mardi 17 mars 2015 - par Allexandre

Suicide et jeunes, un gâchis

Le suicide en France : sujet tabou par excellence !

Avec près de 12000 décès par an, le suicide est la troisième cause de mortalité en France, derrière les accidents cardio-vasculaires et les cancers et tumeurs, mais devant les accidents de la route. Chez les 15 – 24 ans, ce sont 50 000 tentatives par an ( 160 000 pour l’ensemble de la population ) et la deuxième cause de mortalité ( première cause chez les 25 – 34 ans ). Rapporté à la population totale, cela représente 0,3% des Français qui tentent de mettre fin à leurs jours chaque année. Ce chiffre est impressionnant et pourtant ne suscite pas de véritable politique de prévention à l’échelle nationale. Le suicide reste un sujet tabou et semble faire peur. Il est souvent vécu comme une fatalité à laquelle nous ne pouvons rien. Pourtant, il existe des terrains et des situations propices qu’il convient de détecter afin de lutter plus efficacement. Si le suicide des adultes est plus difficile à appréhender ( mais pas impossible ), celui des jeunes pourrait être l’objet d’une prévention plus active. Il n’y a rien de plus terrible que d’assister, impuissant, au suicide d’un adolescent, en se disant qu’on aurait peut-être pu faire quelque chose. D’après les études réalisées par le Comité Français d’Education pour la Santé ( CFES ), 11 % des jeunes de 15 à 19 ans avaient pensé au suicide sur les douze derniers mois de leur existence. Plus dramatique encore, chez les 10 – 14 ans, les décès par suicides dépassent les 5 % au cours de la dernière décennie. C’est en amont qu’il faut agir, en analysant les principales causes de suicide chez les adolescents. La période de l’adolescence fragilise comme chacun le sait. C’est la période au cours de laquelle nos identités se structurent par rapport à des schémas et des modèles sociaux. Les études réalisées sur la question, tant en France qu’outre Atlantique, vont dans le même sens. La difficulté des rapports avec l’adulte, l’image de soi, les difficultés scolaires ou encore le rapport à sa sexualité, sont autant de problèmes auxquels filles et garçons se trouvent confrontés. Si les filles se confient davantage à leurs mères ou entre elles, leurs gestes ressemblent souvent à un appel. Leurs capacités à formuler leurs émotions, par la parole ou l’écrit, expliquent sûrement le fait qu’il y ait plus de tentatives de suicides chez elles, mais moins de décès conséquemment à l’acte. Chez les garçons, la situation se complique. Pour des raisons culturelles, ces derniers ressentent comme une faiblesse ( et donc un manque de virilité ) le fait d’avouer leur mal-être ou, tout simplement, leurs problèmes. De plus ils ne savent pas le plus souvent vers qui se tourner, les pères étant souvent dans la même situation. Aussi, quand la charge émotionnelle est trop forte et devient insupportable, l’acte suicidaire peut être une réponse définitive. Même si les mentalités ont un peu évolué, il faut reconnaître qu’aujourd’hui encore, être un garçon signifie correspondre à une certaine vision de la virilité. Virilité qu’il s’agit sans arrêt de prouver à ses yeux et aux yeux des autres. Ce n’est pas par hasard si les adolescent(e)s confrontés à l’homosexualité sont trois fois plus nombreux que les autres à tenter de se suicider.

Aussi faudrait-il envisager une information claire et dénuée de toute esprit moraliste, afin de parler aux jeunes de leur vécu et des difficultés auxquelles ils peuvent se trouver confrontés au cours de leur adolescence. Plutôt que de multiplier des cours théoriques, l’enseignement de la République devrait davantage se soucier de former des têtes bien faites. Jamais on apprend aux jeunes l’amour de soi, les émotions et ce qu’elles peuvent susciter. Seules semblent compter les performances en mathématique ou dans quelque autre matière. Dès leur plus jeune âge, les enfants sont soumis à un stress lié à la réussite scolaire, avec comme seule préoccupation la préparation aux adultes sociaux qu’ils deviendront. On oublie trop souvent de les préparer à être des femmes et des hommes épanouis et bien dans leurs têtes et dans leurs corps. Mais les jeunes que nous formons seront peut-être demain des adultes déformés, candidats au suicide, ou, tout au moins, à la dépression et aux psychotropes.



7 réactions


  • MagicBuster 17 mars 2015 16:22

    Chez Orange, il y a une affiche humoristique (c’est du concentré d’humour noir)

    On vous demande de vous tuer au travail, mais pas de vous suicider !!!

    Même en interne, personne n’en parle - pourtant je crois qu’il y a encore beaucoup de suicides (comme partout)


  • Nicolas_M bibou1324 17 mars 2015 16:44

    Ceux qui se suicident, c’est qu’ils n’arrivent pas ou ne peuvent pas communiquer sur leur mal être. Vous pouvez multiplier autant que vous voulez les « préventions », les « interventions », ça ne changera rien, ces jeunes resteront repliés sur eux même, ne s’ouvriront pas.


    Pour moi il ne faut pas chercher à empêcher les suicides chez les adolescents, qui ont une certaine tendance à faire l’exact inverse que ce que l’autorité leur préconise. Il faut chercher à améliorer leur environnement, à avoir un réel suivi social des familles en difficultés, luter contre le racket et l’insécurité à la porte des établissements scolaires.

    Puis former les gens à être bien dans leur tête, ça me fait froid dans le dos comme expression. Plus vous essayerez de convaincre les ados de devenir des adultes sociaux, plus ils deviendront des marginaux candidats au suicide. C’est à chacun de décider de qui il veut être et s’il veut être bien dans sa tête ou non. Certainement pas à la société.

    • Allexandre 17 mars 2015 16:50

      @bibou1324
      Je ne suis pas d’accord avec vous. On disait la même chose des accidents de la route. Le fait de dédiaboliser le sujet et d’en parler ouvertement ne peut qu’avoir des effets positifs. Même si nous ne pourrons jamais éviter le suicide de certains, on peut diminuer le nombre. Quant à dire que c’est à chacun de décider, c’est complètement faux. Qu’est-ce qu’un gamin de 13 ans peut décider seul ? Vous manquez cruellement de psychologie pour affirmer de telles contre-vérités.


    • Allexandre 18 mars 2015 11:46

      @Robert GIL
      Effectivement, l’ère de l’enfant-roi n’est pas étrangère au mal-être d’un certain nombre d’entre eux. L’enfant a visiblement besoin de cadres et de limites claires et justes pour se construire.


  • Orélien Péréol Orélien Péréol 18 mars 2015 14:28
    Une pièce sur le suicide, écrite par une jeune auteure, Céline Delbecq, qui a été confronté au suicide d’une amie :
    http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/eclipse-totale-163022


  • bakerstreet bakerstreet 18 mars 2015 15:02

    on pourra toujours faire des comités Théodule de prévention, pour se rassurer surtout, nous empêcher nous même ainsi de passer à l’acte.... 

    Mais ça ne servira pas à grand chose si cette société est toujours aussi incapable d’intégrer les gamins, de les rassurer, d’être crédible et elle même adulte....Ce qui est de moins en moins le cas, au niveau des intérêts des objectifs. 


    Les jeunes ont toujours eu une sensibilité à fleur de peau, alors évidemment ce sont les fusibles, les témoins, les warning.
     Par rapport à la route, nuances. Il y pas de ceinture de sécurité dans la démarche individuelle de vie.
     La bagnole est de plus branlante, et on vous demande d’aller de plus en plus vite.
     Pas étonnant que certains prennent le mur en face. 

    La société est devenue très cruelle, malgré ses faux airs de dame patronnesse. 
    Rien de telle que l’éducation nationale pour vous faire sentir rapidement que vous êtes bon à rien, si vous n’êtes pas une tête en maths par exemple.
    Quoique même les très bons eux soient pas exempts. 

    Je me souviens d’une gamine hospitalisée, 18 ans, très brillante avec ça, et si jolie...Si bien que les profs ne comprenaient pas le malaise ! Comment pouvait on aller mal quand on était une très bonne élève...Deux TS et les parents profs eux aussi qui venaient avec les cours :« Tu les prends si tu veux, mais ça serait dommage que tu perdes ton année, pense à la mention du bac !
    Elle finira par perdre la vie, en dépit de la surveillance des prises en charge ; elle semblait aspirée par un siphon mortifère.

     Bien sûr, il y a les copains les réseaux , des éléments nouveaux du paysage qui changent qui ont leur place pour aider les jeunes, et leur faire résilience, le bon mot, l’épaule sur laquelle vous pourrez vous ressourcer quand les vents seront contraires. 
    Parfois des aides étonnantes venaient d’autres hospitalisés : La confrontation des malheurs faisait relativiser les siens. Il n’y a jamais si peu de suicidés en tant de guerre. Car on songe à sauver sa peau, et l’on endurcit son âme au contact du réel. 

    Des gamins, j’en ai vu beaucoup qui ont disparu, qui ont refusé la main qui leur était tendu, comme ce beau texte de Gide, où un passant finit par lâcher le bras d’une fille qu’il retient au dessus d’un pont , à Florence je crois, après qu’’elle l’ai imploré, de ces yeux immenses :
     »Lâche-moi s’il te plait !"





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