Sortir de la crise et assurer la sécurité nationale
Ces jours-ci, je suis avec beaucoup d’intérêt la situation dans les pays en proie à la flambée épidémique du nouveau coronavirus (COVID-19). Par crainte de l’effondrement économique, du fait qu’il est difficile de prolonger l’état de fermeture sans savoir combien de temps la crise va durer, des pays commencent à mettre en route la vie normale.
Aux États-Unis, par exemple, l’administration Trump a adopté des mesures d’ouverture de l’économie assortie de précautions. Ce faisant, le gouvernement a déclenché une bataille acharnée avec les gouverneurs des États.
Quant à l’Allemagne, des mesures ont été prises pour assouplir les restrictions imposées à la vie publique. Le ministre allemand de la santé, Jens Spahn, a averti que les risques liés à l’épidémie de la COVID-19 ne sont pas encore écartés. Même si la fréquence de propagation du virus en Allemagne baisse, la situation reste incertaine et peu sûre.
Dans de nombreux pays, on débat vivement des stratégies de sortie de crise. On s’interroge surtout sur quand la crise pourrait prendre fin et sur comment éviter qu’un revers ne provoque une plus forte. Les opinions varient bien entendu en fonction des conditions de chaque pays, mais aussi des points de vue et des perceptions des parties concernées.
C’est ainsi que les responsables des économies veillent à éviter de nouvelles pertes qu’on aurait du mal à combler. Les experts médicaux et sanitaires, quant à eux, sont peu enclins à placer l’économie au-dessus de la santé publique. Ils craignent une recrudescence.
Cette conversation entre partisans et adversaires des restrictions sanitaires se déroule également dans les médias sociaux. Nombreux se disputent les avantages et les inconvénients de telle procédure. Toutes ces discussions supposent une bonne volonté et un souci du bien commun. Cependant, force est de rappeler que certaines décisions ne cadrent pas avec un seul point de vue.
Dans les situations de crise majeure, comme c’est le cas aujourd’hui dans l’épidémie de coronavirus, la prise de décision nécessite une approche globale. Qu’il faille imposer des restrictions à la vie publique ou lever petit à petit les interdictions et revenir à un rythme de vie normal, la prise de décision doit se fonder sur des informations complètes sur tous les secteurs et permettre de dresser ne image complète de la réalité sous tous ses aspects.
Il faut évaluer comment les mesures prises agissent sur la société dans ses dimensions économiques, sécuritaires, politiques, sanitaires et même psychologiques. La question, même si elle gravite autour d’un dilemme sanitaire, a des implications globales. En l’absence de celles-ci, on ne peut pas bâtir de vision ou de stratégie intégrée de gestion des crises et de prise de décision.
Ce qui complique encore la prise de décision dans ces circonstances, c’est qu’il n’y a pas de lumière à l’horizon. En fait, on n’a pas encore trouvé de vaccins ou de traitements reconnus à l’échelle internationale. Les dirigeants sont donc confrontés à un scénario sans précédent : la santé humaine va devoir s’aligner sur la préservation des économies nationales qui risquent de crouler sous le poids de la crise. Autrement dit, on a beau avoir un équilibre délicat entre deux pertes selon des calculs, des données et des considérations précises.
Pour moi, en tant que chercheur, la prise de décision dans de telles crises est si déterminante et sensible que les décisions prises en temps de guerre. Ici, il s’agit d’une bataille sanitaire étroitement mêlée à la sécurité nationale. L’impact profond de cette bataille dépasse de loin celui de certaines batailles militaires sur les plans humain, économique et autres. Donc, tout débat sur les procédés de sortie de crise doit s’appuyer sur des informations précises et adéquates sur ses divers versants. Dans le cas contraire, les opinions peuvent être relativisées et réduites à un certain angle.
Gérer la crise du coronavirus est un enjeu des plus lourds pour les dirigeants. La sécurité nationale des États est en jeu. Les calculs ne relèvent pas uniquement des statistiques nationales, mais aussi d’une prise de conscience stratégique, d’une coordination et d’une coopération suffisantes avec les partenaires internationaux.
Le scénario de fin de crise ne va donc pas seulement créer un nouveau monde. Il va faire émerger des leaders porteurs d’avenir dans divers pays du monde. En même temps, d’autres vont perdre leurs lettres de noblesse.