jeudi 7 juillet 2016 - par Desmaretz Gérard

Renseignement policier & Fiches « S »

Nice 17 juin, un agent de prévention en charge de la sécurité de la fan zone de l'Euro-2016 de football s'agenouille en direction de la Mecque et entame sa prière rituelle du vendredi après-midi... Imaginez la consternation des élus niçois en découvrant que l'individu appartiendrait à une mouvance radicale ! La municipalité de rappeler qu'un arrêté municipal interdit les actes de prosélytisme dans cet espace qui était décrit comme le plus sûr du pays ! Le fidèle n'était sans doute pas animé d'une intention criminelle (ce délit est contraventionnel), mais que serait-il advenu dans le cas contraire ?

Le droit pénal est répressif, l'officier de police judiciaire ne peut intervenir qu'après l'infraction : « l’officier de police judiciaire ne peut hors flagrant délit arrêter sans mandat de justice l’auteur d’une infraction non flagrante » (article 63 du code de procédure pénale). Par contre, les articles 77 et 78 du CPP accordent à l’OPJ qui agit dans le cadre d’une enquête préliminaire, de déférer l’individu devant le parquet si des indices graves et concordants existent. En matière de renseignement policier, le paradoxe consiste à découvrir ce qui est par essence caché et avant le début d'exécution, c'est le domaine de la police administrative. Nous sommes en présence d’une zone d’hypothèses pour lesquelles l'enquêteur ne possède aucun élément infirmant ou affirmant l’hypothèse émise.

L'enquêteur se pose beaucoup plus de questions qu'il obtient de réponses. Pour permettre la reconstitution d’un chaînon et établir la valeur des faits, il lui faut rechercher, identifier avec impartialité et objectivité les indices, en vérifier leur authenticité, leur intégrité. Il y a toujours des éléments impossibles à découvrir ou à vérifier, d'où les nombreuses questions soulevées à propos des fameuses fiches « S » qui comportent pas moins d'une quinzaine de niveaux ! Supposons qu'il faille réunir 10 conditions pour passer d'une condition à une autre, le fait de n'en posséder que neuf nous interdit le passage à l'autre condition. Prenons l'exemple d'une personne éligible à l'acquisition de la nationalité, tous les critères administratifs réunis la transformeront-elle en un citoyen historique ? 

Pour mener ses investigations, le policier doit se poser les questions : quelle information obtenir - où l'obtenir - auprès de qui - comment l'obtenir - quand (le moment). Les étapes des investigations sont : repérer, identifier, localiser, interpeller, perquisitionner, auditionner, confronter, manipuler, retourner, déférer au parquet. Pour conduire ses missions, les enquêteurs se livrent à des actions de police judiciaire : surveillance statique - filatures - contrôle d’identité déguisé - enquêtes d’environnement - écoutes - interception du courrier - entrisme - visites clandestines - sonorisation - fichiers - informateurs - témoins - laboratoires techniques - provocation - infiltration directe ou indirecte - repentis - statistiques. Cela permet de découvrir des noms, des dates, des lieux, des faits, des événements afin d’établir des relations et ensuite de tisser une véritable toile d’araignée autour de la personne ou d'un lieu, de mettre en évidence des différences, des invraisemblances, ou au contraire corroborer d’autres informations.

Certains faits ne peuvent se comprendre que si l’on prend en compte une séquence ou chaîne d'événements sur une durée plus ou moins longue. Parfois l’indice est là mais soumis à la loi de l’inertie. Il reste sans se manifester tant qu’une action extérieure ne vienne le raviver. Cela est surtout vrai pour les indices soumis à aucune intention de production, ni à aucune intention de destruction empêchant toute conservation (acte prémédité). Les investigations en matière de lutte contre le terrorisme ne sauraient se contenter d’une grille de lecture au second degré. La mise en œuvre d’un tel raisonnement suivi d’actions est loin d'être simple. Les enquêtes auxquels se livrent les policiers relèvent d’une des trois catégories suivantes : préliminaire qui peut être d’initiative - préalable, c’est à dire dirigée par un juge d’instruction (JI) - administrative, demandée par la hiérarchie. L'enquête d’initiative entraîne la rédaction de notes qui à leur tour vont permettent de rédiger une note de synthèse et un compte rendu qui sera adressé au chef de groupe.

Voici schématiquement l’organisation d’une section. A la tête de celle-ci se trouve le chef de section assisté de fonctionnaires de différentes catégories ou grades. Cette section assure le travail de recherche et l’administratif. A ce service viennent se greffer des services complémentaires. Pour les filatures, la section fait appel à un corps de « fileurs », tandis que d’autres fonctionnaires sont chargés de consulter les très nombreux fichiers existant, d'autres sont en charge du renseignement technique. N’allez surtout pas penser que tous les fichiers sont accessibles à tous les fonctionnaires. La commission d’enquête sur « les moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme » qui a rendu son rapport le 5 juillet a elle même éprouvé de grandes difficultés à se faire communiquer le nombre d’individus en lien avec le terrorisme (400 000 fiches dont plus de 10 000 fiches « S » ). Pour cause, chaque service dispose de ses propres fichiers, le seul fichier partagé à l’ensemble de la communauté du renseignement reste le fichier des personnes recherchées (FPR). Le Fichier des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) créé en 2015, qui compterait 13 000 noms n’est accessible qu’aux services relevant du ministère de l’Intérieur. Les individus représentant une menace hors du territoire national et connus de la DGSE en sont exclus, quant à l'échange de renseignements entre pays européen n'en parlons même pas...

La DNAT n’est pas une juridiction. L’article 14 du CPP précise « La police judiciaire recherche les crimes, les délits et les contraventions, en rassemble les preuves et en livre les auteurs aux tribunaux chargés de les punir. » L'officier de PJ enquête sur la matérialité des faits, c’est çà dire à charge et à décharge. Ce qui le différencie des autres services, c’est la classification des ses actions, des documents rédigés et de l’identité de ses fonctionnaires. La loi du 21 janvier 95 préserve l’anonymat des policiers appartenant à la DGSI et interdit la révélation de leur identité par quelque moyen d’expression que ce soit. Ses activités sont également couvertes par le secret et la classification des éléments d’information s’oppose à leur communication à d’autres services, même parfois à la justice. Le fonctionnaire de la DGSI n’est responsable que devant sa hiérarchie (JO du 18-3-86). A chaque faille impliquant un service et/ou un fonctionnaire l'administration ouvre une enquête interne. S'agit-il d'une défaillance humaine, du service, de procédure, d'une compromission, etc. Toute la communauté a encore en mémoire l'article du Canard Enchainé qui a révélé qu'un proche d'Amedy Coulibaly entretenait une liaison avec une femme adjudante de la gendarmerie ! L'individu qui faisait l'objet d'un mandat d'arrêt européen aurait pénétré grâce à celle-ci dans le Fort de Rosny-sous-Bois sans aucun contrôle ! Ce site abrite : le Service central des réseaux et technologies avancées - le Service technique de recherches judiciaires et de documentation - le Système des opérations et du renseignement...

Le travail de la police administrative et judiciaire permet non seulement de débusquer les individus mal intentionnés ou les auteurs de crimes ou délits, mais également de connaître leurs méthodes de travail et les objectifs visés, informations qui permettront d’améliorer les mesures de sécurité et de multiplier les alertes. La recherche du renseignement repose sur les investigations qui ont pour but de recueillir des éléments d’information (l’EI ne devient renseignement qu’après avoir été vérifié et recoupé par d’autres sources d‘origines différentes). En possession d’éléments de base, le policier doit rechercher les informations manquantes. L’individu qui fait l'objet d'investigations devient le centre d'un système relationnel qu'il a tissé au fil des années, des rencontres, des déplacements, de la scolarité, des amitiés d'enfance, des amis de la famille, des relations au sein d'un club ou d'une association, etc. La recherche s’apparente à un puzzle qui requiert ingéniosité et patience.

Pour mener des investigations diagnostiques et se faire une idée des ramifications, l'enquêteur se doit d'en varier la nature du mode de recueil. C'est la pertinence de leur choix et les résultats de ces recherches qui rendront le résultat des investigations satisfaisant. La résolution d'un problème débouche sur la construction de théories explicatives liées à des activités et observations. Généralement, l’enquêteur a pour base de départ : un nom, un lieu, une date, un fait mineur, c'est en partant d’un de ces éléments qu'il lui faudra remonter la piste pour l’actualiser et découvrir les relations entre les personnes et les faits. Il lui faut saisir ce que l'on pourrait appeler la dynamique de la situation et coller au mieux de celle-ci. On peut en distinguer trois types : Passive : surveillance, observation - Réactive : exploratoire - Pré active : anticipatrice. L'enquêteur va s'appuyer sur : la projection : à partir d'un événement ou non événement passé, il va se poser la question, que va t-il se passer ? La prévision : en fonction d'une information, l'agent va bâtir des prévisions. La planification : il va concevoir le futur.

La sélection opérationnelle repose sur le choix des sources et des moyens opérationnels . Il est évident que chaque choix (choisir c’est aussi éliminer) n'exige pas les mêmes moyens en ressources humaines, en matériel, en temps, ou logistique, et représentent un coût différent. On ne peut d’autre part exclure des recherches les contraintes desquelles font parti : le cadre légal, le milieu, le terrain, le moment, etc. Le point de départ de toute recherche doit avoir à sa base un énoncé clair et précis de ses objectifs. Ces derniers doivent inclure non seulement les informations à réunir, mais aussi le temps dans lequel les informations doivent être recueillies (fenêtre), sans perdre de vue la prise en compte les contraintes imposées. Lors d’une mission opérationnelle, le service n’a guère le contrôle du « jeu » à moins de forcer l’autre à prendre une décision de nature à pouvoir prendre « la main » à son tour.

L'enquête s'apparente à un choix décisionnel qui doit conduire les investigations jusqu'à leur terme. Toute enquête suppose une décision initiale qui donnera l'impulsion de départ, d'autres séries de décisions viendront rythmer les autres étapes des recherches, et ainsi relancer la démarche vers l'étape suivante. Cette démarche impose des « boucles » investigatrices avec leur rétroaction afin d‘aboutir au résultat escompté tout en contrôlant chaque étape jusqu'à épuisement des boucles explorées. Le lecteur aura noté le côté systémique de l'approche. L'enquête est une décomposition d’un tout en ses éléments qui la composent et qui s'enchaînent pour venir s'imbriquer les uns dans les autres. On va de ce qui est connu à ce que l’on ne connaît pas encore. L'enquête suit une démarche descendante vers l’inconnu, mais elle est aussi régressive. C'est à dire qu'elle part du tout pour en arriver aux parties comme dans une analyse.

Les antécédents peuvent précéder le fait, mais le fait est aussi accompagné d’autres faits que l’on appelle concomitants. Exemple trivial, un terroriste qui réunit du matériel pour commettre son méfait, cela constitue un antécédent qui est précédé d'autres antécédents. Il faut donc en rechercher la cause parmi les antécédents déterminants. Le hasard va lui aussi jouer un rôle dans l'enquête. Rappelons que le hasard pur est une combinaison d’éléments imprévisibles et qu'il est rarement utile d’en rechercher l’explication (par contre, pour saisir « sa chance », il faut savoir la reconnaitre et posséder les connaissances utiles). Imaginez un homme qui se promène et reçoit une tuile sur la tête. Le détachement de la tuile du toit appartient à une série d'événements : le choix de l’itinéraire du passant, le moment, les conditions atmosphériques, qualité de la toiture, etc. qui constituent autant d'événements appartenant à d'autres séries. La rencontre de ces séries appartient au hasard et à lui seul. Il ne servirait à rien de chercher à décortiquer des événements qui n’auraient rien à voir avec les investigations en cours. Par contre, lors de certaines recherches, il faudra déterminer l'élément hasardeux d'un fait.

 



5 réactions


  • Ruut Ruut 7 juillet 2016 17:10

    Trop de chefs = 0 efficacités.


  • Milla (---.---.1.10) 7 juillet 2016 23:49

    La France sortira de l’état d’urgence le 26 juillet, sauf cas de force majeur 




    Il faut s’attendre à un attentat pour justifier la reconduite de l’état d’urgence. 

  • Milla (---.---.1.10) 7 juillet 2016 23:55

    Nice 17 juin, un agent de prévention en charge de la sécurité de la fan zone de l’Euro-2016 de football s’agenouille en direction de la Mecque et entame sa prière rituelle du vendredi après-midi... Imaginez la consternation des élus niçois en découvrant que l’individu appartiendrait à une mouvance radicale ! La municipalité de rappeler qu’un arrêté municipal interdit les actes de prosélytisme dans cet espace qui était décrit comme le plus sûr du pays ! Le fidèle n’était sans doute pas animé d’une intention criminelle (ce délit est contraventionnel), mais que serait-il advenu dans le cas contraire





    Encore un mensonge du pro ISRAËL du maire de Nice ?


    Tous ces faits divers sont inventés, il faut être complètement con pour croire que ce sont des musulmans qui sont derrière ces attentats 

  • Milla (---.---.1.10) 7 juillet 2016 23:58

    Les israéliens sionistes ,le Mossad et nos services secrets peaufinent tranquillement le prochain attentat.


  • Milla (---.---.1.10) 8 juillet 2016 12:34

    C’est vrai, une police et justice maçonnique qui a toujours protégé les réseaux pédocriminels sera-t-elle crédible demain en déclarant un gendarme suicidé avec deux balles dans la tête ou lors d’un acquittement d’innocents accusés à tort ?









    Exactement ! 

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