samedi 19 septembre 2020 - par guylain chevrier

« Races » ou République ? Liberté-égalité-fraternité-laïcité, voilà le combat !

Un appel a été lancé, « La racialisation de la question sociale est une impasse », à l’initiative du mouvement République souveraine, sociale, laïque et écologique, publié sur marianne.net, qui a rencontré un large soutien. Dans son prolongement, l’heure est à la mobilisation pour défendre et promouvoir notre République laïque et sociale tant attaquée. A l’appel de nombreuses personnalités, associations et mouvements, citoyens, un rassemblement populaire est ainsi organisé, dimanche prochain, 20 septembre à 14h Place de la République (1). J’en explique ci-dessous les motifs.

Une société des "races" ou des égaux ? 

Ceux qui font faire retour au concept de « race » dans le débat public comme cause de tout, pour opposer les blancs aux autres, se sont emparés de l’affaire Georges Floyd pour la faire se confondre par outrance à l’affaire Adama Traoré, et ainsi tenter d’assimiler la France à un pays raciste. Et par là-même, sa police, à une institution au service d’un système de ségrégation postcolonial. Mais si la police peut parfois déraper, ce qui ne retire rien à sa fonction républicaine essentielle, cela n’a rien à voir avec ce procès, alors que la France est ce pays dont l‘Etat donne à ceux qui y vivent les mêmes droits, en raison du principe d’égalité qui trône à l’Article Premier de notre Constitution. Si nous étions le pays raciste que l’on dit, pourquoi serions-nous devenus en 2019 la première terre d’asile d’Europe ? N’y aurait-il rien qui justifierait de choisir cette destination, pas même ces droits politiques, civils, économiques et sociaux uniques, parce que posés sous un principe d’égalité qui en assure le bénéfice à chacun indépendamment de la couleur, l’origine, la religion ? Si certains ici avancent la question des discriminations comme la cause essentielle pour justifier ce procès en postcolonialisme, ce n’est pas pour aller vers plus d’égalité mais au contraire pour mieux opposer les uns et les autres sur le fondement de ce retour des « races ». Cela étant, la lutte contre le racisme n’est-ce pas justement aussi, celle contre l’idée des « races » ? Car cette idée ne renvoie-elle pas à la négation de l’existence d’une même et unique famille humaine, et ainsi au contraire, à des hommes prédestinés par la naissance selon leurs couleurs à former des groupes inconciliables appelés à se combattre, voire à s’entretuer ?

Mais posons-nous la question : Qu’est-ce que la France peut bien avoir en commun avec une société américaine qui, si elle a aboli l’esclavage après avoir fondé son mode d’organisation sur ce système, a pratiqué la ségrégation raciale, dont il reste une société fracturée en communautés, où ne se mélange que peu voire pas ? C’est un millier de morts qui sont attribués aux polices américaines par an, dans des interactions avec les forces de l’ordre (23,6% de personnes noires), pour 320 millions d’habitants, environ vingt en France, pour 67 millions d’habitants. Aucun de ces morts en France ne peut d’ailleurs être attribué à des motifs raciaux. C’est sans commune mesure, même si aucun cas ne doit rester sans en vérifier le pourquoi et le comment, les responsabilités, le caractère racial ou non, car chaque vie doit avoir la même valeur. A Dallas, dans un contexte de manifestations contre les violences policières, beaucoup de voitures conduites par des blancs arborent un autocollant du drapeau sudiste avec écrit « on va la refaire », faisant allusion à la guerre civile qui y a abouti à l’abolition de l’esclavage (Ce que m’a rapporté un ami qui en revient). Qu’avons-nous donc à voir avec cela ? Rien !

Ces indigénistes et décoloniaux, tentent de faire passer leur idéologie racialiste fondée sur la haine de l’autre pour une juste cause, en caricaturant la France, dont son niveau de développement à une immigration postcoloniale que l’on continuerait de maltraiter. On veut tout nous faire oublier de l’histoire, et avant tout le fait que la France est un pays d’ouvriers qui ont payé un lourd tribut à deux révolutions industrielles, enfants travaillant dès l’âge de cinq ans dans les mines, femmes, hommes, vieux, se tuant au sens propre à la tâche, tombant en pluie, qui n’ont jamais profité des moindres fruits du colonialisme. Rappelons que la France n’est pas une terre d’immigration avant la moitié du XIX e siècle où elle reste très modeste et frontalière, Belges et Italiens, puis viendront les polonais, es espagnols... Une France qui en raison du principe d’égalité qui s’y est imposé avec les Républiques, a favorisé le mélange et éviter les séparations selon les différences. Ne parlons pas de l’esclavage qui n’a jamais eu droit de cité sur le territoire hexagonal, proscrit par édit dès 1315 qui proclamait que le sol de France affranchissait quiconque y posait le pied.

Autrement dit, pas un Français n’a dans l’hexagone eu d’esclave, alors qu’aux Amériques en un temps, ce fut monnaie courante. Il y a bien eu dans des possessions françaises d’outre-mer l’exploitation d’esclaves, mais ce fut sous la monarchie, et dès que la République fut proclamée, on déclara l’égalité entre tous les hommes, et on abolit l’esclavage (1794). Puis, après avoir été rétabli pendant la période napoléonienne, dès le retour de la République en 1848, on l’abolit définitivement avec la traite. Contrairement à d’autres abolitions, qui furent motivés par la volonté de faire des esclaves des travailleurs rémunérés s’entretenant eux-mêmes, ce qui apparaissait comme plus rentable, la France le fit en raison de ses valeurs et principes républicains dans le droit fil des Droits de l’Homme et du Citoyen. Bien sûr les révoltes d’esclaves eurent leur rôle, mais il ne faut pas en faire un mythe à l’origine de l’abolition, qu’il faut plus attribuer à une évolution de l’histoire qui, à l’image des révolutions populaires de France, devait s’imposer, ainsi qu’à l’aune de la modernisation des sociétés et l’affirmation du parlementarisme. Cela étant, c’était la manifestation d’une prise de conscience devant l’histoire, que fondamentalement, c’était bien les mêmes hommes. Voilà pourquoi casser les statues des uns vis-à-vis des autres est inique, en les ramenant à l’unique cause de la race, car elles nous parlent de cette histoire en témoignant de son sens, bien plus général, et où la complexité domine, qui tient des progrès de la raison, et du progrès tout court.

On se plait aussi à présenter les blancs comme seuls esclavagistes devant l’histoire. Dans l’autobiographie d’un esclave, Olaudah Equiano, on apprend qu’il a été enlevé par des chasseurs d’esclaves d’une tribu adverse au Nigeria et vendu à des négriers britanniques. Ce qui indique comment l’esclavage est à remonter plus haut dans des pratiques entre tribus locales, mis au service de ce commerce contre nature. On peut aussi se référer à l’historien Marc Ferro, qui, dans son « Livre noir du colonialisme » explique que ceux qui aiment à dénoncer la traite négrière occidentale ne s’empressent pas de le faire pour d’autres traites dont, la traite musulmane, qui fut particulièrement massive, s’étalant sur le temps long. Enfin, les principes humanistes à la racine de l’idée de République étaient si contraires au colonialisme, qu’il ne pouvait perdurer bien longtemps. Ceci, tel que le Préambule de la Constitution de la IVe République (27 octobre 1946), en avait scellé le sort, déclinant que la France entendait » conduire les peules à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire… » Même si la séquence historique du colonialisme français se clôtura ensuite dans la douleur, c’est bien ce qu’elle contenait en elle de promesses de bonheur des hommes qui lui a permis de dépasser ses contradictions par le haut, non sans que quelques révolutions et mouvements de masse aient poussé dans ce sens.

Le racialisme au secours du libéralisme

L’argument qui consiste à opposer les blancs aux autres en les essentialisant, par une caricature historique qui rejette l’histoire réelle, en assimilant la situation des inégalités sociales d’aujourd’hui uniquement à du racisme supposé en continuité avec un passé de l’esclavage et du colonialisme, ne sert qu’à justifier un projet politique visant à imposer en lieu et place de notre République, le multiculturalisme. Autrement dit, affaiblir l’unité de notre société pour en tirer avantage, en créant de nouveaux pouvoirs privés et discrétionnaires, par l’entremise du retour des tribus, de la reconnaissance de minorités, de clans, clientélisés, cherchant à imposer leur loi sur des territoires ainsi conquis contre la loi commune. Plus encore pour certains, visant à jeter le chaos, dans le prolongement de leur contestation de la démocratie et de la loi, où se mêlent d’ailleurs des militants de l’islam politique.

Mais ces gens qui se désignent sous le vocable des « nouveaux antiracistes », et qui se présentent comme de gauche, ne font en réalité que diviser les forces sociales en divisant les individus selon leurs différences supposées, auxquelles on les assigne, ayant pourtant les mêmes intérêts. Ils rendent ainsi un service inespéré à un libéralisme qui ne peut rêver mieux pour appliquer l’adage « diviser pour régner ». Il est ainsi assez extraordinaire de voir être importée des États-Unis, par ces gens, une idéologie raciale qui y a depuis toujours concouru à diviser pour reléguer la question sociale à sa quasi-inexistence, tout en mettant chacun selon sa différence dans une case. Ce serait ça le combat de justice qu’ils nous propose ? Les puissants s'en frottent déjà les mains !

Au lieu de rabattre systématiquement les inégalités sociales sur la question des discriminations pour faire le procès en racisme de la France, on doit bien distinguer les premières des secondes pour être efficace dans cette lutte pour le progrès, qui intègre ces deux dimensions.

Fin des inégalités sociales et lutte contre le racisme, un même combat laïque et social universel

La lutte contre le racisme ne saurait être chacun selon sa couleur, son origine, sa religion, son sexe ou son orientation sexuelle. Elle relève d’une toute autre cause, humaniste, qui a un but universel, conquérir pour tous partout l’égalité des droits. C’est la meilleure parade au racisme, car à se considérer d’abord comme des égaux, on n’hésite pas à se mélanger. Et si des différences de traitement existent, des discriminations, il faut les voir comme des ruptures de l’égalité qui doivent être combattues sans concession. L’égalité comme valeur universelle, est habitée par cette idée des droits naturels de l’homme, que tous naissent égaux en droit, parce que, appartenant à une seule et même famille humaine. On ne peut rien construire sur ce retour de la « race » qui n’envisage que les divisions et la haine de l’autre, contre toute idée de former une seule humanité. C’est bien parce que les races n’existent pas qu’il faut donc combattre toutes les formes de racismes.

Aujourd’hui comme hier, la France demeure un pays porté par le souffle de l’égalité, qui fonde la condition de l’Homme libre, qu'il s’agit de pousser plus loin. Quoi de mieux pour cela, que de s’appuyer sur les valeurs et principes de cette République, son caractère laïque, relatif à ce qu’elle ne se réclame d’aucune philosophie officielle ni d’aucun culte pour assurer à chacun les mêmes droits. Voilà pourquoi le combat laïque est si essentiel, si vital, mais aussi indissociable du combat social, car nul ne peut être citoyen sans disposer de moyens convenables d’existence. La République est notre propriété collective, comme moyen d’émancipation en devenir, dont l’histoire continue de s’écrire, loin de cette impasse de la racialisation du combat politique dont le seul projet est la fragmentation de notre société et le morcellement de l’Homme.

1- "Liberté-Egalité-Fraternité-Laïcité, voilà le combat !" : rendez-vous le 20 septembre place de la République https://www.marianne.net/debattons/tribunes/liberte-egalite-fraternite-laicite-voila-le-combat-rendez-vous-le-20-septembre




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