est-il devenu péjoratif ou même, dans la bouche de François Hollande, synonyme de déclin ? Comment a-t-il perdu sa valeur émancipatrice, celle qui portait la pensée philosophique il y a deux siècles, celle qui a porté le peuple français vers la Révolution de 1789, celle qui portait plus récemment la Résistance en France ? Par quel cheminement monstrueux deviendrait-il la propriété de l’extrême droite ? Fallait-il, en effet, que ce soit Marine Le Pen qui pose la question de la souveraineté lors de la prestation Angela Merkel/ François Hollande au parlement européen le 7 octobre ? Fallait-il que, de ce fait, ce débat essentiel dérive sur l’attitude à adopter par rapport au Front national ? L’idée de la souveraineté appartiendrait-elle au FN ? NON !

Les récents échanges à Bruxelles à l’occasion de la crise migratoire ont conduit François Hollande à invoquer la « souveraineté européenne ». Ainsi, le débat est posé dans des termes clairs. S’exprimant devant une enceinte internationale (le Parlement européen), le Président de la République française estime que la seule souveraineté est d’ordre européen. Hypothèse absurde car il n’y a pas de peuple européen, hypothèse ridicule lorsqu’elle émane de quelqu’un qui défend un traité transatlantique. Mais c’est une option bien connue que défendent depuis des décennies tous les fédéralistes. Il faut alors être cohérent et supprimer l’article 3 de la Constitution française qui déclare que « la souveraineté nationale appartient au peuple » et amender la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui dispose en son article 3 que « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation ». Il convient tout au moins de demander au peuple français s’il souhaite voir disparaitre sa propre souveraineté, surtout lorsqu’on a la démocratie en permanence à la bouche. Rappelons que la seule fois où une question de cet ordre lui a été posée, c’était en 2005 à l’occasion du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen. La réponse fut non. Les forces politiques françaises dominantes s’arrogèrent le droit de bafouer ce résultat. Et pourtant, la souveraineté porte à la fois la liberté individuelle et la volonté collective. Et la démocratie n’est que l’autre nom de la souveraineté populaire.

La question de la souveraineté est l’impensé du débat politique, le tabou qu’on cherche à ne pas briser. Il devient d’intérêt public de l’aborder clairement et sereinement si l’on ne veut pas voir le débat s’enliser entre l’extrême droite et les européistes obsessionnels. Rappelons-nous le discours de Pierre Mendès-France appelant à voter contre le traité de Rome. Rappelons-nous le débat avorté à l’occasion du traité de Maastricht. Depuis lors, l’affrontement démocratique nécessaire est contenu par des institutions qui nient la contradiction démocratique sur ces questions. Mais il en est, en la matière, comme pour les tremblements de terre. A force d’empêcher les contradictions de s’exprimer démocratiquement, il ne leur restera qu’à se manifester de façon brutale. Faudra-t-il alors et tardivement s’en plaindre ?

André Bellon

Article également publié par l'ASSOCIATION POUR UNE CONSTITUANTE : www.pouruneconstituante.fr



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108 réactions


  • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 20 octobre 2015 12:13

    Derrière la question du titre, en découle une autre encore plus essentielle, qu’est-ce qu’être français aujourd’hui ?
    Le premier réflexe est de faire l’inventaire de ce qui constitue la culture française dans tous les sens du mot, littéraire, politique ou philosophique. Sans oublier la langue qui bien que dérivant du latin, a des inflexions particulières, plus intérieure et mesurée que l’italien par exemple, et bien adaptée à la précision du discours.
    Mais on se rend compte très vite qu’au fil du temps les dissensions morales et politiques ont amené à un déchirement du corps social presque total, et qu’il reste pratiquement plus rien qui fasse consensus sur la manière de vivre ensemble.
    Beaucoup de monde, en particulier à gauche du paysage politique, souhaitent mezzo voce la disparition de la souveraineté française dans un conglomérat européen. Ce qui revient à reculer pour mieux sauter, car la question qui surgit inévitablement est alors celle-ci :
    Qu’est-ce qu’être européen ?


    • amenis 20 octobre 2015 13:58

      @Gilles Mérivac
      Complètement d’accord avec cette analyse. Mais je penses que les aspects culturels ne joues pas trop dans le cadre de la construction européenne, pour moi il s’agit essentiellement d’une rationalisation d’ordre économique et sociétale. Je suis breton et je crains pas plus pour ma culture au sein de l’Europe , qu’au sein de la France.

       

    • Captain Marlo Fifi Brind_acier 21 octobre 2015 07:49

      @Gilles Mérivac
      Le déchirement social n’a rien à voir avec la culture... Les Russes l’ont parfaitement compris, ils parlent de la France et de la Russie comme des cultures millénaires.


  • Crab2 20 octobre 2015 13:24

    Comparer les prières dans la rue à une occupation ( type seconde guerre ) , c’est mal nommer un fait religieux d’occupation illégale de l’espace public

    Suite :

    http://laicite-moderne.blogspot.fr/2015/10/prieres-de-rue.html

    ou sur :

    http://laiciteetsociete.hautetfort.com/archive/2015/10/20/prieres-de-rue-5703073.html


  • Henry Canant Henry Canant 20 octobre 2015 15:53

    Comment peut-on parler de souveraineté lorsqu’un pays ne bat plus monnaie ?

    De toutes façons, pour Flamby la souveraineté, c’est le fascisme.

    L’Euro, c’est le Mark. Même Hitler n’avait pas osé nous l’imposer.

    • colere48 colere48 20 octobre 2015 16:15

      @Henry Canant

      Exact ! et combien d’autres domaines où il a fallu se « germaniser » .....
      Et tout ça en plus d’humiliantes « leçons de morale » , a ben vi pour eux on reste de sales types sudistes !

      OUI mais voilà : Volkswagen kolossal arnaque « Das Gros Pipo »
      OUI mais voilà : Coupe du Monde foot 2006, FIFA 10 points/Germany XX million Euro de « bakchich » (la vaseline de toutes les arnaques européennes)
      OUI voilà pour qui et pourquoi on a perdu notre souveraineté !!!!

      OUI il faudra un jour un tribunal et beaucoup de plumes et goudron !! :-((


  • ddacoudre ddacoudre 20 octobre 2015 22:06

    bonjour le canard R

    je suis seulement d’accord pour ,ne pas laisser la souveraineté au FN
    que l’on envisage de faire des états unis d’Europe me parait une bonne idée si c’est une Europe politique et sociale et pas seulement une Europe capitaliste ce qui est l’Europe entrepreneuriale ou les eurocrates la gèrent comme si c’était une entreprise.
    je vais certainement te décevoir mais l’étude de début d’années faite par le CEVIPOF démontre que 84% des français plébiscitent les petites et moyennes entreprises, (des patrons), 83% plébiscitent l’armée, (la peur des agressions extérieures, le monde vu comme un danger) 82% plébiscitent les hôpitaux (la peur pour sa santé, un environnement pas sain) 80% plébiscitent la police (la peur de l’autre, le besoin de protection de l’intérieur).61% des citoyens pensent que la démocratie ne fonctionne pas bien et ils sont 14% a avoir confiance dans les partis politiques, 27% dans les syndicats c’est à dire les lieux où se fait l’expression des citoyens, les lieux où ils peuvent être entendus, c’est à dire user du droit d’associations pour défendre ses points de vue et désigner quelqu’un qui les représentera et non quelqu’un choisit au hasard qui ne représentera que lui.
    les citoyens veulent utiliser leur intelligence sans faire l’effort de le payer de leur personne en s’occupant de leurs affaires. il y a une démission quasi générale des citoyens qui imagine que l’on va pouvoir les interroger sur tout. si donc ont les interroger sur le gouvernement qu’ils veulent mettre en place les pourcentages démontrent qu’ils mettraient en place une dictature.
    59% non aucune confiance dans les partis, dit de gouvernement républicain, et PS.64% pensent que l’école doit avant tout former a la discipline et a l’effort et non à l’esprit éveillé et au sens critique( le petit esclave le doit sur la couture du pantalon).
    83 ù des citoyen pensent que si les partis de gouvernement s’entendaient ils trouveraient une solution aux problèmes ( c’est la démonstration de l’incurie d’une population qui ne sait pas que leurs difficultés viennent d’une organisation capitaliste du travail, et que ce sont eux qui développent leur propre maux). 69% des citoyens pensent que les gouvernants devraient changer leur programme en fonction de ce que pensent les citoyens. je terminerais sur ce fabuleux paradoxe. il veulent être entendu mais ne vont pas dans les lieux fait pour cela parce que ils préfèrent aller dans les temples de la consommation et souhaiteraient que les élus fassent le tour des citoyens pour leur demander ce qu’il pensent. on a à faire à des citoyens complétement déconnectés de la réalité démocratique, qui désireraient que les hommes politiques lisent dans leur esprit, ce qui arrive puisqu’ils sont élevés à la pensée unique.
    alors quand dans ton article tu parles de souveraineté je me demande de qu’elle réalité tu parles surtout quand très y rattache la révolution qui a débouché sur la dictature impérialiste de napoléon, et qu’il nous a fallut attendre 1944 pour que tous les citoyens votent et qu’en 1973 sans bronché ils se sont laissé dépouillé du pouvoir régalien d’émettre de la monnaie ce qui a fit d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui, aliéné aux crédits que leur consentent les plus riches et les banques qui leurs prêtent leur propre argent.
    ddacoudre.over-blog.com .
    cordialement


    • Captain Marlo Fifi Brind_acier 21 octobre 2015 08:02

      @ddacoudre
      La souveraineté, ce sont les droits régaliens, ce que peut faire un Etat sans rien demander à personne :
      - battre monnaie
      - avoir des frontières et les gérer.
      - décider de la guerre et de la paix ;
      - écrire ses propres lois
      - décider des choix économiques.
      - dévaluer sa monnaie pour l’ajuster à la compétitivité de l’économie
      - avoir une Banque centrale qui prête à l’ Etat, aux Collectivités locales à taux 0% ;
      - avoir une Constitution qui traduisent les rapports entre l’ Etat et les citoyens.
      - pouvoir mettre en place un contrôle des mouvements de capitaux.
      - avoir une Justice nationale.
      - avoir une politique étrangère indépendante.
      - avoir une langue nationale autre que l’anglais.
      - avoir une politique agricole nationale, et pas la PAC européenne
       etc

      Tous ces droits régaliens ont été transférés progressivement, depuis le Traité de Rome, à des Instances extérieures non élues. 80% des lois sont d’origine européenne.

      C’est ce qui explique que voter ne sert plus à rien, les décisions ne sont plus prises par les élus, mais par des non élus.


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