samedi 25 février 2012 - par Cedric Citharel

Si nous n’y prenons pas garde, le XXIe siècle sera pathétique ou ne sera pas

Dans les dictionnaires, on trouve à pathétisme la définition suivante : « caractère de ce qui est pathétique. » Certains ouvrages ajoutent même : « qui inspire l’émotion ou la pitié ».

La difficulté à trouver une définition valable pour ce terme réside dans le fait qu’il est désormais presque toujours employé au second degré, dans un contexte ironique.

Qualifier quelque chose ou quelqu’un de « pathétique » ne revient plus à dire qu’il suscite une vive émotion douloureuse ; bien au contraire, cela signifie que cette chose ou cette personne n’incite qu’au mépris et à l’indifférence. Dans ce cas, en sémantique comme dans bien d’autres domaines, la vérité est directement confrontée à son contraire.

Il nous faut donc trouver une nouvelle définition pour qualifier le pathétisme (et tout ce qui est pathétique), donnant à ce mot un sens qui réconcilierait ses deux significations opposées.

La définition que je vous propose est simple, le pathétisme (les puristes de la sémantique préféreront sans doute le terme « néopathétisme ») regroupe l’ensemble des comportements individuels et collectifs qui poussent la médiocrité à un tel point qu’elle en devient remarquable, cette définition ayant l’avantage de s’appliquer à des attitudes qui suscitent à la fois le mépris et la pitié.

Quelques exemples :

L’un des hommes les plus puissants de la planète viole une femme de chambre et affirme l’avoir séduite.

Ce même homme qui, quand il participe à des orgies, prétend qu’il ne cherche pas à savoir si les filles sont rémunérées ou non.

Un président, après cinq ans au pouvoir, refait les mêmes promesses démagogiques que celles qu’il n’a pas tenues pendant son mandat.

Une première dame qui pose devant « plus belle la vie » avec son nourrisson pour séduire les ménagères de moins de cinquante ans.

De tels comportements suscitent à la fois mépris et pitié de la part des observateurs extérieurs.

Attention cependant, si le néopathétisme est particulièrement remarquable chez nos élites, on le trouve partout ; le petit chef de rayon qui terrorise ses employés, le secrétaire qui vole des stylos à son bureau, l’agent de police qui laisse systématiquement repartir les blondes à forte poitrine sans les verbaliser, pour peu qu’elles lui fassent un sourire ou un clin d’œil, l’écrivain qui célèbre le jour où le nombre de ses followers sur Twitter a dépassé le nombre des personnes qu’il suivait (respectivement quinze pour treize). Tout le monde peut se retrouver un jour dans le clan des néopathétiques.

Alors que faire ?

Bien sûr, nous pouvons nous indigner chaque fois que nous sommes confrontés au phénomène, mais cela suffira-t-il ? Je ne le crois pas.

Puisque le néopathétisme est issu du décalage entre nos aspirations quotidiennes et le pouvoir qui nous est conféré dans le cadre de nos activités, il nous est facile, sur le plan individuel, de nous demander si le bénéfice que nous tirons de chacune de nos actions est justifié, et de faire profile bas chaque fois qu’il ne l’est pas. Mais que faire des autres ? Que faire lorsque nous évoluons dans un système qui profite aux plus mesquins, aux escrocs sûrs de leur bon droit, aux imposteurs professionnels ? Personnellement, je ne vois que deux options, le sabotage ou la fuite.

Puisqu’on ne réforme pas un système pacifiquement, et de l’intérieur, il nous faut agir à la marge, ou agir violemment. Agir à la marge, c’est sortir du système pour ensuite en dénoncer les dérives, agir violemment, c’est gifler ce petit chef qui se croit tellement supérieur (accessoirement, après votre licenciement, vous pourrez continuer votre combat en agissant à la marge.)

Bref, pour lutter contre le néopathétisme qui nous assaille, la recette est simple : ne pas faire de compromis et ne pas se compromettre.

Bon courage à tous.



3 réactions


  • easy easy 25 février 2012 19:03

    Néo ?

    J’ai bien du mal à voir ce qu’il y a de neuf dans le pathétique procédé, voulu, recherché.

    Que le mot pathétique ait été retourné de sens, comme bien d’autres mots comme gentil, obéissant, amateur, bricoleur...ne l’offusque pas et je me contente de les utiliser dans le sens perdu de vue.

    Par exemple j’écris que j’ai des parents sauvages ou primitifs sans guillemets alors qu’il s’agit vraiment de sortes de Papous mais d’un autre endroit.
    Reste à savoir ce que j’en dis et j’en dis toute ma haute considération, toute ma haute affection.
    Je procède très souvent e néologismes mais pour dire une chose nouvelle et je n’abandonne donc pas les mots existants au saccage ou à l’inversion.


    Parlons maintenant du pathétique.
    Il n’existe par trop entre deux personnes.
    Il s’exprime et se joue surtout face à une masse.

    C’est un sentiment qui tient de l’hystérisation collective.

    La collectivité a un effet terrifiant, le rejet d’un individu vers quelque fosse. Pour parvenir à expédier quelqu’un en bouc isolé, les lyncheurs sont obligés d’activer une hystérie au lynchage en amplifiant la faute de la cible, en produisant énormément plus de fumée que n’en produit le feu fautif.

    Une fois qu’un individu est pris dans une nasse d’expédition, il ne peut plus en sortir.

    La seule parade préventive et curative à l’expédition collective est la production de pathétique par le bouc.


    A priori, Jeanne d’Arc ne semble pas avoir produit de pathétique pendant son procès et aucun avocat n’en aura produit pour la sauver.
    Idem concernant Julien et Marguerite de Ravalet mais leurs avocats ont essayé d’en produire
    Idem concernant le Chevalier de la Barre mais ses avocats ont essayé d’en produire.

    Mais à la fin de l’affaire du collier de la reine Marie-Antoinette, il y avait parmi les prévenues, une femme qui avait été très complice de l’arnaque puisqu’elle s’était plusieurs fois déguisée pour tromper le cardinal de Rohan. Et bien le jour de son procès, elle était venue en portant son tout nouveau-né. Le Parlement de Paris, de toutes manières frondeur, aura voulu ressentir du pathétique et l’aura mise « Hors cours » (Hors de cause)

     
    Ceux d’entre nous qui se sent exposés aux expéditions par la masse, s’en protègent en produisant préventivement du théâtre pathétique. Et bien entendu, toute première dame se sachant très vulnérable aux lapidations, ne serait que prudente de constituer un stock de sentiments pathétiques de sa faveur pour le cas où. 
    Contrairement à Marie Leszczyńska, Marie-Antoinette a totalement négligé de constituer ce volant de sympathie populaire en sa faveur et n’a eu droit à aucune grâce quand les coups ont commencé à pleuvoir sur elle.

    Ce stock de sympathies est fragile, un moindre faux-pas et il pourrit (Cf Chantal Goya) ; mais les personnes exposées au lynchage ont intérêt à le constituer.



    • Cedric Citharel Cedric Citharel 25 février 2012 21:18

      Le problème, c’est que pour se comprendre, les gens doivent parler le même langage. Quand la signification des mots change, il est bon de le signaler, sans quoi on risque un clivage entre les anciennes et les nouvelles générations.


      Pour le reste, je ne crois pas que nous parlons du même phénomène. Quelle que soit la définition que nous donnons au mot « pathétique » un homme qui offre une bague à une femme qu’il ne connaît pas et dont il est tombé amoureux dans le métro est pathétique aux yeux de cette femme... et pas face à une masse.


      À force de vouloir faire de nos problèmes personnels des problèmes sociaux, nous risquons d’oublier que si nous voulons changer les choses, c’est notre regard et notre comportement qu’il faut commencer par changer.


  • Cedric Citharel Cedric Citharel 26 février 2012 11:56

    Pas grave, on a le droit de ne pas être d’accord ;)


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