samedi 24 janvier 2015 - par J.MAY

Réflexions éparses

Ces quelques réflexions personnelles font suite aux évènements tragiques de ces derniers jours. 

 

A PROPOS DES RÉCENTS ÉVÉNEMENTS. RÉFLEXIONS ÉPARSES.

 

Dans le contexte ambiant, il est difficile de faire entendre une voix dissonante ou discordante.

Par ces temps de large consensus, où une doxa dominante déferle à travers le pays, certains points de vue peuvent paraître iconoclastes, voire subversifs.

Aussi préciserai, au préalable, "le lieu d'où je parle".

Comment me définirai-je ?

Je suis agnostique plutôt qu'athée, et je m'efforce d'être libertaire.

Cela me condamne-t-il à pratiquer une laïcité de combat ? Je ne m'y résous pas.

- Je pense que l'on a le droit d’être agnostique, ou athée, mais qu'on a le droit de ne pas l'être.

- Je pense que les rabbins, les imams, les curés, ne sont pas des maîtres à penser …. sauf pour ceux qui les jugent ou les prennent comme tels.

- Je pense que la liberté, c’est de ne pas croire, mais que c'est aussi celle de croire.

 

Je tenterai, en conséquence, un modeste "discours alternatif" :

 

N'importe quel citoyen français innocent peut, dans la banalité de son quotidien, et je me place moi-même dans cette catégorie, faire l'objet d'une agression commise par un "loup solitaire" animé d'une haine aveugle et cruelle, ou être la victime d'un attentat perpétré par un fanatique commandité.

Mais cela ne légitime pas le fait de hurler à l'unisson avec ceux qui crient actuellement à la barbarie "intrinsèque" de la religion musulmane, condamnent toute une communauté, préconisent sa stigmatisation ou, pire encore, appellent à une vengeance individuelle ou collective à son encontre.

Les cités seraient une pépinière de djihadistes ? Le constat est amer, mais il n'est hélas pas dénué de fondement.

La République a-t-elle fait le nécessaire pour que ces "enfants perdus" se sentent totalement partie intégrante de la nation française ? Cela n'est pas évident.

Ils faisaient déjà l'objet, avant les tragiques évènements de ces jours derniers, d'une vindicte étayée par le propos ordinaire de quelques auteurs " à grand tirage".

Et voilà que dans l'émotion suscitée par les assassinats de ces jours derniers, les antennes et les forums bruissent d'analyses et de commentaires qui soutiennent quasiment qu'ils sont un corps étranger que l'on doit extirper de la communauté nationale.

Étonnez vous après cela qu'ils aillent davantage encore chercher dans un Islam fanatique autant que dévoyé, ou à tout le moins dans la tentation du repli communautaire, des raisons d'être et de se comporter.

 

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S'agissant du blasphème, je ne l'ai jamais approuvé, à l'encontre d'aucune religion, et je m'étonne que l'on puisse revendiquer un tel droit. Je ne suis pas croyant mais je respecte ceux qui le sont, et je ne vois pas ce qui m'autoriserait à leur interdire de l'être.

En revanche, je leur dénie le droit de m'imposer de manière ou d'une autre leurs dogmes et leurs pratiques.

*****

 

Quel besoin aurais-je de dessiner, ou pire, de caricaturer le Prophète, sachant que cela contrarie mon voisin ou que cela heurte ses convictions ?

Lorsque le Christ de Serrano suscite l'émoi de certains Chrétiens, sans partager le moins du monde leur fondamentalisme, je comprends parfaitement qu'ils puissent être choqués et prennent cette exposition pour une insoutenable provocation.

 

*****

 

Le style, le ton, le contenu de CHARLIE Hebdo n'ayant jamais correspondu à mes affinités, je ne l'avais jamais lu.

Je condamne absolument, et sans restriction aucune, l'horrible assassinat de ses rédacteurs, caricaturistes et collaborateurs, et j'exprime ma sympathie (au sens très littéral du terme) à la famille, aux proches, aux amis, de ces victimes d'une foi déviée.

Je ne me sens pas pour autant obligé de courir acheter le numéro spécial que tout le monde s'arrache.

Est-ce un crime ?

Ne puis-je demander que l'on respecte ma liberté de penser, de m'indigner, de m'exprimer, même si dans le contexte ambiant elle est minoritaire ?

 

*****

 

CHARLIE hebdo, qui n'était pas de mes lectures, avait éveillé mon attention lors de l'affaire Val-Siné, qui avait à l'époque fait quelque bruit dans la presse.

J'ai donc lu ces jours ci, non pas ce que disait Val, mais ce qu'a dit Siné du crime commis à l'encontre des ses anciens amis et collaborateurs.

Aucune commune mesure, certes, entre le sort de Siné, viré de Charlie Hebdo par un Val très pointilleux sur l'offense faite à autrui ou à une communauté, et les victimes de CHARLIE Hebdo, tragiquement assassinées par des illuminés.

Il est permis toutefois de rappeler que l'émotion n'avait pas été très grande dans le monde médiatique et politique, ni le soutien très massif après que Siné eût été ostracisé et réduit à élaborer péniblement, dans une quasi solitude, un journal devant lui permettre d'exercer sa libre expression et sa libre caricature.

 

*****

 

 La présence de près de 5 millions de Musulmans en France est non seulement la conséquence d'une politique qui a consisté, il fut un temps, à aller les chercher à travers tout le Maghreb pour les besoins en main d'œuvre de notre économie, mais elle est due aussi aux effets induits de la colonisation de ce même Maghreb et des pays d'Afrique noire. Certains diraient que cela en est une sorte de rançon.

Ce petit rappel devrait normalement calmer l'ardeur de ceux qui envisagent allégrement, voire prêchent sur les forums ou dans la vie civile une confrontation ethnique ou religieuse.

 

*****

 

Il paraît opportun de rappeler que le nombre de musulmans victimes de la barbarie islamiste s'élève à plusieurs centaines de milliers (Moyen Orient, Maghreb, Afrique noire... ).

Dans ces conditions, sommer les Musulmans de France de se justifier d'être musulmans ou pire, les condamner de l'être, rend pour le moins saugrenue une telle injonction.

 

 

 

*****

Nous connûmes aussi, en Occident, les excès du fanatisme et de l'intégrisme.

Les guerres de religion en témoignent.

Si l'un des exemples les plus marquants reste le procès de Galilée, il me plaît de rappeler que du côté de Florence sévit durant quelques années un certain Savonarole*.

Toutes ces abominations appartiennent à un passé révolu, mais cela ne devrait pas nous empêcher de relire de temps à autre les "minutes" de la "Controverse de Valladolid" où de doctes théologiens se demandaient si les Indiens avaient une âme.

 

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Cf. http://www.wmaker.net/u-zinu/

Rubrique : RELIGIONS ET AUTRES - article " Ce bon Savonarole ou les vertus de l'intégrisme".



4 réactions


  • Francis, agnotologue JL 10 mai 2015 12:57

    Bonjour MAIBORODIA,
     
    j’ai apprécié vos réflexions éparses.
     
    Je note que vous y faites allusion au procès de Galilée : le parallèle avec le mauvais procès fait ces jours à Emmanuel Todd est pertinent, comme je l’ai moi-même souligné dans un post sous l’article dans lequel vous êtes intervenu ce matin.
     
    Je disais dans cet qu’Emmanuel Todd dont le livre est un ouvrage scientifique, est la cible des Charlie du 11 janvier, tout comme l’a été Giordano Bruno, condamné par les obscurantistes de son époque qui soutenaient encore que la terre était au centre du monde.’
     


    • J.MAY MAIBORODA 10 mai 2015 16:14

      @JL


      D’abord merci pour votre propos.
      Les « réflexions éparses » , en leur temps (24 janvier), étaient , à tout le moins, non orthodoxes ou « mal pensantes ».
      Aujourd’hui, l’imposture de la fameuse manif et surtout son instrumentalisation par le Pouvoir ( car c’est là qu’elle réside) apparaît mieux.
      Le parallèle Todd/Giordano est en effet pertinent.


    • Francis, agnotologue JL 12 mai 2015 07:46

      @MAIBORODA
       
      Plus précisément, Le parallèle anti-Todd / anti Giordano me parait pertinent.


    • J.MAY MAIBORODA 12 mai 2015 07:56

      @JL

      EXACT.
      Mais hélas, pas de fonction « éditer » dans AGORAVOX pour rectifier.
      Cordialement

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