mardi 4 juin 2013 - par
Réflexions sur la géopolitique liée à la Syrie
Parce que les enjeux énergétiques et la question de la guerre internationale se concentrent aujourd’hui en Syrie (mais aussi en extrême orient, où les USA sont sollicités), il est nécessaire de comprendre la géopolitique sous tendue par le conflit syrien. C’est un choix : ou on veut être lucide [obligatoire si l’on est engagé politiquement] ou on préfère ne rien savoir.
Le problème médiatique
La compréhension de ce qui se passe et se joue en Syrie est rendu complexe par l’incroyable et grossière propagande des médias occidentaux, particulièrement en France où un journal comme Le Monde est descendu bien bas dans les échelons de la déchéance à partir de manipulations grossières et de la compromission généralisée.
Objectivement, ce qui se voit tout de même c’est l’attitude agressive et va-t-en guerre de Hollande attisée par l’alignement de Fabius sur Israël. Les maladresses aussi, quand Hollande se précipite pour reconnaitre un conseil syrien, rapidement passé sous l’emprise des frères musulmans, qui depuis s’est complètement délité. D’ailleurs cette organisation fantoche apparait aujourd’hui clairement comme un compromis entre divers intérêts en jeu, où l’on voit se former des alliances improbables entre Frères musulmans et wahhabites avec Israël, ainsi que Turquie et Israël.
L’attitude des USA
Il y a certainement une part de double jeu dans tout cela mais il est clair que les USA, à partir de l’assassinat de leur ambassadeur à Benghazi ont commencé à réfléchir sur leur propre action et à s’orienter vers une politique de compromis visant à sauvegarder leurs intérêts.
Il faut dire que c’était particulièrement gros. L’Ambassade était gardée par des extrémistes islamiques qui ont facilité les meurtres. Des tentatives maladroites de cacher ce fait ont conduit à une crise politique. Et à l’analyse des résultats d’une politique qui a mis en place les talibans en Afghanistan avec la suite connue
Dans ces conditions un dialogue entre les USA et la Russie s’est ouvert, marginalisant la France et la Grande Bretagne et se démarquant d’un soutien inconditionnel à Israël.
La politique israélienne
Quand on découvre le jeu à triple bande que mènent les dirigeants israéliens, eux-mêmes extrémistes, il faut s’accrocher à son fauteuil, surtout si l’on se soucie de la survie d’Israël [ce qui concerne l’humanité entière au même titre que la survie des communautés chrétiennes au proche orient].
Israël, noue des alliances avec les frères musulmans, le Qatar et l’Arabie saoudite, qui au passage lâchent les palestiniens. Israël soutient logistiquement et par des frappes aériennes le Front Al Nosra qui contrairement à ce que la propagande voudrait nous faire croire en France, constitue l’essentiel des forces militaires sur le terrain. Israël se sert de la Turquie pour préparer son attaque contre l’Iran.
Le but d’Israël et de ses soutiens en France, -Fabius, Hollande et le PS-, est d’attaquer l’Iran. C’est ainsi que la France se ridiculise une fois de plus en refusant la présence de l’Iran à Genève II.
Le conseil national syrien et ses soutiens
Toutes ces alliances dont les divergences se montrent au grand jour dans les discussions pour la formation et la composition du conseil syrien de la résistance en vue de Genève II, sont pleines d’arrières pensées qui finissent par fragiliser tous les protagonistes.
Tous ceux-ci ont aussi des problèmes de politique intérieure : Turquie et Israël où l’économie de guerre ne suffit plus pour garantir la stabilité économique, d’abord.
Et puis aux USA, où les QE ne réussissent pas à relancer l’économie, et en France qui s’enfonce dans la récession et où le pouvoir PS/EELV s’éloigne brutalement des couches populaires qui les soutiennent.
L’Irak
Dans ces considérations géopolitiques, il ne faut pas oublier le cas de l’Irak. D’abord parce que l’intervention américaine en Irak, dignement rejetée par les dirigeants français de l’époque, avait été précédée par des manipulations grossières, à l’image de ce qui se pratique aujourd’hui contre la Syrie.
Ensuite, parce qu’après une campagne militaire sans problèmes, l’occupation américaine s’est isolée du peuple, puis l’a rassemblé contre elle.
Et finalement les américains ont du partir et ont choisi d’attiser les conflits interconfessionnels et avec les Kurdes pour générer une situation de chaos dont ils espèrent qu’elle favorisera leurs intérêts. Il est à tristement souligner que les victimes en Irak, civiles et chiites en majorité, des attentats terroristes, égalent les décès en Syrie du fait de la guerre.
Il y a aussi un plan américain qui vient d’être formulé pour partitionner l’Irak en trois entités : Kurde, Sunnite et Chiite.
Les erreurs d’analyse
Dans ces manœuvres régionales qui visent l’Iran, la question de la Syrie était l’entrée en matière qui ne devait pas poser de problèmes. Juppé, un des fers de lance du changement de régime en Syrie, et d’autres,- Qatar, Arabie saoudite, Israël -, ont fait le pari de la chute rapide d’Assad à la suite des assauts de leurs mercenaires qui peu à peu ont basculé en majorité vers les groupes islamistes extrémistes.
Avec la mésestimation presque naïve du soutien de la Russie et de la Chine envers Assad, un jugement complètement faux sur la personnalité et l’envergure de celui-ci a constitué une erreur majeure, dont tous ces pays n’ont pas fini de payer le prix.
Ils sont aussi passé à côté de la question centrale, c'est-à-dire vers qui le peuple syrien, toutes confessions et communautés confondues, allait-il se tourner ? A ce sujet il faut rappeler que l’armée syrienne est une armée de conscrits à l’image de la population et de ses diverses tendances.
Cette question est aujourd’hui tranchée, le peuple soutient en majorité Assad. Celui-ci s’est révélé être un fin stratège et un politicien habile [par exemple bien qu’il en ait eu les moyens, il n’a pas répondu immédiatement à l’agression aérienne d’Israël qui a d’ailleurs manqué son but, c'est-à-dire le soutien militaire des « rebelles »].
Et maintenant son armée s’est aguerrie dans les combats et il est clair qu’elle ne sera pas vaincue par les mercenaires d’Al Nostra.
Le tournant actuel dans le rapport de forces
D’où le forcing de la France pour intervenir militairement, avec l’espace aérien « humanitaire », compte tenu du fait qu’il est maintenant dangereux, du fait de l’habilité d’Assad, de laisser Israël seul mener des raids aériens de soutien militaire.
Dès l’instant où la Russie menaçait de doter la Syrie de défenses anti aériennes performantes ce plan devenait irréaliste.
D’autant plus que d’une manière presque comique, les promoteurs de ces actions guerrières, dans le droit fil de la fameuse expédition de Suez du « socialiste » Guy Mollet, se chargent de développer des politiques énergétiques qui les font dépendre du gaz naturel russe.
Parallèlement le double jeu d’Erdogan, le dirigeant turc, avec Israël et les Frères musulmans est en train de rassembler en Turquie une forte opposition.
Ce qu’il faut bien appeler l’agression contre la Syrie et son peuple, visant l’Iran donc, est aujourd’hui à un tournant très dangereux, notamment pour Israël.
Déjà un axe fort est en cours de constitution, Syrie, Hezbollah [la tête de son leader Nasrallah, vient d’être mise à prix en Arabie Saoudite], Irak, Iran... et dans le monde arabe le soutien que les frères musulmans apportent à Israël risque de moins en moins passer.
Si la Syrie ouvre le front du Golan contre Israël, il y a un risque maximum que cela finisse par unir le monde arabe et même faire basculer la Turquie dont le rôle est essentiel pour l’acheminement des armes occidentales. D’autant que ce qui passe actuellement renforce le prestige d’Assad, un dirigeant arabe qui met en échec l’occident et Israël.
En France, ces erreurs politiques vont déboucher sur des problèmes extérieurs et intérieurs
Dans tout ce contexte, il apparait que les dirigeants français non seulement n’ont rien compris, mais qu’ils ne tiennent aucun compte des leçons et des réalités d’une situation qui maintenant évolue vite, avec la réalité militaire. La politique intérieure et extérieure de ces responsables politiques, qui sont de moins en moins représentatifs, va conduire la France vers une situation grave. L’aspect préoccupant étant que cela s’y déroule dans la passivité générale.
En matière de diktat, la France vient se faire sermonner par la commission de Bruxelles et va rapidement devoir se concentrer sur ses problèmes intérieurs.