lundi 3 août 2015 - par clément dousset

Stanislas Dehaene nous a-t-il donné le « code de la conscience » ?

Face aux livres des savants, nous sommes souvent bien dépourvus pour prendre un réel recul critique. Il est des ambitions pourtant, comme celles d'expliquer la conscience, en face desquelles il est urgent de réagir. Le livre de Stanislas dehaene, "Le code de la conscience", ne peut ainsi nous laisser indifférent. Neurobiologiste, membre de l'académie des Sciences, professeur au Collège de France, directeur de l'unité Imagerie cognitive à Neurospin, Dehaene nous a-t-il réellement donné le "code de la conscience", c'est à dire le secret qui l'explique, ou s'est-il illusionné, n'a-t-il pas tenté de nous illusionner nous-mêmes en suivant un parti-pris très contestable ?

Le livre au titre choc de Stanislas Dehaene annonce un ouvrage marquant. Et « Le Code de la Conscience » publié fin 2014 aux éditions Odile Jacob est à n'en pas douter un traité scientifique de poids dans le domaine de la neurobiologie. C'est aussi un essai philosophique d'envergure à l'ambition claire et dès l'abord dévoilée. Savoir si cette ambition a atteint son but, c'est une autre question.

 

Un traité substantiel

Le traité nous fait cheminer avec clarté dans des ténèbres qu'on a pensé très longtemps impénétrables : le mystère de la conscience présente. L'I.R.M. (imagerie fonctionnelle par résonance magnétique), l'EEG (électroencéphalographie) et la MEG (magétoencéphalographie) sont les phares de cette exploration que permet encore d'étendre la pose de fines électrodes à l'intérieur du tissu cérébral. Ainsi peuvent être visualisées toutes les réactions du cerveau liées à la présentation à un sujet de stimulus sensibles. Par un protocole d'expérience ingénieux, Dehaene et son équipe ont pu ainsi comparer les réactions du métabolisme cérébral en fonction de stimulus principalement visuels qui entraînaient ou non une perception consciente chez un lot de patients. Ils ont ainsi mis à jour que certains stimulus, brefs et « masqués », dont on pouvait suivre l'effet à la trace jusque dans le cortex supérieur et dont les réactions du sujet témoignaient qu'ils avaient été compris pouvaient ne pas entraîner d'expérience subjective. En un mot que le cerveau pouvait enregistrer l'information contenue dans une image, la présentation d'un nombre par exemple, sans que le sujet ait eu conscience d'avoir vu l'image. Ils ont ainsi établi assez clairement l'existence d'un fonctionnement cérébral inconscient qui pouvait même être lié à l'élaboration de la pensée abstraite.

Par contraste, ils ont pu discerner dans l'activité neurale induite par des stimulus qui font accéder à des perceptions conscientes ce que Dehaenne appelle les « signatures d'accès à la conscience ». La première est un « embrasement » de nombreuses régions du cortex où les neurones entrent en forte activité. Cet embrasement est aussi assimilé à une « avalanche » car l'activation ne cesse de s'amplifier, de gagner en force au fur et à mesure de sa progression. A partir de ses expériences sur la perception d'une image, Dehaene met en lumière l'existence d'une seconde « signature », l'onde P300. 300 millisecondes après l'apparition du stimulus, une intense onde d'électricité positive parcourt en effet le cerveau de l'arrière vers l'avant. Une troisième signature de la conscience se manifeste par une longue activité de haute fréquence proche de l'activité gamma (40 Hertz). Enfin, et ce serait là une quatrième signature de la conscience, il y a une synchronisation massive des signaux électromagnétiques du cortex, les neurones appartenant à des régions cérébrales très éloignées se mettant à osciller dans la même bande de fréquence.

Connaître les « signatures » de la conscience ne manque pas d'avoir des applications pratiques d'importance majeure que Dehaene détaille aux chapitres 6 et 7 (« l'heure de vérité » et « l'avenir de la conscience »). Il montre en particulier comment le repérage de l'onde P300 peut permettre de distinguer pour les patients dans le coma ceux qui sont dans un état végétatif et ceux qui sont dans un état de conscience minimale alors que le diagnostic médical n'est souvent pas déterminant. Des questions jusqu'alors vivement débattues comme la présence ou l'absence de conscience chez le très jeune enfant paraissent en passe d'être tranchées : la conscience serait contemporaine de la naissance. Un test de la conscience auditive mis au point par Dehaene et son équipe a permis de certifier que le cerveau du singe présente une signature de la conscience. « Des recherches pilotes menées par le chercheur français Karem Benchenane suggèrent que même la souris pourrait réussir ce test » (1). Surtout, là où la question de l'accès à la conscience se pose, la recherche, à partir des signatures de la conscience, pourrait permettre des actions thérapeutiques cruciales dont la principale est bien sûr d'entraîner le retour à la lucidité des comateux chez qui on a pu détecter un état de conscience minimale. Des résultats prometteurs ont d'ores et déjà été observés.

 

Des a priori philosophiques

Si le traité scientifique provoque l'admiration et suscite l'adhésion, l'essai philosophique, lui, est plus discutable. La façon dont Dehaene donne les pleins pouvoirs à la neurobiologie matérialiste pour parler de la conscience peut paraître expéditive. Certes Descartes a droit à quelques pages attentionnées mais c'est pour dire que le philosophe était un neurobiologiste sans le savoir et que son dualisme était soit un opportunisme dans un temps où l'athéisme était persécuté soit la conséquence d'une vision trop mécaniciste du corps. La machine corporelle qu'il avait conçue aurait eu besoin d'une autre substance que la matière pour donner à l'esprit la liberté qu'on lui reconnaît. Le dualisme de l'Américain Eccles ayant osé postuler que « l'âme immatérielle agit sur la matière du cerveau » est assassiné en deux lignes. Un court paragraphe suffit pour rejeter la proposition « baroque » de Penrose faisant état d'une exploitation par le cerveau de la superposition des états quantiques.

Je n'ai nullement l'intention de défendre le dualisme de Eccles qui fait d'ailleurs référence comme Penrose à la physique quantique. Dehaene a raison de dire que ni l'un ni l'autre ne s'appuient sur la « moindre donnée de neurobiologie ou de science cognitive ». Je note cependant qu'ici comme ailleurs les neurobiologistes qui se veulent strictement matérialistes ont tendance à croire que la matière commence avec les molécules organiques et que ce qui se situe au niveau de l'atome ou en dessous dans les particules élémentaires, dans le spin des électrons, dans la force nucléaire forte ou gravitationnelle doit être a priori exclu d'un système d'explication de la conscience.

 

Le dédain de l'affectif

Ce « neurobiocentrisme » est loin toutefois d'être ce qui me gêne le plus. Ce qui m'alerte c'est la volonté de Dehaene de s'emparer de la conscience et de la nettoyer de tout contenu affectif. La façon dont il parle de la conscience phénoménale, des qualia est sans appel : « Dans quelques décennies, la notion même de qualia, ces quanta d'expérience pure, dépourvus de tout rôle dans le traitement de l'information sera considérée comme une idée étrange de l'ère préscientifique. » (2) Or, pour en rester au seul plan des sensations, les qualia ne se réfèrent pas seulement à leur qualité particulière mais à leur contenu affectif marqué quantitativement (un bruit est plus ou moins fort, une lumière plus ou moins vive) et affectivement (une sensation est plus ou moins plaisante ou plus ou moins douloureuse). Prétendre expliquer la conscience sans expliquer le plaisir et la douleur en tant que réalités subjectives ne me paraît pas pertinent. L'affectivement neutre n'existe pas dans la conscience, quelle que soit l'illusion qu'on en ait.

Sans doute l'image visuelle est-elle l'objet de conscience sensible le moins sensuel que nous puissions percevoir, très loin de l'odeur sur ce plan en tout cas. Mais, si nous l'examinons, nous la voyons composée de grains de couleur ou de lumière qui coexistent en son sein avec chacun sa particularité propre et sa valeur affective. Une image est faite d'une myriade de micro-affects même si on ne la retient comme Dehaene que pour être le support d'un chiffre ou de la graphie d'un nom, c'est à dire que le support d'une information abstraite. L'image justement avant d'être le support d'une information (ce qu'elle est à l'occasion, ce qu'elle n'est pas par essence) est la concrétisation d'une énergie affective.

En quoi cette forme d'énergie est-elle la transformation d'une autre ? Et quel phénomène permettrait cette transformation ? C'est ce sur quoi Dehaene ne s'interroge pas et ce sur quoi on ne peut pas ne pas s'interroger si on ne veut pas parler de la conscience comme d'une forme vide. La réflexion ici, je le sens bien, risque d'être complexe, périlleuse ou oiseuse. Mais il est des moments où le raisonnement par analogie peut être un recours éclairant. Dehaene nous en fournit un des deux termes : « Lorsque nous regardons un vieil écran de télévision muni d'un tube cathodique, l'image clignote cinquante ou soixante fois par seconde et l'enregistrement des neurones du cortex visuel montre qu'ils clignotent à la même fréquence. »(3) Gardons le chiffre de 50 fois par seconde et donc la durée de 40 millisecondes comme correspondant à une image (4). Nous pouvons toujours considérer qu'il y a correspondance entre deux éléments. Le premier serait un certain segment d'onde électromagnétique d'une longueur d'environ 6000 km (5). Ce segment d'onde est modulé en amplitude de façon particulière induisant la forme particulière de l'image reçue par l'écran. Le second serait un certain état des oscillations coordonnées de neurones se prolongeant de façon fixe pendant 40 millisecondes et induisant la forme particulière de l'image perçue par la conscience. Il y a à chaque fois un signal et une image. Il y a à chaque fois aussi l'état initial d'un objet et son état final. Cette façon de voir permet d'apprécier la transformation des substances (c'est à dire des formes d'énergie) qui conduisent à l'actualisation de l'objet -image. Dans le cerveau, c'est le mystère. Dans le vieux téléviseur, c'est relativement aisé à décrire si l'on simplifie. Capté par l'antenne, le segment d'onde qui a pour substance l'énergie électromagnétique se transforme après entrée dans le démodulateur en une variation d'intensité électrique de 40 millisecondes. Cette variation d'énergie électrique fera, pendant 40 millisecondes toujours, varier l'énergie cinétique d'un flux d'électrons projeté dans le tube cathodique. Ce flux d'électrons balaye la face interne de l'écran de gauche à droite et de haut en bas pendant toujours 40 millisecondes. Donc on a passage de l'énergie électromagnétique à l'énergie électrique et de l'énergie électrique à l'énergie cinétique .

Et après ? L'image virtuelle devient-elle actuelle automatiquement sur l'écran qu'on regarde ? Eh bien, non. Si l'écran n'est que du verre opaque, il reste noir sinon d'un gris verdâtre. Pour que l'image y apparaisse, il faut autre chose. Il faut que chaque ligne de la face interne de l'écran soit tapissée d'une centaine de photophores. Sans ces minuscules appareils, l'énergie cinétique du flux d'électrons ne peut être transformée de façon modulée en énergie lumineuse. Tout le cheminement ingénieux s'arrête court. Et l'image reste virtuelle, désespérément. Ainsi donc électromagnétique, électrique, cinétique, puis lumineuse, l'énergie ne subit pas moins de trois transformations avant de devenir substance de l'image. Et selon des processus à chaque fois différents, rigoureux et précis. Tout en étant instantanés. Des neurones qui oscillent avec un rythme particulier et sûr à l'image qui jaillit dans notre conscience, ne pourrait-il pas en être ainsi ?

 

L'intégration, un leurre intellectuel.

Mais ce n'est pas en tout cas ce qu'envisage Monsieur Dehaene qui semble nettement préférer le numérique à l'analogique pour expliquer la conscience.Cette machine dont il aurait déchiffré le code, il se voit prêt à la construire comme un ordinateur amélioré : « Dans une machine consciente, il faudrait avant tout que les programmes puissent communiquer entre eux avec une grande flexibilité. [ ...]. Les ordinateurs actuels interdisent généralement ce type d'échanges [...] Seule exception : le presse-papiers, qui permet un copier-coller d'une application à l'autre [...] L'architecture envisagée permettrait d'augmenter massivement la flexibilité des échanges d'informations, en fournissant une sorte de presse-papiers universel et autonome : l'espace de travail global. »(6) La trivialité de l'expression : « presse-papiers » pour désigner le générateur de conscience s'accorde ici avec la légèreté de l'idée. Le seul fait de compiler en les faisant se joindre des idées imprimées de façon disjointes dans le cerveau en ferait jaillir comme par pression la conscience.

Bien sûr cette compilation va de pair avec une organisation synthétique que Dehaene appelle : « intégration ». Or ce mot d'intégration strictement appliqué par Dehaene à la façon dont s'agrègent et s'ordonnent des éléments informatiques pour produire un percept sensible comme une image me paraît un leurre intellectuel. Que les assemblées de neurones en coordonnant leur activité nous permettent d'interpréter une scène, d'en distinguer les éléments, de les nommer etc., c'est une chose. Qu'elles produisent à partir d'informations sur les couleurs, la luminosité, la direction des lignes, l'étendue des surfaces, leur distance etc. la disposition de points de couleur dans l'espace de la conscience, c'en est une autre qui, pour moi, n'est pas acceptable. Sans doute l'image mentale dont l'existence est indéniable pose-t-elle des problèmes particuliers qu'il conviendrait d'examiner isolément.(7) Mais pour comprendre comment se forme l'image à partir des stimulus externes, le recours à la mise en commun d'éléments d'analyses distinctes ne peut déboucher que sur du vide : l'absence justement des points de couleur. Dehaene écrit : « Lorsque nous contemplons la Joconde, notre conscience ne nous donne jamais à voir une sorte de Picasso éviscéré dont les mains, les yeux et le sourire magique tireraient à hue et à dia . »(8) Il croit argumenter ainsi pour dire que le phénomène par lequel l'image vient à la conscience est le produit du bon ajustement et de la bonne coordination de données séparées provenant de moteurs d'analyse divers. C'est oublier que ces moteurs peuvent, l'un ou l'autre, cesser de fonctionner ou n'avoir jamais fonctionné du tout sans pour autant que nous soyons aveugles. Différentes formes d'agnosies consistant dans un déficit de la reconnaissance des formes, des couleurs, de l'orientation des objets peuvent justement faire ressembler la vision de certains patients à un « Picasso éviscéré » mais n'empêchent nullement le surgissement d'une réalité visuelle à la conscience. En elle s'impriment d'ailleurs au premier regard les Picasso si tourmentés soient-ils. Et les Soulage, les Fautrier ou les Pollock, tous ces tableaux dits abstraits dont la matière colorée, pleine de concrétions étranges, de formes à peine perceptibles, de couleurs chevauchant mystérieusement les lignes emplit pourtant précisément dès l'abord notre regard autant que la Joconde alors que notre cerveau s'active encore longtemps après pour y reconnaître formes, objets, semblant de situation, de sens ou seulement rythme de couleurs, d'espace et de lumière… A l'inverse, des patients qui peuvent indiquer la direction d'objets, même les saisir, même parler de leurs couleurs et qui témoignent ainsi d'un processus d' « intégration » assez poussé de l' information visuelle n'ont néanmoins conscience d'aucune image par suite de l'altération du cortex visuel primaire ou des voies qui y accèdent (9). Dehaene qui ne veut pas entendre parler des qualia ne semble pas non plus vouloir admettre que le phénomène de la vision consciente n'est pas causalement lié à des analyses disjointes qui peuvent exister sans lui et dont l'absence n'empêche pas qu'il existe. Ce que je vois et dont je ne peux dire quoi que ce soit, je le vois quand même. Ce que je ne vois pas avec un semblant de couleur ou de lumière dans un espace ayant un haut et un bas, une gauche et une droite et que je puis pourtant connaître par mille informations, je ne le vois pas.

Bien sûr la pensée de Dehaene qui voit surgir l'être lumineux de la conscience du néant obscur de l'inconscient par la seule vertu de l'intégration n'est pas seulement de l'ordre de la foi. Elle part d'un réflexe de bon sens : pourquoi les aires pariétales et frontales du cortex visuel qui analysent, précisent et enregistrent tant de données de la scène visuelle existeraient-elles si elles ne servaient à rien ? Evidemment la question serait dérangeante alors. Mais ces aires n'ont pas besoin de servir à une supposée intégration pour être utiles. Toutes les informations qu'elles recueillent peuvent servir – Dehaene le montre et en cela il a certainement raison – à alimenter la conscience. Je puis penser à la forme d'un objet, à sa position, à son éclairage, à sa fonction, à son nom etc. à partir des éléments d'analyses distinctes. Et je ne le pourrais pas s'il n'y avait pas des unités distinctes pour ces analyses.

Mais cela n'est pas à mon sens le rôle décisif des centres d'analyse spécialisés dans l'élaboration de l'image visuelle. Leur rôle pourrait être un rôle de correction et de retouche perpétuels. Le cortex visuel primaire enverrait une épreuve fabriquée sur l'aire rétinotopique et correspondant aux données brutes envoyées bâtonnet par bâtonnet ou cône par cône selon le stimulus reçu sur la tapisserie rétinienne. Cette épreuve serait examinée sous toutes les coutures et selon de multiples critères par les assemblées de neurones idoines. L'épreuve retouchée, la photo finale si l'on veut, serait alors renvoyée à l'aire rétinotopique du cortex visuel primaire et chaque module cortical s'y réactiverait de façon plus ou moins différente de la première épreuve. Là où l'ombre était douteuse, elle deviendrait franche. La ligne esquissée par des pointillés se dessinerait. Le contour flou se préciserait, s'affinerait, des cases de l'échiquier d'Adelson (11) s'éclairciraient ou se fonceraient etc. etc. Evidemment la succession d'images s'organiserait elle aussi avec un système de retouches multiples et les objets qui bougent apparaîtraient glisser au lieu de se mouvoir par saccades ... Là le problème de l'intégration constitutive de l'image dans « l'espace de travail » n'existe plus et celui de la conscience se déplace vers l'aire rétinotopique.

 

Voir hors de « l'espace de travail »

Ce que je suppute ici n'est pas sans laisser de traces à l'observation et Dehaene lui-même nous en fait part : « La propagation de l'onde vers l'avant n'est pas compliquée à comprendre : il faut bien que l'information sensorielle qui définit l'objet perçu quitte la rétine et pénètre dans la hiérarchie des aires corticales depuis le cortex visuel primaire jusqu'aux représentations plus abstraites de son identité et de son sens. L'onde qui parcourt le cerveau en sens inverse, par contre, n'est pas encore bien comprise. Ce pourrait être un signal attentionnel qui amplifie l'activité sensorielle. Il se pourrait également que le cerveau renvoie des messages aux aires sensorielles afin de leur confirmer que toutes leurs sensations ont bien été interprétées et de vérifier s'il reste certains détails à expliquer. »(9) Confirmation et vérification, ce n'est pas du tout pour ma part les fonctions modestes que j'assignerais à l'onde rétrograde. Je lui assignerais plutôt la fonction première : lancer (un peu après Dehaene, j'en conviens) le processus qui fera apparaître la conscience de l'image. Celui-ci passe inévitablement pour moi par la réactivation des modules corticaux de l'aire rétinotopique.

Comment se ferait alors - comme je l'envisageais dans mon raisonnement à propos du téléviseur - « un certain état des oscillations coordonnées des neurones » spécifiquement lié à l'image perçue ? Quels seraient les « photophores » ( peut-être le « photophore » unique ) qui permettraient le passage de la substance physique de l'énergie à une substance affective ? C'est par là à mon sens qu'il faudrait chercher. En tout cas plus sûrement qu'ailleurs. Cantonné dans ce qu'il appelle avec d'autres « l'espace de travail conscient » et où on ne voit nulle part comment pourrait surgir sa lumière, Stanislas Dehaene ne nous a pas donné le « code de la conscience ».

 

 

1- p.334

2- p.356

3- p.200

4- En réalité une moitié d'image qui s'entrelace avec l'autre en décalage d'une ligne. Les images se succédant au rythme exact de 20 par seconde.

5- la vitesse de propagation de l'onde magnétique étant équivalente à celle de la lumière : 300.000 km par seconde.

6- p.353

7- Il existe plusieurs aires rétinotopiques. Dans l'état actuel de nos connaissances (ou de nos ignorances) sur les substrats physiques qui peuvent porter la substance des objets conscients, je ne puis concevoir l'existence d'une image mentale, qu'elle soit d'imagination, de souvenir ou de rêve, sans l'activation d'une aire rétinotopique au moins.

8- p.244

9-Tous ces phénomènes auxquels je fais allusion ici sont englobés sous les termes de « vision aveugle » et sont assez bien exposés sinon expliqués dans l'article suivant : « La vision aveugle ou voir sans le savoir », carnets2psycho

10- p194

11- L'illusion d'optique dite de l'échiquier d'Adelson se manifeste par l'impression d'une forte différence de teinte entre deux cases d'un échiquier : l'une noire éclairée et l'autre blanche à l'ombre alors que toutes deux sont exactement de la même nuance de gris

 



20 réactions


  • gaijin gaijin 3 août 2015 08:25

    comment trouver le conducteur d’une voiture en démontant le moteur ?
    telle est la question ........


  • Cyborgien 3 août 2015 21:58

    Ferai mieux de faire un super détecteur de mensonges IRM à 40Hz ... ça ferait des économies de justice et ça permettrait de virer des castistes pourris (pléonasme) ...
     
     
    « Le totem plasma a cet avantage : il interdit une image de l’imagination, car une image mentale ne peut cohabiter avec la même image perçue du réel. Sauf a ne »plus regarder« ...Contrairement au pouvoir imaginatif du papyrus par ex. Ainsi, petit benêt, bombardé d’images et de son 3D, est dans la néantisation de son imaginaire. Petit benêt devant son totem plasma ne peut inventer la baleine MobyDick. Petit benêt a dorénavant sa propre représentation mentale fixée par l’autre, le film du Seigneur, image identique pour tous les petits benêts de toute la planète. Petit benêt a été un peu décérébré. »
     
    Les totems des benêts
     


  • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 4 août 2015 05:59

    Article bien écrit, synthétique qui permet au lecteur de suivre la réflexion pourtant assez technique.

    La critique de Dehaenne est intéressante mais fragile sur la question de l’intégration contre laquelle l’auteur a visiblement des a prioris

    Le plus étonnant est que cette critique citoyenne ô combien légitime des élucubrations et prétentions scientifiques ne va pas jusqu’à remettre en cause l’idée du pixel et de l’image et s’efforce de penser la conscience visuelle sur cette base horriblement technocentrée dont la pertinence est tout sauf établie.

    Il me semble qu’il y a de bonnes raisons de penser que la vision c’est avant tout la reconnaissance de forme et du mouvement et il se pourrait qu’il s’agisse de processus primaires qui se dispensent de passer par une phase où tout ne serait que pixels sur une série d’image fixes.

    La métaphore télévisuelle ne nous mènera pas à la connaissance de la conscience, tout au plus au lessivage de cerveaux...


    • clément dousset clément dousset 4 août 2015 10:39

      @Luc-Laurent Salvador

      Ce n’est pas à moi que vous auriez dû parler de base « horriblement technocentrée » à propos des points de couleur, c’est à Seurat dont le pointillisme pictural a poussé jusqu’au divisionnisme la technique du touche par touche utililisée par un Pissaro, un Renoir ou un Monet et qui a donné à nos regards toujours éblouis le ravissement sensuel des tableaux impressionistes. Croire que voir c’est « avant tout reconnaître les formes et les mouvements », c’est avoir une vision bien intellectualiste de la vision, forme et mouvement étant deux réalités abstraites.

      Sans doute les ordinateurs peuvent maintenant reconnaître les formes (ma caméra repère les visages) et les mouvements mais les ordinateurs ne voient pas. En revanche -et je crains que vous n’ayez pas lu ou pas compris mon développement argumentatif sur les anomalies de la vision- il est patent que ceux qui ont des difficultés plus ou moins grandes à reconnaître les formes ou à percevoir les mouvements ont malgré tout des sensations visuelles spatiales, lumineuse et colorées. Et il est patent également -c’est là le syndrome de la vision aveugle- que des sujets qui sont incapables d’avoir des sensations visuelles peuvent néanmoins reconnaître les contours d’objets, leur disposition dans l’espace et même leur couleur uniquement par les informations qui parviennent sur leur rétine et qui sont transmises ensuite aux centres d’analyse du cortex visuel supérieur.

      L’idée d’une division de l’espace visuel en points de couleur ne part pas d’une conception « technocentrée » mais d’une conception qui repose sur l’anatomie du cortex visuel primaire où sont disposées de multiples colonnes corticales occupant chacune un point de l’espace cérébral correspondant à un point de l’espace rétinien (sauf pour le point dit « aveugle » où s’embranche le nerf optique). C’est cette disposition qui permet de parler d’espace « rétinotopique ». Que la sensation visuelle passe « avant tout » par l’activité de chacune de ces colonnes qui ne peuvent produire qu’une sensation localisée ponctuellement (un peu comme une piqûre d’aiguille que nous ressentons à un endroit ou à un autre), on en a la preuve. En effet quand le cortex visuel primaire est détruit, on peut avoir l’intégration qu’on voudra des analyses effectuées sur les stimulus reçus par la rétine, on ne verra rien. On ne verra rien non plus si le cortex visuel primaire en bon état est isolé par un biais ou par un autre (coupure du nerf optique ou rupture au niveau des voies descendantes rapportant les analyses du cortex visuel supérieur). Cela suffit à mon sens pour dire que la sensation visuelle, donc la conscience de l’image, n’est aucunement le résultat d’une quelconque intégration mais bel et bien d’une activité du cortex visuel primaire (du moins quant à son origine).

      En revanche, et vous m’avez peut-être compris sur ce point) la sensation visuelle n’a pas pour origine l’activité réflexe et sans contrôle des colonnes corticales en réponse automatique aux potentiels d’action du nerf optique et donc aux stimulus sur le tissu rétinien, elle est contrôlée et même refaçonnée par les messages « descendants » provenant du cortex supérieur et de ses centres d’analyse. Qu’il y ait là, donc avant la sensation, une forme d’intégration, c’est tout à fait possible, c’est même quasiment certain. Mais cette intégration reste inconsciente. Ce n’est pas elle en tout cas qui produit la conscience visuelle, l’image qu’on voit pour parler simplement...

    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 4 août 2015 16:14

      @clément dousset

      Désolé, cette pixelisation « technocentrée » n’est pas légitimée par l’existence de la rétinotopie.
      Quant au mouvement, il n’est pas une abstraction, il est même à la base de la perception. Si vous empêchez les saccades de l’oeil, la vision disparaît. C’est lui qui est le plus important dans la vision (pour la survie). C’est avec lui qu’il faut commencer. Le reste, c’est presque du détail et il ne faut pas s’y noyer.

      "Qu’il y ait là, donc avant la sensation, une forme d’intégration, c’est tout à fait possible, c’est même quasiment certain. Mais cette intégration reste inconsciente. Ce n’est pas elle en tout cas qui produit la conscience visuelle, l’image qu’on voit pour parler simplement... « 

      L’image qu’on voit, comme vous dites, est complètement dépendante de cette intégration a priori que constitue l’attente perceptive. Et ce, à un degré tel que Taine pouvait, avec raison, affirmer un siècle avant les travaux de Maturana et Varela que »la perception est une hallucination vraie« .

      Si vous faites passer un crayon par exemple à cheval sur la tache aveugle, là où il ne peut y avoir de vision parce qu’il n’y a pas de récepteurs, vous »voyez« néanmoins votre crayon en parfaite continuité entre les deux morceaux qui sont eux dans des zones réceptives. Ce bout de crayon qui fait la jonction, il est proprement »halluciné« . Et c’est une hallucination »vraie« . Vous pouvez toujours courir pour trouver ici des pixels et des colonnes, etc. C’est à partir d’une représentation de l’objet, de sa forme et des contraintes anticipées que la perception est »construite". Pas de pixel ici. ça serait plus proche du dessin vectoriel qui lui (pour ce que j’en devine) est centré sur la forme.

      Bref, il fera chaud quand l’atomisation inhérente à la pensée neuronale pourra expliquer ce sommet de l’intégration qu’est la conscience !


    • clément dousset clément dousset 5 août 2015 05:19

      @Luc-Laurent Salvador
      Je ne vois pas du tout ce que signifie votre argument sur les saccades de l’oeil. Il est bien sûr que la vision s’accompagne de mouvements du globe oculaire mais ces mouvements n’ont pas de rapport avec la perception du mouvement des objets. Ce dont je parle c’est de l’agnosie visuelle du mouvement ou akinoscopie. Elle s’accompagne bien sûr de difficultés dans la vision. On observe des « arrêts sur l’image ». Les objets en mouvement apparaissent partiellement ou totalement invisibles ou visibles par intermittence ou m^me déformés mais enfin jamais la vue ne cesse totalement et les troubles de l’image peuvent toujours se comprendre par une analyse point par point.


      Votre développement sur les taches aveugles qui se veut une objection majeure n’en est pas du tout une pour moi. Permettez moi de me citer :« Là où l’ombre était douteuse, elle deviendrait franche. La ligne esquissée par des pointillés se dessinerait. Le contour flou se préciserait, s’affinerait. Des cases de l’échiquier d’Adelson s’éclairciraient ou se fonceraient etc.. » Dans mon et cetera j’incluais tout à fait la disparition des taches aveugles qui se résorbent selon la texture, la couleur et la luminosité de l’environnement immédiat. Le phénomène proprement hallucinatoire intervient certes mais pas de façon plus prononcée que dans les autres cas que je citais. Trois causes le limitent. D’abord la vision stéréoscopique. La partie du champ de vision obturée pour un oeil par la tache aveugle est visible par l’autre. Ensuite -et c’est l’occasion d’en parler cette fois avec justesse- les saccades des globes font que les parties obturées pour un oeil ne sont jamais invisibles très longtemps. Enfin le fait que la tache aveugle ne se situe pas dans la fovéa extrêmement riche en cellules visuelles et toujours au centre du champ de vision mais dans une partie périphérique où la densité de cellules réceptives sur la rétine et le nombre de colonnes correspondant dans le cortex sont bien plus faibles. Ceci dit, le fait que l’activité des colonnes corticales soit commandée en même temps par les terminaisons du nerf optique et par les voies descendantes du cortex visuel supérieur conduit à ce que l’hallucination soit un phénomène inhérent à la vision normale. Elle peut exister pour une seule colonne comme pour toute une région ainsi que c’est le cas dans les cases de l’échiquier d’Adelson.

       Dans les images mentales, celles de l’imagination, du souvenir ou du rêve ou dans les phénomènes visuels proprement hallucinatoires, ce sont les voies descendantes, évidemment, qui ont les commandes uniques de l’activité sur l’aire rétinotopique. Je dis l’aire au singulier mais il y a en réalité dans le cerveau au moins une quinzaine d’aires rétinotopiques. Et, comme je l’indique en note, il n’y a pas pour moi une image mentale qui n’implique pas l’activité d’une aire rétinotopique au moins. Si l’on pouvait établir qu’une image parvient à la conscience sans qu’il y ait activité d’une aire rétinotopique au moins, alors ma façon de considérer les choses serait évidemment mise à mal. Mais ce n’est pas pour l’instant le cas.

  • Jean Keim Jean Keim 4 août 2015 07:51

    La vie est un mystère car le vivant est constitué des mêmes matériaux que la matière inerte mais avec quelque chose en plus ; il en est de même apparemment de la conscience qui semble sécrétée par le cerveau comme une télévision semble produire des images et du son mais dont l’émetteur est ailleurs.

    Il se passe néanmoins des choses étranges dans notre tête, ce qui m’interpelle le plus est le couple antagoniste attention et pensée, plus nous sommes attentifs et moins nos pensées se bousculent, la qualité particulière de l’attention est détruite par l’irruption de la pensée et à l’extrême la pensée focalisée sur un point particulier, ce qui est une extrême concentration, nous isole complètement de notre environnement. 
    La conscience dans sa définition ordinaire est indissociable du mouvement de la pensée et ainsi elle n’est qu’un contenu, l’illusion du contenant « moi-je-nous » étant lui même un contenu comme un autre mais qu’en est-il de la concience quand l’attention est totale, il nous est impossible d’analyser un tel état ?

    • Jean Keim Jean Keim 4 août 2015 08:41

      @Jean Keim
      Comme il nous impossible de le créer volontairement.


    • gaijin gaijin 4 août 2015 17:21

      @Jean Keim
      ben non on ne peut pas l’analyser puisque l’analyse le fait cesser smiley
      mais vous le saviez .....


    • Jean Keim Jean Keim 4 août 2015 20:33

      @gaijin
      Attention à ce que vous écrivez si effectivement « non on ne peut pas » double négation donc on peut ... 😂



    • vesjem vesjem 18 février 2016 22:27

      @Jean Keim
      l’attention est une particularité de la pensée ; la première aigüe , la deuxième « étendue »
      la conscience de soi peut être une illusion de soi ;
      tout comme le libre-arbitre du choix d’une action ou d’une pensée peut-être une réaction quasi automatique issue de la jonction instantané d’un acquis et d’un « héritage » génétique à l’instant « t » ; ceci à tout instant infiniment petit du « pseudo-choix » de l’action ou de la pensée


  • yoananda 4 août 2015 08:46

    Si je vous ai bien suivi, Dehaene à une vision purement cybernétique, voire mécaniste de la conscience ... ce qui est très réducteur. Je suppose qu’il essaye de se limiter à ce qui est « démontrable » (expérimentalement). Il ferait mieux d’admettre ses limites.

    Il existe une définition thermodynamique de la conscience, qui ouvre un paradigme unifié entre la conscience et la matière. mais je ne sais plus ou j’ai lu ça...


  • Philippe Stephan Christian Deschamps 4 août 2015 10:27


    .
    Identifier cette conscience comme étant la mienne et la vôtre, est une erreur totale, car notre conscience est la conscience de l’humanité.

    L’homme, la femme, où qu’ils se trouvent dans l’univers, sont en perpétuel effort, en perpétuel conflit, sans jamais résoudre aucun des problèmes tels que la peur, la souffrance, la solitude, mais toujours en quête de plaisir.

    Cette solitude, ce chagrin, cette douleur, cette souffrance, ponctués d’éclairs occasionnels de joie et d’amour, sont le lot commun de l’humanité.

    C’est une réalité psychologique patente, mais la plupart d’entre nous répugnent à la voir, tant nous nous identifions à notre conscience spécifique, à notre chagrin spécifique, à notre félicité spécifique.

    Mais la réalité psychologique — pour peu que l’on observe attentivement, avec toute la finesse d’une conscience aiguisée — le fait, donc c’est que partout dans l’univers, aux quatre points cardinaux, les êtres humains passent par des épreuves, des expériences rigoureusement identiques aux vôtres.

    Krishnamurti


  • Cyborgien 4 août 2015 17:05

    "Prétendre expliquer la conscience sans expliquer le plaisir et la douleur en tant que réalités subjectives ne me paraît pas pertinent. « 
     »le passage de la substance physique de l’énergie à une substance affective« 
     
    On appelle ça le Temps ... perçu par la mémoire comparative des affects répétés ... puis par l’animal au Monde qui relie affect et extérieur (pas encore de conscience de soi ) ... puis qui différencie extérieur intérieur ... puis le phénomène du noumène etc ...

    Donc votre signal inverse est peut être »CR comparaison de mémoire« 
     
    Et aussi peut être signal de la perception de l’arnaque, la souris ne voit pas dans un tableau monochromatique le non-dit de l’artiste »moderne« ... Je suis le prébendier de la Caste et je me partage une part de taxation de ton travail ... Pour instaurer le relativisme des valeurs ... »Tout ce vaut".
     

     « Qui consomme asservi consomme l’asservissement » G. Anders

     

     


  • Cyborgien 5 août 2015 00:33

    "Des neurones qui oscillent avec un rythme particulier et sûr à l’image qui jaillit dans notre conscience, ne pourrait-il pas en être ainsi ?"
     
    On appelle ça la musique ...Classique de l’antique, le cerveau grand orchestre où chaque sens est un instrument, rythme, tonalité, couleur, hauteur, intensité etc ... et le rappel de quelques notes peut suffire à ébranler la mémoire de la partition enregistrée qui se joue alors. Car qq notes d’un air de musique est plus puissant que le fractal par ex, il contient le tout mais aussi la séquence dans le temps, comme un pré-état d’un automate cellulaire peut l’être dans un ébranlement pour une animation fixe, et à chaque sens probablement son automate, et la mémoire, automate des automates, et l’esprit auto-animation de l’automate qui s’emmerde, et écrit sur InterBEnet.
     
    « Eichmann se sent coupable devant Dieu et non devant la loi »
    Avocat d’automate


  • JC_Lavau JC_Lavau 23 septembre 2015 13:39

    « la concrétisation d’une énergie affective ». Wow ! Au 21e siècle, Molière l’eût utilisé pour faire parler Sganarelle.

    Bon, blague dans le coin, c’est franchement mauvais. D’une part par focalisation à l’extrême sur les seules fonctions visuelles. D’autre part par absence totale de toute perspective comparatiste ni évolutive.
    OK, Dousset a connaissance des avaries de la perception visuelle, des agnosies visuelles, mais manque de notions sur les marqueurs somatiques.
    Sur le plan scientifique, c’est beaucoup trop faible et parcellaire.

    Chez les poissons (téléostéens uniquement ? A revérifier), le « neurone de la conscience », c’est à dire de la fuite est énorme, et à synapses électriques, tout cela pour la rapidité maximale.

    A minima, rechercher quelles fonctions remplit « la conscience », ou son équivalent approximatif dans d’autres espèces. Voir la complémentarité entre les montages innés implémentant la stratégie de l’espèce, avec les tactiques nouvelles induites par l’expérience. Penser à comparer l’incapacité d’un couple de locustelles ou de rousserolles à déjouer les leurres de l’oeuf de coucou puis du poussin coucou, avec l’incapacité d’un militant zécolo à déjouer les leurres de ses maîtres les oligarques Rockefeller-WWF-Bilderberg, cette incapacité à débrancher la télécommande implémentée par le parasite.

    Relire « L’ombre du Z » de Franquin et Greg, et les camions forceurs d’impulsion d’achat. Comparer avec l’action de certains parasites qui parviennent à diriger leur hôte en fin de vie vers les lieux où le parasite pourra poursuivre son cycle (un point d’eau selon mon souvenir).


    • clément dousset clément dousset 23 septembre 2015 19:06

      @JC_Lavau

      J’avoue avoir un peu de mal à vous suivre et, par exemple, n’avoir jamais entendu parler d’un « neurone de la conscience » qui serait en même temps un « neurone de la fuite ». En tout cas si j’ai marqué clairement mon désaccord avec la pensée de Dehaene, il y a au moins un point sur lequel je ne me suis pas avisé de le contredire, c’est qu’il n’y a pas de « neurones de la conscience », qu’induire directement de l’activité d’un neurone, ou même d’un groupe de neurones, un contenu conscient est une erreur., que, le plus souvent, les activités neurales du cerveau sont inconscientes même quand elle aboutissent à un comportement. Ce n’est pas du tout que je veuille priver les poissons ou même les nématodes (qui ont trois cents neurones) de toute conscience mais c’est que je veux éviter le recours à une causalité immédiate, simpliste et, cela est démontré, fausse, liant conscience et activité plus ou moins bien cernée des neurones.


      Je me focalise bien sur la vision comme vous dites. Mais il ne vous a peut-être pas échappé que mon article : »Stanislas Dehaene nous a-t-il donné le « code de la conscience » ? » est une réaction à l’ouvrage de ce neurobiologiste intitulée : « Le code de la conscience ». Or, dans ce livre, Dehaene, s’il parle dans de courts passages de sensations sonores, se focalise lui aussi presque entièrement sur la vision. C’est à ce point vrai que dans un chapitre crucial au niveau philosophique : « théoriser la conscience », il s’emploie à expliquer comment se construit, se réalise l’image que nous percevons en regardant la Joconde par exemple. Il apparaît bien que l’image dont il parle c’est cette étendue de formes et de couleurs ayant un haut et un bas, une gauche et une droite, telle que nous en avons l’un et l’autre une notion immédiate en fixant ce qui est devant nos yeux et telle que les aveugles de naissance ne l’auront jamais. Or cette image, pour Dehaene, elle est bien le résultat de l’intégration de données produites par le fonctionnement de réseaux de neurones dont aucun n’est générateur par lui-même de conscience.


      Voilà la conception de la genèse de l’image perçue qui est est celle de Dehaene et qui est à examiner en elle-même. Il n’y a aucune pertinence à dévier du sujet par des considérations sur l’évolution.


      A cette conception-là j’oppose la mienne. L’image telle que je l’ai présentée plus haut est formée point par point par la coexistence d’affects (ou de sensations) simultanées et distinctes. Et ce qui est à la base de ces affects, ce qui les induit, ce ne sont pas des réseaux de neurones dans le cortex pariétal ou frontal, le cortex supérieur, si vous préférez, ce sont les colonnes corticales présentes dans le cortex visuel primaire et disposées de façon correspondante aux cellules visuelles (cônes et bâtonnets) de la rétine.



      A partir de là, la première question qu’il est pertinent de se poser est la suivante. A quoi servent fondamentalement les différents modules sensoriels à l’extérieur du cortex visuel primaire si l’image qu’on voit n’est pas produite par eux, par leur activité intégrée ?


      Et la réponse que j’apporte à cette question est la suivante. L’activité intégrée de ces modules existe bien et elle est bien inconsciente. Mais le résultat de cette intégration va produire des influx descendants qui vont commander l’activité de chaque colonne corticale, si bien que le point lumineux et coloré produit par chaque colonne dépendra à la fois de l’éclairage reçu par la cellule rétinienne correspondante et du résultat de l’intégration. Tous les ajustements, tous les tracés de ligne qui transformeront l’image brute, pointilliste comme un tableau de Seurat et plus nébuleuse encore, en une image parfaitement délinée où chaque objet est parfaitement délimité comme dans un tableau d’Ingres sont dus pour moi essentiellement à cela.


      Ce que j’écris ici ne fait que paraphraser ce que j’écris dans l’article. Pour essayer d’aller un peu plus loin et d’approcher le mécanisme direct de construction de l’image, je vais faire -excusez-moi- dans l’extrême simplisme. Je vais supposer qu’il n’y ait dans l’aire visuelle primaire que trois colonnes corticales alignées. Je vais supposer que la première induise une sensation ponctuelle de rouge, la seconde une sensation ponctuelle de vert, la troisième une sensation ponctuelle de bleu. Je vais supposer en même temps que les trois sensations induites se situent dans l’espace subjectif de l’image sur une même ligne horizontale, que la première, rouge, se situe à gauche, la seconde,verte, au centre et la troisième, bleue, à droite. L’image d’un drapeau bleu, vert rouge que j’aurais sous les yeux pourrait figurer le résultat produit.


      Un phénomène n’est étrange que s’il est unique et sans comparaison. Or la genèse de mon drapeau dans mon champ visuel est parfaitement analogue à la genèse d’une sensation qui occuperait mon front et mes tempes si je parvenais de façon véloce à gratter la tempe gauche avec un doigt, piquer le centre du front et caresser ma tempe droite. Les trois sensations conjointement localisées pourraient être induites par les modules aussi distincts que les colonnes corticales mais situés dans le « corps de Penfeld » à l’emplacement de la partie supérieure de la tête.


      Maintenant, comment se fait-il que l’activité de modules distincts impliquent la perception de sensations distinctes dans leur qualité intrinsèque comme dans leur appréhension spatiale ? C’est ce que j’essaie de concevoir et d’expliquer dans mon article sur le « modulisme ».


      Je voudrais seulement ajouter à cette plutôt longue réponse un petit point. Ce que je suppute ici n’a une ombre de valeur et d’intérêt qu’à la condition que certaines données anatomiques et physiologiques vérifiables par diverses sortes d’expérience soient présentes dans le cerveau. J’évoque justement dans mon article sur le « modulisme » une étude sur la perception des odeurs qui va dans le sens de mes vues. Mon souhait est seulement que ce genre d’étude se répande et qu’il n’y ait point (comme c’est plutôt le cas à mon sens) qu’une piste de recherche sur le cerveau….


    • JC_Lavau JC_Lavau 24 septembre 2015 01:52

      @clément dousset. Un banc de saupes est inapprochable. A une distance donnée, ils se tournent tous ensemble et s’enfuient. Vous ne pouvez pas les surprendre. Ils ne prendront jamais le temps de vous observer et analyser comme le font des cervidés. L’équivalent fonctionnel chez ces poissons est bien « Il est temps de déguerpir ! ».

      Les petits passereaux non plus, il est impossible de les surprendre si on n’est pas un chat ou un épervier. Pas de cortex chez eux, des noyaux gris centraux et surtout un thalamus hyperdéveloppé. Mais rien qui leur permette de percevoir qu’ils sont parasités. Pas de moyens d’étiqueter les contraintes du parasitage comme un « c’est mauvais ».


    • JC_Lavau JC_Lavau 24 septembre 2015 09:16

      @clément dousset.
      Il me semble vain de gloser de conscience/inconscience dans l’espèce humaine sans passer par la case Erickson. Je n’ai pas chez moi le livre que je voudrais citer ; ce sera donc de mémoire.

      Deux exemples :

      Un ancien policier municipal souffre d’emphysème. Il ne parvient pas à restreindre sa consommation de tabac et d’alcool. Erickson lui donne la prescription de ne pas les acheter en bas de chez lui, mais à un mile ou deux pour l’un, idem pour l’autre, dans un magasin différent, et dans des quantités strictement limitées, minimales. Le patient jure tous ses noms de dieux, paie et s’en va furieux. Quelques semaines après, un nouveau patient lui est adressé par lui. Précision : « Il m’a dit que vous êtes le seul psychiatre de Phoenix qui sache ce qu’il fait ». Erickson lui avait fait comprendre que ses courses d’achats étaient un déplacement volontaire, et qu’il pouvait les contrôler.

      L’autre exemple met en colère les expérimentateurs neurophysiologistes, car comment le répéter et l’investiguer ? Un homme tombe aveugle en arrivant à un carrefour, « ébloui par une grande lumière rouge ». Il est très effrayé, on l’amène à Erickson, qui se rend vite compte qu’il s’agit d’une cécité hystérique. Il s’agissait de la perception brutale que sa femme le trompait avec ce pompiste roux - justement visible depuis ce carrefour. Perception immédiatement renvoyée dans l’inconscient, mais ça prélève son prix...

      Les deux exemples doivent se trouver dans « Et ma voix t’accompagnera ».

      Technicien et inventeur hors pair, Erickson jouait constamment de la frontière conscient/inconscient.
      Nombreux sont les faits sensoriels qui échappent à toute introspection.


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