Statistiques sur la confiance en l’avenir : « Le bonheur est fondamentalement égalitaire ! »
« Est pauvre celui qui se croit pauvre ! », nous dit un vieux proverbe arabe, qu’on trouve dans les contes de mille et une nuits.
Les milles et une nuits se trouvent maintenant dans la bonne ville de Calais. C’est là bas que Shéhérazade raconte toute les nuits des histoires de fortune aux émigrés. Pour eux, elle fait la danse des sept voiles, et leur montre au matin un ferry boat rentrant dans le port, ou un convoi de semi remorques ondulant du flanc comme une caravane de chameaux arrivant à l’oasis.
Calais, avec ce mirage des falaises blanches de Douvres, apparaissant par beau temps, est rentrée de nouveau dans l’histoire.
On avait oublié un peu cette ville depuis la chronique dite « des bourgeois de Calais ». Une page de cette glorieuse histoire de France pour tous, représentée dés le CE1 sur de grands panneaux imagés, que l’instituteur accrochait religieusement au fond de la classe, avant de les expliquer aux gosses.
Mais bien d’autres légendes encartées défilaient, devant nos yeux ébahis, au fil des semaines. Il y avait celle du roi soleil, l’autre de saint louis au pied de son chêne, avec sa mère « Blanche de Castille ». Et plus tard la prise de la Bastille, le général Bonaparte devenant l’empereur Napoléon, une sorte de préfiguration des hommes iguanes à la Bernard Tapie. Tous ces gens nous faisaient des sortes de légende antiques aussi brillantes que les porteurs du maillot jaune sur le tour de France.
On découvrait que le passé était un long présent, et que l’abbé Pierre ressemblait comme deux gouttes d’eau à Saint Vincent de Paul, revenu brutalement sur le devant de la scène.
L’histoire nous unissait dans cette valse des vivants et des morts, des vanités recuites. Elle semblait repasser les mêmes plats que ceux de Bernard Palissy, brûlant ces meubles pour alimenter ces fours, tout à la fièvre créatrice de ses céramiques, nous disant qu’il n’y avait que la passion qui compte.
Louis onze, en se moquant de ses prisonniers enfermés dans des cages minuscules nous apprenait la ruse, le calcul, et la cruauté inouïe du pouvoir et de l’arbitraire.
Et tout cela défilait au fixateur de notre mémoire de morveux hébété par tant de gloire et d’horreur.
Ah ! Qui se souvient encore des pauvres bourgeois de Calais ! http://bit.ly/1JWjpKg
De les voir nous apprenait la compassion. On les voyait promis aux gibets, tous les six, en liquette lamentable, remettre les clés de la ville au roi d’Angleterre, après un siège héroïque.
Sans doute étaient-ils très pessimistes sur leur avenir, à ce moment précis de l’histoire. Juste avant qu’ils n’ aient obtenu la clémence du roi d’Angleterre, pas si méchant que ça au fond. L’instant d’après leur grâce, forcément, leur espérance en l’avenir creva sans doute le plafond des statistiques.
A ce jeu, ils auraient niqué les habitants d’Inde et du Nigeria, occupant à l’heure présente, les deux premières places du podium.
La hiérarchisation des thèmes et des choses chères à notre cœur, sont ainsi très relatives. N’importe qui a vécu une épreuve sérieuse dans sa vie, et a approché de la mort sait cela plus que tout autre. Bourgeois ou non, ils témoignent tous que ce long tunnel blanc, situé entre deux mondes, entre deux eaux, ressemble à celui qui traverse la manche. Une sorte d’attente vers un monde meilleur, ou supposé tel , d’où partent des navettes !.
Mais dans cette étude, on ne fait pas dans le détail, ni dans le rêve ou le phantasme, mais dans la pêche au gros, restant en surface. On s’attaque aux peuples entiers, tachant d’en sortir des indices, des vérités. Sans doute on obtient un jus, mais sans pouvoir dire ce que la fermentation du produit garantira.
Qui se souvient de Saint-Just, l’archange de la terreur révolutionnaire, clamant en tribune : « Le bonheur est une idée neuve en Europe ! »
Car si on ne trouve que les Grecs, pour être plus pessimiste que les Français sur l’avenir, c’est bien ce qu’on appelait hier le tiers monde, qui semble avoir une sainte foi en l’avenir.
Reste le doute, devant de si belles courbes, ces camemberts de statisticiens qui n’ont aucune moelleux, aucun parfum. Le français a toujours douté. Méfiant déjà avant Descartes, descendant du gaulois gueulard, mal dégrossi depuis toujours, fier de son cynisme, de sa capacité à tout battre en brèche.
Le chinois par contre, imprégné de la culture de Confucius , cachera au contraire son sentiment et son amertume sous un vernis trompeur, comme beaucoup d’orientaux, tous en arrondis et en méandres.
Nos analystes n’ont apparemment pas intégré ses nuances, pour s’en tenir à des questions brutes de coffrage.
Les enquêteurs se bornent en effet à demander aux gens si elles sont satisfaites de leur vie, si l’avenir prochain leur paraît plus prometteur que le présent qu’ils vivent.
Autant demander aux contribuables s’ils n’ont pas l’impression de payer trop d’impôts ! Ou à un paysan s’il est satisfait de sa récolte.
Mais sans doute fais-je moi même preuve par là de mauvaise foi, refusant d’admettre ce qui me dérange. C’est vrai j’aurais préféré l’utilisation de marqueurs plus pertinents, relevant l’inconscient des peuples à travers ses conduites :. Le degré d’alcoolisme, le taux de suicide, le taux de natalité, l’espérance de vie, alcoolisme . …
Mais là aussi les experts tergiversent : « Les études ne permettent pas d’établir un rapport entre le taux de fécondité et le niveau de bonheur ressenti », constate Claudia Senik, auteure de L’Economie du bonheur (Seuil, « La République des idées », 2014)
Avec ça, l'image que renvoient les pays du monde ne correspond pas du tout au sentiment ressenti par leurs habitants.
L’an dernier, une autre étude « géante », menée par GFK sur 20000 personnes de 20 pays différents plaçait ainsi en tête des pays jouissant de la meilleure image dans le monde l'Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni...et la France. Une très honorable quatrième place qui met l'Hexagone devant le Canada, le Japon, l'Italie, la Suisse, l'Australie et la Suède.
C’est vrai, ça, la France est tout de même la première destination touristique du monde.
Serions nous des santons chafouins enfermés dans une délicieuse boule de verre, attendant qu’on nous secoue pour faire tomber la neige, sur tant de monuments et sites « remarquables » ? Car la France offre une telles multiplication de villages « typiques », « pittoresques », « labellisés », « historiques », sacrés encore « plus beaux villages de France ».
C’en est une indigestion !
Si seulement c’était des bleds comme les autres, où l’on peut vivre, travailler, sans risquer de se faire prendre en photo comme un singe dans un zoo. Mais les commerces normaux les fuient. On ne vend souvent que dans les boutiques de souvenirs,des imitations artisanales faites en chine, des trucs que les chinois viennent ensuite par centaines acheter au prix fort ! Trouver une botte de poireaux ou une pain relève de l’exploit !
Hé ! Il faut bien vivre ! On a bradé l’industrie, les brevets, l’agriculture vivrière. A nous de nous transformer en commerçant souriant, bilingue, de déguiser nos filles en hôtesses, en leur mettant des coiffes bretonnes… Il suffit d’écouter et de voir Stéphane Berne, en grand metteur en scène, animant « le village préféré des Français », tout onctueux et dégoulinant d’enthousiasme, pour vous dégoûter à jamais du foie gras et de la farce !
Car évidemment ce n’est pas la France qu’on voie tous les jours, celle des banlieues, des villages anonymes, des gens dirigés par un président « normal », dans un pays qui depuis une demi siècle se définit « en crise ».
Moi, j’entend par le terme de crise, avant tout cette dépression latente qu’une politique de clivage délibérée provoque chez les individus. Ce qui s’exprime en termes de perte de sens et de repères pour tant d’entre nous, plongeant dans la précarité et la solitude.
Tout le monde est loin d’être touché, révélant par là une supercherie, articulée autour de cette notion discutable de « crise économique », qui sert d’emplâtre et de masque à un partage de plus en plus inégalitaire.
Le journal « vingt minutes » vient d’ailleurs d’en faire une manchette, on ne peut plus parlante :
ISF : La France produit de plus en plus de riches, de plus en plus riches
De tout cela, Stephane Berne, ami des princes et des émirs, ne nous parlera pas dans son émission…
A t’on oublié aussi la pyramide de Maslow ? Non, ce n’est pas une curiosité retenue au patrimoine de l’UNESCO, concourant pour l’émission « le plus beau monument de France ! ». Ni un tombeau qu’un pharaon type Balkany-Amon aurait prévu pour son séjour d’après…
.La pyramide de Maslow permet de hiérarchiser les besoins élémentaires des hommes en fonction de leur réalisation : A la base, on trouve les besoins physiologiques à satisfaire.
Viennent ensuite la sécurité, les besoins d’appartenance et d’amour, puis enfin ceux d’estime. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pyramide_des_besoins.
Elle est très pertinente. Car l’on sait depuis longtemps que les sociétés les plus heureuses sont les plus égalitaires, celles où l’on s’applique à donner une place à chacun, en les respectant, de la vie scolaire au monde du travail. Certains pays nordiques travaillent à ce genre de projet, s’efforçant de resserrer l’échelle des salaires entre les citoyens, travaillant à la répartition.
Bien sûr ils sont riches ; c’est facile pour eux, vous dira t’on ! Comme si l’objectif d’avoir une politique sociale avait un coût si exorbitant, susceptible d’endiguer cette montée hallucinante et suicidaire de la richesse de certains.
>Mais voilà qu’un petit pays du bout du monde, le Boutan, refuse la dictature du produit intérieur brut (PIB), en proposant un nouvel indicateur de richesse, le PNB, ou produit national brut..
Je me lance sans trapèze aucun, sans bureau d’études ni expertise pour me certifier mes intuitions, mais j’aurais tendance à penser qu’un pareil type de société, ou s’en inspirant, a tout pour rendre l’optimisme aux gens. Ou du moins l’équilibre. L’un amenant l’autre par effet d’entraînement.
On a beau tenter de chasser l’image inatteignable de ce foutu bonheur, notion aussi dangereuse à manipuler qu’une grenade dégoupillée, préférant la notion plus quantifiable d’optimisme-pessimisme, il est là au bout du chemin, pas dans le pré, vous faisant un signe !
Les statisticiens regardent ailleurs, tout au débit de leurs robinets eau froide, eau chaude.
Pourtant ils doivent avoir eux aussi des madeleines en tête.
La chanson de Pierre Perret, « Le bonheur c’est toujours pour demain », concluait à l’impossibilité du bonheur….
La chanson « Le sud » de Nino Ferrer possédait, elle, cette grâce particulière qui vous fait sentir meilleur, l’espace d’une minute, d’une éternité, en vous donnant l’impression de tout comprendre du sens de la vie ; et qu’il ne servait à rien de s’attacher au futile, aux trois châteaux du couple Balkany, à leurs vaisseaux flottant sur la mer jolie.
Allez savoir pourquoi, je chérissais la publicité « Hollywood chewing-gum » qui passait si souvent à la télé en ces temps de 30 glorieuses qui s’ignoraient si belles en leur miroir.
Qui n’aurait pas eu envie d’embarquer avec cette bande de jeunes, une demi douzaine dans une 2 Chevaux découverte, bringuebalante.
Leur tête dépassait du toit ouvert, alors que la voiture roulait sur le sable d’une plage déserte. Ils proclamaient en hurlant la gloire du chewing-gum, mais aussi quelque chose d’autre, d’indéfinissable : Un optimisme et une foi en l’avenir inaltérable. Et je restais ébloui, rêvant de partage, de communautés, bien loin des projets de carrières qu’on m’incitait à suivre, et des incitations gouvernementales pour le règlement par chèques bancaires !
Les publicitaires sont comme les chanteurs populaires. De véritables « maîtres-chanteurs » plutôt, pourvus de multiples antennes. Ils surfent sur l’air du temps et exploitent l’inconscient collectif. Ils s’engouffraient, à travers cette pub emblématique, dans une des valeurs de 68, dont la lutte des ouvriers autogestionnaires de « Lip » aura été un moment phare : http://bit.ly/1Jkt3aV
Cette envie de construire une utopie ensemble, de prôner le partage ; idéal qui sera moqué, caricaturé, bafoué définitivement par l’arrivée des années 80.
Viendra alors le triomphe de l’opportunisme et de la magouille, représenté par Bernard Tapie, exemple montré alors par François Mitterrand lui-même, et les premiers soixante huitards reconvertis, qui se feront les chantres de la dérégulation sauvage.
La culture du moi, après celle du « Mao » qui leur avait donné quelques ficelles pour diriger les foules. Au fond, sous couvert de cynisme, c’était déjà l’art du recyclage ! ….La pub « Benetton » se chargeant de mettre en couleur » chatoyante » cette mondialisation prédatrice, n’hésitant pas à faire dans la provocation, histoire sans doute d’habiller de « djeune » les plus vieilles idées réactionnaires.
On fera profit de l’envie qu’on suscitera chez le client, nouveau nom du prolétaire, qu’une autre démarche que le consumérisme ambiant, l’installera durablement dans le ringardise, et dans l’exclusion.
Décidément le bonheur reste une idée révolutionnaire en Europe.
« Tout d’abord, le bonheur est fondamentalement égalitaire, il intègre la question de l’autre, alors que la satisfaction, liée à l’égoïsme de la survie, ignore l’égalité »
Voir : La leçon de bonheur d’Alain Badiou. http://bit.ly/1
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· Avant le cours de gym on l’on se lançait à l’assaut du portique, serrant une corde effilochée qui pendait, avec ses nœuds. Elle labourait nos jambes menues, à la peau trop tendre, mal protégées par nos shorts courts. Mais nous nous accrochions tant bien que mal, tirant sur nos bras maigres.
Jeanne d’arc, en format géant sur le tableau, au fond de la classe, nous avait donné l’exemple ! Fallait voir comment elle escaladait les remparts d’Orléans, en armure, à la tête de ses troupes ! C’était notre grande sœur à tous !
« Même pas peur ! »
Une belle leçon d’optimisme, finalement, la guerre de cent ans.
Cent ans, pourtant, ça nous semblait incroyablement long, à nous les gosses : Une sorte de conte, comme celui de « La belle au bois dormant »,comme celui des millions d’années de la chanson « du sud », de Nino Ferrer plus tard ! http://bit.ly/1dvyoYl
.Jeanne était une sorte d’Afghane ! Jeanne l’Afghane, ça rime drôlement bien !
Elle avait gardé les chèvres dans le désert, avant d’entendre la voix là haut qui lui avait dit :« Jeanne bouge toi les fesses, jette ta burka aux orties et prend l’armure, une épée, et délivre le pays des anglais ! ».
Fortiche, la nana !
Alors que tout semblait perdu, que le pays traînait une gueule de bois pas possible, ne croyant plus qu’en l’apocalypse.
Elle aurait pu rester sur la terrasse, étendre le linge, s’occuper du chien des chats, de la tortue, et des poissons rouges.
Faire comme s’il ne manquait rien.
Faire comme s’il n’y avait pas la guerre !
Mais comment ne pas la suivre, pour se battre à ses cotés, en partageant les paquets de chewing-gums mentholés : « Un pour tous, tous pour un ! »
Peut-être pas la formule du bonheur, mais au moins quelques paroles de sa chanson !