samedi 8 décembre 2018 - par PhilippeDu92

Réforme des retraites, quelles pistes de réforme pour la pension de réversion ?

Avec la future mise en place d'un nouveau système de retraites annoncé par Monsieur Macron, la réversion n'a pas fini d'enflammer les débats. Il a suffi d'une simple question pour attiser les craintes : « Doit-on maintenir les pensions de réversion ? », une question, parmi d'autres, posée par Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire chargé de la réforme des retraites, lors d'une de ses réunions bihebdomadaire avec les partenaires sociaux au printemps dernier.

Plus tard, devant la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, qui l'interrogeait le 14 novembre dernier sur l'avenir de ces pensions versées aux veuves et veufs, Jean-Paul Delevoye a confirmé que le sujet serait remis à plat. « Le débat est actuellement ouvert », a-t-il affirmé.

La réversion fera donc partie des sujets approfondis en vue d’aboutir à un système de retraites où « un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé  ».

Cet article est la mise à jour d'une publication précédente dont la compréhension pouvait être pertubée par un excès de détails pour qui n'était déjà pas sensibilisé à cette problématique. J'en ai repris la rédaction en réduisant l'argumentation au strict nécessaire afin de mieux faire ressortir les idées fortes. Le lecteur voudra bien me pardonner s'il reste encore un peu long et dense, mais le sujet est complexe. Cependant, j'en recommande la lecture complète car cette thématique à elle seule pourrait changer totalement le sens que notre société donne à la retraite selon la façon dont elle serait traitée. Malgré les apparences, ce sujet impacte tout le monde.

 

 

 

Résumé :

Après un énoncé des principes fondateurs du système des retraites en France, cet article décrit les caractéristiques de la réversion telle qu’elle existe aujourd’hui. Puis il expose les deux thèses portées par les partisans d’une réforme, la thèse partagiste et la thèse individualiste. Il montre qu’aucune de ces deux thèses n’est compatible avec les idées fortes qui sous-tendent un système de retraites à la Française :

  • le principe de la répartition, qui par sa nature s’accommode mal des discriminations,
  • le lien étroit entre le travail et la retraite.

Il ouvre ensuite une autre piste de réflexion qui consiste à conserver les sommes allouées à la réversion dans le financement du système de retraites avec pour objectifs

  • celui de relever les plus petites pensions de sorte qu’aucune d’elle ne soit inférieure à seuil donné, par exemple 1200 Euros net,
  • et celui de substituer à la réversion une pension temporaire décorrélée de la pension du défunt, dont la durée serait d’autant plus longue que le bénéficiare serait âgé. Cette pension tiendrait compte du nombre d’enfants à charge.

 

 

Les principes fondateurs du système de retraites Français :

 

 

Les régimes obligatoires de retraite par répartition, de base, complémentaires ou intégrés, offrent une protection sociale étendue en France. Ils garantissent des droits personnels de retraite à leurs assurés, mais également des avantages familiaux et conjugaux sous forme de pension de réversion pour un certain nombre d’ayant-droits (le conjoint survivant, les ex-conjoints survivants, ainsi que les enfants mineurs ou à charge dans certains régimes).

 

Une caractéristique forte de notre système de retraites consiste à lier l'acquisition des droits à la retraite au travail. La jouissance de ces droits sous forme de pension de retraite est financée collectivement : la France a fait le choix d’un système de retraites par répartition, en opposition au système par capitalisation où les pensions versées sont le résultat d’une épargne individuelle accumulée tout au long de la vie active (fonds de pension). Parce qu’il est financé collectivement, un système par répartition porte en lui une exigence d’équité.

 

Notre système de retraite est financé à 75% à l’aide d’une part prise sur la richesse produite par le travail des actifs. Elle prend la forme de cotisations salariales et patronales. Les actifs acquièrent des droits à la retraite en échange de cette participation. Ce sont des droits à caractère contributif qui dépendent aussi de la durée pendant laquelle chaque actif a contribué par son propre travail au financement du système (durée de cotisation). Comme leur obtention est liée au travail, ce sont des droits personnels. En France, l’affiliation à un régime de retraite est obligatoire. Le versement de cotisations salariales et patronales de retraite constitue une condition sine qua none pour percevoir un salaire. Les cotisations prélevées ne tiennent aucun compte de la conjugalité du salarié.

 

En complément, notre système de retraites est financé à 25% par l'impôt au sens large y compris par l'impôt payé par les retraités eux-mêmes.

 

A ces droits personnels s'ajoutent des avantages non contributifs qui peuvent compléter la pension du bénéficiaire. Ces avantages non contributifs dont font partie les avantages familiaux et conjugaux de retraite (réversion) sont aussi financés collectivement. 

 

Certains pays ont choisi d’autres systèmes. Le Royaume Uni a choisi d’attribuer une pension de base identique à chaque citoyen sous les seules conditions d'âge et durée de résidence dans le pays. Cette pension est faible, elle est censée assurer le minimum vital. Ce système dit Bévéridgien laisse une large place au développement des retraites par capitalisation (fonds de pensions).

Le système de retraites Suisse est lui aussi essentiellement fondé sur la capitalisation. Le 2ème pilier Suisse est comptabilisé en Francs Suisses et la pension qui en découle n'est fonction que du capital accumulé. Dans certains cas il est possible de retirer prématurément ses avoirs de retraite, par exemple pour acheter sa résidence principale.

 

La réversion :

 

Le principe général de la réversion consiste à attribuer au conjoint survivant d’un couple marié, et sous certaines conditions, une partie de la pension que le défunt percevait au moment de son décès. Dans certains régimes de retraite il existe une réversion temporaire pour les orphelins.

Historiquement, elle a d'abord été accordée au conjoint du fonctionnaire décédé. Après la guerre, cet avantage conjugal de retraite, la réversion, a été généralisé à l'ensemble des assurés sociaux au moment de la naissance de la Sécurité Sociale.

Conçue dans une société aux mœurs normés, la réversion faisait écho au modèle Pétainiste de la famille. La femme à la maison, l'homme au travail. La vie en couple conditionnée au mariage, pas d'enfant hors mariage au point d'appeler "enfants illégitimes" les enfants de l'adultère et de différentier leurs droits de ceux nés dans le cadre du mariage.

Sans réversion, la femme serait tombée dans la pauvreté au décès de son mari. Minimum contributif, minimum vieillesse, APL, APA n'existaient pas. Allocations pour garde d'enfants, crèches, etc. n'existaient pas, les semaines de travail duraient 44 heures. Il était difficile et même impossible de concilier vie professionnelle et vie familiale.

 

Cette conciliation reste encore aujourd'hui difficile dans des pays comme l'Allemagne ou la Suisse où l'on considère que le rôle de la femme consiste à s'occuper des enfants avant de s'occuper de sa propre carrière. L'Allemagne profonde surnomme encore "corbeaux" les mères de famille qui travaillent.

 

La réversion que nous connaissons est attribuée selon des modalités différentes en fonction du régime de retraite auquel le défunt était affilié. Pour simplifier nous nous limiterons à décrire les règles appliquées aux salariés du privé et à ceux de la fonction publique, ce qui couvre l'essentiel des assurés.

Les salariés du privé sont affiliés à plusieurs régimes obligatoires de retraite. Le régime de base dit "retraite Sécu" et les régimes complémentaires AGIRC-ARRCO.

  1. La réversion du régime de base correspond à 54% de la pension de base du conjoint décédé. Elle est accordée sous condition de revenus. En 2018 le plafond de ressources pour en bénéficier s'établit à 20550,40 Euros/an.
  2. S'ajoute à cette réversion celle des régimes complémentaires qui est égale à 60% de la pension complémentaire du conjoint décédé. Elle est accordée sans condition de revenus du bénéficiaire mais sous condition de non remariage. Le remariage fait perdre définitivement la réversion.

Les fonctionnaires n'ont qu'un seul régime de retraite qui regroupe implicitement base et complémentaire. Dans ce régime qui fonctionne exclusivement en annuités, la réversion est égale à 50% de la pension du défunt. Il n'y a pas de condition de revenus mais son obtention est soumise à une condition de non remariage, non PACS et non concubinage. Lorsque la nouvelle union se termine, elle peut être rétablie à condition qu’elle n’ait pas déjà été attribuée à un autre conjoint du défunt.

En présence d'ex-conjoints la pension de réversion est répartie entre les bénéficiaires en fonction de la durée de chaque mariage.

La réversion est donc d'une façon ou d'une autre soumise à une condition de revenus explicite ou implicite (condition de non remariage) et n'est accordée qu’aux conjoints survivants de couples mariés ou ayant été mariés.

 

Un dispositif au coût non négligeable dont la justification devient questionnable.

En 2017, les dépenses de réversion s’élevaient à 36 milliards d’euros soit environ 12 % du total des pensions versées. Ces 36 milliards d'Euros bénéficient à 90% aux veuves, les hommes sont largement minoritaires en tant que bénéficiaires de la réversion. Si son objectif initial était clair et pouvait être facilement compris dans le modèle normé de société d’une époque où l’épouse ne travaillait pas, force est de constater que notre société a évolué à grands pas depuis mai 68.

 

Avec l’arrivée massive des femmes dans le monde du travail, on peut s'interroger sur l'objectif d'un tel dispositif puisqu’elles sont maintenant en mesure de se constituer des droits propres par leur travail, complétés par des avantages familiaux de retraite liés à la maternité.

Doit-on considérer qu'une femme cadre supérieure tomberait dans la pauvreté si son mari décédait ? Pourquoi le passage par la case mariage donnerait-il droit à un traitement spécifique alors que ce n’est plus la seule forme de vie en couple et que le financement de la protection sociale est l’affaire de tous ?

 

La réversion amplifie les inégalités là où il y en avait déjà et en fabrique là où il n'y en avait pas.

Parce qu'elle dépend de la pension du défunt, la réversion favorise les survivants de couples aisés mais pénalise les survivants de couples moins favorisés.

La condition de revenus dans le régime de base tend à réduire ces inégalités de traitement. Mais bien qu’elle soit indispensable, la condition de non remariage dans les régimes complémentaires ou dans celui de la fonction publique n’est pas suffisante.

La veuve déjà riche par son milieu social bénéficiera d'une pension de réversion supérieure à celle de la veuve du milieu défavorisé.

La veuve du mari qui percevait une bonne rémunération percevra in fine une pension totale supérieure à la veuve du mari qui était moins bien rémunéré quand bien-même les deux veuves auraient effectué la même carrière.

Il ressort de ces considérations que plus encore que son coût financier, c'est bien l'iniquité du système que l’on peut pointer du doigt. Car n'oublions pas que notre système de retraite n'obéit pas au principe de la capitalisation. C’est un système par répartition dans lequel les droits à la retraite sont par définition extrapatrimoniaux. On ne peut les donner ni les vendre sans impacter, soit financièrement soit moralement, le reste de la collectivité qui en finance la jouissance. Par conséquent, on ne peut pas "léguer" ses droits à la retraite comme le suggèrerait un calcul de réversion même en partie basé sur le montant de la pension du défunt.

 

 Réformer la réversion, une réforme dans la réforme :

 

Au delà de son aspect strictement économique, la réforme de la réversion n'est pas une mince affaire car elle amène à s'interroger sur un système discriminatoire par construction et pour beaucoup sans lien avec le travail de son bénéficiaire. Mais Jean-Paul Delevoye ayant confirmé que le sujet serait remis à plat, examinons les thèses qui s’affrontent. Nous pouvons les séparer en deux grandes catégories :

  • Les thèses partagistes qui considèrent que chaque conjoint possède un droit patrimonial sur les droits à la retraite de l'autre, donc par transitivité sur son métier et sur ses qualifications professionnelles c'est à dire sur sa force de travail.
  • Les thèses individualistes qui prenant acte des évolutions de notre société, en particulier de la conquête du monde du travail par les femmes et de leur souhait d'émancipation, visent à supprimer la réversion considérant qu’il revient à chacun de travailler pour sa propre retraite.

 

Les thèses partagistes obéissent à un concept "capitalistique" de la retraite. En opposition de phase avec les principes d'un système de retraite par répartition elles considèrent les droits à la retraite comme un actif patrimonial.

Par une série d'arguments basés sur une solidarité financière au sein du couple qui se poursuivrait au delà de la mort, elles promeuvent l'idée d'un calcul de pension basé sur la somme des pensions du survivant et du défunt. Les tenants de ces thèses parlent d'un "patrimoine retraite" comme s'il s'agissait d'un actif financier constitué des droits accumulés par chaque conjoint pendant le mariage. Leur approche revient à privatiser la retraite entre deux personnes, considérant que l'entité de base visée par la protection sociale n'est pas la personne mais le couple.

Comme la seule forme de vie en couple qui implique une solidarité financière entre les conjoints au delà de la rupture est le mariage, en particulier par le paiement d'une prestation compensatoire en cas de divorce, la réversion ne pourrait pas être étendue à d'autres formes de vie commune que le mariage. Par conséquent PACSés et concubins devraient en rester exclus.

Ces thèses se déclinent de plusieurs façons qui vont d'un partage "bête et méchant" à 50-50 des droits acquis par chaque conjoint pendant le mariage, ce qui implique un partage obligatoire des droits à la retraite en cas de divorce, aux thèses plus édulcorées évoquées par Jean-Paul Delevoye dans son audition du 14 novembre 2018 en commission des affaires sociales de l'assemblée nationale - le conjoint survivant pourrait choisir entre conserver sa propre pension ou une pension égale à la demi-somme des pensions de chaque conjoint, mais aussi possibilité d'établir un contrat conjugal pour un transfert de points -, en passant par une réversion optionnelle calquée sur le modèle des plans de retraite par capitalisation (PERP) dans laquelle un des deux conjoints accepterait de réduire d'emblée sa propre retraite en échange d'une réversion pour l'autre.

Pour les tenants de ces thèses, le passage à un système universel géré en points constitue l’occasion de promouvoir leurs théories : dans la version la plus extrême on partagerait des points en remplacement de la réversion et la "question serait réglée".

 

Les thèses individualistes consistent à supprimer la réversion en l'assortissant de dispositifs facultatifs de transferts de droits sous contrainte de neutralité actuarielle pour tenir compte des différences d'espérance de vie entre les hommes et les femmes et des différences d'âge entre les conjoints. L'idée forte portée par ces thèses est que chacun peut et doit travailler pour sa propre retraite. Selon cette approche, l'entité de base visée par la protection sociale n'est pas le couple mais la personne. C'est l'exemple de la Suède qui en 1990 a décidé de supprimer la pension de réversion pour y substituer des dispositifs temporaires d'aide au veuvage.

 

L’analyse de ces thèses :

 

JPEG Les thèses partagistes conduisent à réduire les dépenses de réversion, mais elles considèrent les droits à la retraite comme un actif patrimonial alors qu'ils sont extrapatrimoniaux. Elles ne résolvent pas les questions d'iniquités que nous avons relevées. L'internalisation de la réversion, c'est à dire la privatisation totale ou partielle des retraites entre deux personnes, continuerait à générer des iniquités entre les femmes elles-mêmes mais aussi entre les hommes eux-mêmes, à carrières égales. De plus, comme elle n'impose pas de condition de neutralité actuarielle, elle repose aussi sur un financement collectif.

Une redistribution des droits à l’intérieur du couple reste contraire à l’esprit d’un système de retraite par répartition dans lequel, par principe, les règles d’acquisition des droits contributifs doivent être les mêmes pour tous.

Ces thèses reproduisent les défauts de la réversion actuelle puisqu'elles conduisent à augmenter les droits à la retraite de quelqu'un sans qu'il y ait de lien avec son travail. Pire encore, les plus extrémistes d’entre elles conduisent à réduire définitivement les droits à la retraite de l’un des deux conjoints au seul motif que l’autre possède des qualifications professionnelles inférieures aux siennes mesurées à l'aune du salaire qu'elles génèrent. C'est par exemple la thèse du partage à 50-50 même lorsqu’elle est accompagnée d'une petite bonification.

En définitive, à travail égal, salaire égal, qualifications professionnelles identiques, carrière identique, contribution identique par le travail au système de retraites, l'on obtiendrait des pensions différentes en fonction des qualifications professionnelles de son conjoint et de son envie de travailler ou pas. In fine, les droits à la retraite de chacun dépendraient autant voire plus de son parcours de vie que de son parcours professionnel.

Or comme nous l'avons vu précédemment, il est dans l'ADN du système de retraite Français que d'établir un lien fort entre le travail et la retraite.

En définitive ces thèses conduisent à créer des "régimes spéciaux de la conjugalité" alors que la future réforme des retraites vise la disparition des régimes spéciaux qui eux au moins ont quelque chose à voir avec le travail.

 

L'autre inconvénient des thèses partagistes extrêmes, est qu'elles sont incompatibles avec la législation actuelle car l'article 1404 du code civil qualifie les droits à la retraite de biens propres par nature quand bien-même ils seraient acquis pendant le mariage. Au vu de notre législation ce ne sont pas des biens communs. Il faudrait donc modifier le code civil, mais de façon concomitante s’interroger sur le statut des autres biens propres. Devrait-on intégrer les héritages et les biens acquis avant le mariage dans la masse commune car c’est aussi de l’argent ? Quid des biens acquis dans les régimes séparatistes où il n'existe par construction aucune communauté de biens ? Admettrait-on de conditionner la réversion au type de régime matrimonial alors qu’aujourd'hui elle n’en dépend pas ? Quid de la vocation successorale ? Les questions seraient légion.

Si des transferts obligatoires de droits devaient s'opérer, on imagine toute la complexité du règlement des effets du divorce et de ses conséquences sur la prestation compensatoire - articles 270 et 271 du code civil. Là aussi il faudrait modifier le code civil. Après ces changements, les droits à la retraite déjà acquis resteraient-ils encore des biens propres ou deviendraient-ils rétroactivement des biens communs ? S'ils devenaient rétroactivement des biens communs, il faudrait procéder à un partage rétroactif des droits à la retraites de tous ceux qui on déjà divorcé. On imagine les rancœurs et les mécontentements que de telles mesures susciteraient puisqu'il y aurait dans tous les cas un perdant.

 

Les thèses individualistes s'accommodent parfaitement de la législation actuelle sur le droit de la famille. Aucun article du code civil n’a besoin d’être modifié pour les appliquer. Elles conservent ce lien étroit entre retraite et travail qui existe dans notre conception de la retraite. Elles respectent mieux les exigences d'équité associées à un système de retraite par répartition.

De la même façon que les thèses partagistes, elles conduisent à réduire les dépenses de réversion.

Cependant, même en y ajoutant une exigence de neutralité actuarielle, la possibilité de transferts facultatifs de droits à l'intérieur du couple reproduit les défauts du système de réversion actuel en ce sens que tous les assurés sociaux ne seraient pas égaux devant la retraite à travail et cotisations identiques. Même s'ils sont facultatifs, les transferts de droits décorrélés du travail engendrent des inégalités entre ceux qui peuvent en bénéficier et ceux qui ne peuvent pas. 

 

Ce que veulent les citoyens :

 

Ces questions font partie de celles qui ont été posées dans la plateforme en ligne de consultation citoyenne sur la réforme des retraites.

 

A la question doit-on introduire un mécanisme de partage des droits entre époux ? le nombre de votes défavorables dépasse de 23% le nombre de votes favorables.

 

A la question doit-on imposer un partage des droits à la retraite en cas de divorce, le nombre de votes défavorables dépasse de 300% le nombre de votes favorables.

 

Les citoyens se sont donc majoritairement opposés aux thèses partagistes.

Cependant, dans cette même consultation, ils ont exprimé leur attachement au principe de la réversion et apparaissent favorables à un financement collectif.

Le lecteur intéressé pourra consulter l’ensemble des questions posées à partir de ce lien.

 

 

Une solution intermédiaire juste, équitable, dans le respect du travail et des personnes :

 

Le poids du passé ne permet pas de réformer brutalement la réversion sans créer des situations dramatiques. Si réforme il y avait, il faudrait qu'elle n'entre que très lentement en application dans un horizon suffisamment lointain pour que ses effets n'aient pas d'impacts sur ceux qui ont pu prendre des décisions aux effets irréversibles en fonction d'une promesse de réversion que la collectivité leur a faite en échange de mariage. On ne peut pas réécrire leur passé.

Les thèses partagistes ne conviennent pas car elles déconnectent la retraite du travail et parce qu'elles s'appuient sur une conception capitalistique de la retraite incompatible avec les exigences d'équité portées par un système en répartition. Elles sont génératrices d'inégalités de traitement.

Les thèses individualistes concordent avec la philosophie générale de notre système de retraite mais elles négligent l'aspect solidarité qui existe traditionnellement dans l'ensemble du système de protection sociale Français. Lorsqu'elles sont associées à des possibilités de transferts de droits même facultatifs, elles sont aussi porteuses d'iniquités. 

Alors quelle autre voie proposer ?

La suppression de la réversion conditionnée à une vie en couple même légalement constatée doit être l’objectif à poursuivre.

Les formes de vie en couple sont trop variées et les passages d’une forme de vie à une autre trop fréquents pour asseoir une réflexion d’ensemble sur des parcours de vie. Par ailleurs nous devons respecter ce qui fait l’ADN de notre système de retraite : un lien fort avec le travail.

On ne modifierait pas les règles de calcul de la réversion pour ceux qui ont déjà effectué plus de la moitié de leur carrière dans le système actuel. Comme il serait discriminatoire de refuser la réversion aux unions déjà légalement constatées, il faudrait l’étendre aux PACSés voire aux concubins notoires car tous participent au financement de la protection sociale.

Mais on pourrait d’ores et déjà annoncer la suppression de la réversion pour tous les nouveaux mariages. Les futurs mariés sauraient alors dès le départ à quoi s’en tenir et s’organiseraient en conséquence.

A terme chacun devra travailler pour sa propre retraite et il est dans la mission des pouvoirs publics de faire en sorte que cela soit possible.

Cependant les 36 milliards de la réversion devraient continuer à financer le système des retraites. Avec ces sommes on pourrait imaginer

  • de remplacer l’ASPA et le minimum contributif par un complément de retraite de sorte qu’aucune pension ne soit inférieure à un seuil donné, par exemple 1200 Euros net, intégrant ainsi les célibataires dans le dispositif,
  • au décès du conjoint on pourrait attribuer une pension temporaire d’adaptation décorrelée de la pension du défunt, mais dont la durée serait fonction de l’âge du survivant. Plus le survivant serait âgé, plus la durée de la pension serait longue et inversement. Cette pension tiendrait compte du nombre d’enfants à charge.

Des dispositifs de transferts défiscalisés de capitaux existent déjà : assurances vie au profit du conjoint, donations entre époux, clauses de préciputs sur certains biens. Chacun dispose donc d’outils qui lui permettent d’aménager sa succession sans impacter le système de retraite par répartition, ni financièrement, ni moralement. Pour les foyers modestes, on peut imaginer d’y assortir un crédit d’impôt.

Cependant les droits à la retraite acquis par le travail ont par définition vocation à se substituer à la force de travail de la personne, ils sont donc personnels et devront rester personnels et extrapatrimoniaux.

 




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