Tibet, Birmanie et les ombres chinoises
La catastrophe birmane qui résulte du passage du cyclone Nargis est à lire à l’échelle de l’hypocrisie internationale.
La junte militaire birmane existe encore en 2008, après des décennies d’ignominies qui n’ont rien à envier à l’ère PolPot, parce que la Birmanie est une sous-province officieuse de la Chine, qui dispose ainsi d’un accès sur l’océan Indien. La Birmanie étant à ce titre une place stratégique pour la Chine.
C’est pourquoi, il nous est offert aujourd’hui de voir un monde englué dans le « n’importe quoi », face à la tragédie humaine qui se joue sous nos yeux, où toute l’impuissance internationale se révèle dans sa toute grandeur.
On peut ainsi assister en direct à la mort de milliers de Birmans, attendant que le monde trouve une solution à son hypocrisie et à sa morale de façade devenue impotente.
Car, par simple logique et conscience des lieux, quand 24 millions de personnes habitant le delta de l’Irrawaddy se retrouvent avec 90 % des villages détruits, et que le peuple pêcheur du bord de mer ne fut pas prévenu de l’arrivée du cyclone, sans compter bien sûr, puisque personne ne les comptera, tous les non-recensés que la junte militaire ne recense jamais, il faudra alors sûrement se faire à l’idée de millions de morts. Mais cette info sera officialisée trop tard, bien sûr.
On peut simplement faire le minable constat, que la pitié humaine dont voulut nous assurer le président Bush face aux atrocités de Saddam Hussein en d’autres temps, se retrouve soudainement, face au génocide passif de la junte birmane qui se déroule actuellement, impuissante et quasiment muette. Pourtant, on pourra largement qualifier ce qui se passe sous nos yeux de génocide passif et d’irresponsabilité humaine à l’échelle internationale.
L’ampleur de ce qui se passe depuis des années dans ce pays connaît, dans cette inertie des autorités birmanes face à ce déluge de morts, une apothéose de leur mépris du peuple qui va bien au-delà de ce qu’avait pu imaginer Saddam Hussein vis-à-vis des Kurdes ou autres. Ce mépris qui avait tant choking the América !
Que fait donc aujourd’hui la grande Amérique si facilement effrontée dans d’autres circonstances ?
Rien, si peu ! Si ridiculement !
Pourquoi ?
Derrière Rangoon, derrière cette junte militaire en ombres chinoises, se trament, sur la route qui mène à Mandalay et à la Chine, tous les trafics qu’on ne peut imaginer et dont personne ne peut avoir une idée précise ou alors il en meurt. Le travail forcé, les exécutions sommaires en cas de pioche trop molle sont des images que bien des voyageurs aventureux dont j’ai fait partie ont pu observer.
C’est le pays des non-droits de l’homme.
Suivant les derniers événements du Tibet, cette crise birmane permet insidieusement à la Chine d’asseoir son autorité occulte sur l’échiquier local birman, puisque personne, surtout pas les Américains, péniblement les Européens, n’ose soulever le problème majeur qui se cache derrière cette catastrophe humaine. A savoir, que derrière la junte militaire birmane, se cache la même politique chinoise vis-à-vis des peuples qu’elle domine : c’est-à-dire le plus pure des mépris humains qu’on puisse développer vis-à-vis d’un autre être humain. Les Chinois ayant à ce sujet un malheureux historique garni et exemplaire !
Un Birman, ce n’est rien pour les autorités birmanes. Un Birman a juste le droit de donner toutes ses économies de l’année, lors des fêtes religieuses, en espérant que le moine de son village pourra ainsi lui payer un meilleur Karma pour sa prochaine vie. C’est le seul pathétique espoir des Birmans, celui de pouvoir avoir une meilleure vie dans la prochaine, car, pour son présent, le Birman sait qu’il ne peut rien faire et que l’Occident ne fera rien.
La preuve aujourd’hui !
Ce qu’il ne sait pas, c’est que ses économies ne financeront pas de meilleurs karmas, mais seulement les ors et pacotilles des palais de la junte militaire.
On se retrouve ainsi, nous, les gens si civilisés, avec le plus beau des spectacles d’inhumanisme actuellement disponible sur nos écrans. Le spectacle de tout le ridicule de nos démocraties en papier à billet !
Tellement beau ce spectacle, que ça dépasse l’entendement humain et qu’on est encore bouleversé dans notre impuissance et nos petites consciences, au lieu d’être organisé pour que ces inhumanités barbares ne puissent jamais plus se réaliser.
Rions de voir cette armée birmane, avec ses trois machettes et ses deux couteaux, tenir le monde dans le mensonge commun et le ridicule de son discours offusqué et pathétique.
Et pleurons de voir cette immoralité mondiale venue d’Occident, car elle est déjà à nos portes aussi et cette immoralité laissera crever tout le monde, pendant ces temps de grande générosité de paroles.
Pleurons aussi de voir ce simple cyclone Nargis faire mettre à genoux les droits de l’homme devant la face du monde et voir ce même monde nous dévoiler son propre cyclone d’indignité et d’incapacité.
Tout ce bla-bla démocratique, occidental, libéral, soi-disant si valeureux, et si bon pour ce monde en danger, ne serait-il qu’un beau paquet vide et rempli de mensonges ?
L’autre lecture qu’on peut faire de cet événement, c’est qu’il offre une opportunité au peuple birman de se saisir de son destin. On peut se réjouir de voir la junte birmane engluée dans sa parano légendaire et offrir ainsi une confirmation à son peuple qu’elle n’a assurément aucun amour pour lui. Cela dit, une confirmation qui nous est plutôt adressée à nous, Occidentaux, plutôt qu’à ce peuple qui sait fort bien qu’il n’est qu’un peuple martyr.
Mais cette grosse goutte de cyclone pourrait être la super goutte de trop ! Du moins, j’ose l’espérer Cher Peuple Birman. Ton heure semble venue !
Toi qui me priais, en cachette pour éviter d’en mourir, d’alerter mes gouvernements pour qu’ils puissent changer ton affreux destin, vois, maintenant qu’ils savent, ce qu’ils ont de semblable à ces "moitiés d’hom" qui ne comprennent rien à ton humanité ni à la mienne.
Cher ami birman, il ne te reste plus qu’à te lever et à marcher par toi-même, sur la gueule de ces pourritures humaines protégées des Chinois, de Total et des autres, qui te méprisent depuis tant de décennies, car tu es seul aujourd’hui, face à la honte du monde. Ou alors, meurs, dignement, en face-à-face avec ton Bouddha.
C’est là toute la liberté qu’il te reste.
Mais sache que, dans les deux cas, tu ne seras que le plus humain des hommes, à ce moment, sur cette Terre.
NWN