lundi 17 février 2020 - par rosemar

Tina Modotti... profession : les hommes...

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Tina Modotti : quel destin étonnant ! Quelle vie éphémère !

La jeune Tina nait en 1896 près de Venise, à Udine, dans une famille très pauvre qui se voit contrainte d'émigrer aux États-Unis pour survivre. Tina fascine très tôt par sa beauté et sa forte personnalité.

Pour ma part, je ne connaissais même pas le nom de cette femme photographe : j'ai découvert sa vie d'errances au cours du festival de la Biographie à Nîmes.

Gérard de Cortanze, invité du festival, a écrit une biographie intitulée : "Moi Tina Modotti, heureuse parce que libre..."

L'auteur est interrogé par un journaliste : "Comment Tina Modotti est-elle arrivée dans votre vie ?"

 

"En fait, j'ai écrit beaucoup de livres sur Frida Kahlo, je connais bien le Mexique... et quand vous travaillez sur Frida Kahlo, vous tombez automatiquement sur Tina Modotti.

 

Tina Modotti a quelques années de plus que Frida. Elle a eu comme amant Diego Rivera.

Lorsque Tina Modotti vit au Mexique, elle dirige une sorte de salon, elle reçoit tout Mexico, et un jour, elle reçoit une très jeune fille qui a 16 ans : elle s'appelle Frida Kahlo. Elle va l'initier à la politique... et surtout, elle va lui présenter son ex amant : Diego Rivera, et on connaît la suite de l'histoire : Diego Rivera et Frida Kahlo se marieront deux fois...

"Mon amie Tina a changé ma vie", disait Frida...

En effet, c'est elle qui lui présente son premier mari, c'est elle aussi qui lui a donné l'idée de son engagement politique.

 

Il y a deux types d'engagement dans le couple Rivera-Frida Kahlo : il y a le côté dogmatique de Diego Rivera, ils s'engagent tous les deux dans le parti communiste mais Diego est un homme d'appareil, Frida Kahlo, elle, n'est pas une femme d'appareil...

 

Ce qui l'intéresse, c'est de se battre pour les démunis, pour les pauvres, pour les ouvriers. Il y a un vrai engagement politique, c'est l'aube du parti communiste en quelque sorte... c'est là où il y a des liens avec le christianisme, c'est à dire l'amour des autres.

 

Et on retrouve ce même combat chez Tina Modotti... Lorsqu'elle s'engage au parti communiste mexicain, elle est très jeune. Elle ne s'engage pas pour des raisons de dogme, elle n'est pas stalinienne. Elle s'engage pour les pauvres et ça, ça va la suivre toute la vie.

 

Elle a d'abord travaillé dans une usine de filature, dès l'âge de 10 ans. A l'âge de 17 ans, elle va retrouver son père qui est parti aux Etats-Unis, afin de reconstruire la ville de San Francisco qui avait été détruite par un tremblement de terre.

San Francisco a été reconstruit en partie par une colonie italienne...

 

La première chose étonnante de cette biographie, c'est ce voyage qu'entreprend cette jeune fille... il faut imaginer : elle a 17 ans, elle part à San Francisco avec une petite valise, 50 dollars en poche, un petit chapeau, parce qu'on lui a dit : "Si tu vas aux Etats-Unis, il faut que tu aies un chapeau..."

Elle part en carriole de Udine à Gênes, en bateau de Gênes à New-York, en train de New-York à San Francisco... 45 jours de voyage...

 

Sa vie, ce sont des voyages incessants...

 

Une fois qu'elle est arrivée à San Francisco, elle est très jolie, magnifique, totalement charismatique, elle intègre une troupe de théâtre italien, elle devient une vedette, actrice de cinéma, car le cinéma hollywoodien va pomper des acteurs dans les troupes italiennes... les hommes sont des bellâtres, les femmes sont des séductrices qui brisent les couples...

 

Mais très vite, elle en a absolument marre de cette vie là... au fond, ça pourrait être une vie mondaine, mais elle va très vite abandonner ce côté mondain, totalement superficiel qu'elle ne peut pas supporter.

 

Elle part au Mexique où elle apprend le métier de photographe, elle devient une immense photographe, elle s'inscrit au parti communiste, elle est expulsée des Etats-Unis, elle va faire le coup de poing contre les nazis à Berlin, puis elle va à Moscou, elle fait toute la guerre d'Espagne comme infirmière, elle revient en 42 au Mexique, puis aux Etats-Unis, puis à Barcelone : c'est une des dernières à fuir Barcelone encerclée par les franquistes.

 

On perçoit chez elle une hésitation permanente entre l'art et la vie...

Elle a réussi dans la photographie puisque c'est une grande photographe de son temps, elle a fait des émules, il y a des expositions partout, sauf en France, autour de Tina Modotti.

 

Elle ne cesse de relier la politique à l'esthétique, c'est ce qui va créer la séparation inéluctable avec son amant Edward Weston un immense photographe américain qui, lui, ne fait que des photos esthétiques et des photos de nus.

 

Elle une vie courte, elle est morte à l'âge de 45 ans : elle a une mort tragique, elle meurt seule dans un taxi à Mexico, en pleine nuit.

 

Elle a une vie compliquée : on n'a cessé de traîner cette femme dans la boue... parce qu'elle était libre. 

 

Pourquoi la connaît-on aussi mal ? Parce que c'est une femme photographe... un homme photographe, on en parlerait beaucoup plus.

 

Le problème de Tina Modotti, comme d'un certain nombre de femmes de cette époque qui sont libres, sexuellement, économiquement, qui sont tout à fait scandaleuses, c'est que ce sont des femmes.

 

On lui a reproché d'être trop belle... une femme si elle est trop belle, c'est qu'elle est idiote, bien entendu... donc, elle a passé sa vie à être rejetée par tout le monde.

 

Quand on lui demandait : "Quelle est votre profession ?" Elle répondait : "Les hommes"...

Il y a deux idées là dedans : la première, c'est "les hommes" parce qu'elle a eu beaucoup d'amants, et pourquoi n'en aurait-elle pas ?

C'est bien connu : les hommes qui ont des amantes, ce sont des Don Juan, les femmes qui ont beaucoup d'amants, ce sont des putes...

Mais il faut entendre aussi, derrière cette réponse de Tina Modotti : "Les hommes", "l'humanité", son engagement politique, elle aimait l'être humain."

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2020/02/tina-modotti-profession-les-hommes.html

 

https://www.albin-michel.fr/ouvrages/moi-tina-modotti-heureuse-parce-que-libre-9782226439765

https://www.franceculture.fr/photographie/tina-modotti-et-edward-weston-lhistoire-dune-rencontre-photographique

 

Vidéos :

 



11 réactions


  • S.B. S.B. 17 février 2020 19:27

    Pour ceux qui aiment la photo, on peut voir celles de Tina Modotti et celles d’Edward Weston.


    • rosemar rosemar 17 février 2020 20:20

      @S.B.

      Merci pour ces liens : les photos de Tina Modotti témoignent de ses engagements politiques, elles sont magnifiques.


  • nemo3637 nemo3637 18 février 2020 01:17

    Un être humain admirable... Je regrette seulement qu’elle ait eu une attitude ambigue vis à vis des staliniens qui combattaient la Révolution Espagnole et assassinaient libertaires et trotskystes. Il faudra attendre 1939 et le pacte germano soviétique pour qu’elle comprenne. Même mort que Victor Serge quelques années plus tard. Le Mexique est envoutant et violent : on y vit souvent à 100 à l’heure....

    Dommage que parmi les commentaires il faille éviter les étrons qui trainent...


  • Ruut Ruut 18 février 2020 11:09

    Les Hommes Riches non ?


    • rosemar rosemar 18 février 2020 11:31

      @Ruut

      Elle s’est mise au service des gens les plus humbles... ce n’est pas suffisant ?


    • rosemar rosemar 18 février 2020 11:38

      @Ruut

      Elle a quitté une vie mondaine, facile pour s’engager au service des gens les plus modestes...


    • Ruut Ruut 18 février 2020 12:34

      @rosemar
      C’est bien mais c’est surtout hypocrite.

      Si demain tu braque tout l’or de France et que tu en utilise une partie pour aider les miséreux que tu croise, aura tu été vertueux (médiatiquement) ou profiteur (dans les faits) du travail des autres ?


    • rosemar rosemar 18 février 2020 12:43

      @Ruut

      Elle a risqué sa vie, s’est dévouée pour les pauvres et les malades, cela ne vous suffit pas ?


    • Ruut Ruut 18 février 2020 13:10

      @rosemar
      Je ne juge pas, je constate.
      Faire de l’humanitaire avec l’argent issu du travail des autres, c’est certes Noble, mais surtout Hypocrite.


    • nemo3637 nemo3637 29 février 2020 09:48

      @rosemar
      Non. Voilà un argument de bonne soeur, soulageant la misère d’un côté et fermant les yeux de l’autre sur les horreurs des inquisitions et les tortures.
      Les staliniens combattent les fascistes mais assassinent les Polonais en masse à Katyn.
      L’ignorance est source de bien des incompréhensions et de malheurs.


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