Tir : pourquoi autant de positions ?
Mardi matin 9 février 2021, l'unité de la BRI venue interpeller Françoix-Xavier Salini Ricci dans sa maison située sur la commune de Grosseto-Prugna (Corse) est aussitôt prise à partie. Une gerbe de chevrotines s'écrase sur le bouclier du fonctionnaire en tête de la colonne d'intervention. Un collègue riposte, l'homme qui faisait l'objet d'une enquête dans le cadre d'un assassinat commis à Ajaccio au mois de juin est blessé au flanc. Il décèdera lors de son transport vers un hôpital. L'enquête a été confiée à la Gendarmerie.
Selon les circonstances, la position de tir du : policier - gendarme - garde du corps - convoyeur de fonds - transporteur de valeurs - militaire - compétiteur - tueur à gage ou non s’apparente à différentes méthodes de tir. Le policier amené à riposter pour sauver sa vie va instinctivement se ramasser pour réduire sa surface exposée aux tirs et se devra à réagir vite, très vite. Dans certains cas (distance, surprise, angle de tir) l'agressé pourra se jeter au sol pour éviter d'être atteint ou pour améliorer sa précision de tir grâce aux appuis, dans d’autres circonstances, il devra se déplacer, éclairer les lieux, voire monter à l'assaut pour déloger un Tango.
Pour l'officier de sécurité qui doit faire bouclier de son corps et retenir fermement son client ou le canaliser à l’aide de son bras faible, la seule position de tir acceptable reste une positon haute bien campée sur les jambes et à une seule main. Le tir à une seule main peut aussi s'imposer au transporteur de fonds ou au convoyeur de valeur qui tient à la main une mallette, à l'officier de sécurité porteur du triptyque (bouclier kevlar dépliable) et au tireur blessé à un bras ou une main. Par contre, en un autre emplacement dans le dispositif de sécurité, il devra peut-être appliquer les positions du tir dit de police, dans d’autres il devra appuyer l’évacuation de l'autorité et se replier avec le groupe évacuateur, c’est-à-dire continuer à se déplacer en tirant ce qui est rarement le cas d’un policier mais plutôt celui d’un groupe d’intervention.
La position de base du tir à une main s’apparente à la position Fairbairn. L’originalité de cette position pour l’époque (1920), était de n’utiliser que la main forte, bras tendu à hauteur de l'œil, laissant le bras faible disponible. Charles Askins allait la développer durant la deuxième guerre, et à partir de 1942, le colonel Rex Applegate (qui deviendra plus tard le garde du corps du président Roosevelt) formera les hommes de l’OSS (Official Strategic Services, l'ancêtre de la CIA) à cette position. En cas d’une menace surgissant dans le dos de l'autorité, l’officier de sécurité qui se tient légèrement sur le côté et l’arrière droit (épaulette) de celle-ci, le saisit au col de la main gauche, effectue un pivot vers l’extérieur de manière à venir se retrouver dos à dos avec l'autorité, la main droite tenant l’arme. Si la menace est très proche, l’arme est tenue au niveau de la hanche.
Cette position de tir se doit être maîtrisée par tout officier de sécurité. À noter qu'elle permet un engagement dans un secteur de 180°, environ, et qu'elle se transforme en position de tir à bras franc lorsque les épaules sont alignées avec le bassin. Elle pourra être aussi utilisée dans sa forme originale par un policier qui désire « figer » un individu. Pour ce faire, il le désigne de son bras faible pour qu’il n’y ait pas de doute sur la personne concernée, et la « marque ». Cette position peut se combiner avec la positon que Massad Ayoob appelle « punch », légèrement modifiée. Le tireur est toujours bien campé sur ses jambes, mais la position est dérivée du karaté. L’arme est puissamment projetée vers l’avant pendant que le poing de la main faible vient contre la poitrine, comme dans un « tsuki » (shotokan). Cette position sera plus naturelle à un karatéka qu'à un pratiquant du noble art. Vous percevez tout l'intérêt d’adapter une position à sa morphologie et tempérament.
POSITION WEAVER : cette position mise au point en Californie à Lancaster par le shérif Weaver en 1958, fut popularisée par le colonel Jeff Cooper des US marine corps qui l'enseigna dans son ranch de Gun site en Arizona. Cette position n’est pas sans rappeler la position du tireur au fusil debout. Le corps au maximum à 35° par rapport à la cible, le bras faible légèrement plié, tandis que le bras fort est tendu (sans exagération). La tête légèrement penchée vers le bras fort peut prendre la visée. À l’inverse de la position Ayoob, c’est la jambe forte qui est en arrière. Cette position à deux mains permet en absorbant le recul, de tirer avec un calibre puissant et à des distances appréciables de plusieurs dizaines de mètres. Cette position est avant tout d’initiative.
BODYGUARD STANCE : cette position ne s’applique que si le défenseur armé est au contact de l’agresseur. L’arme est tenue contre la hanche forte pour en éviter sa saisie, le corps légèrement de profil et jambe forte en arrière. La paume de la main gauche (pour un droitier) est violemment projetée dans le visage de l'agresseur. Si le tir s’impose, le tir est délivré lors de la frappe, et le tireur fait un « step back » afin de se tenir à distance, se mettre hors de saisie, et si nécessaire doubler le tir. Une variante de cette position peut être utilisée pour dégager un importun qui s'interpose entre le tireur et l'adversaire. Là encore, selon la position de départ, il peut y avoir des variantes. Si le fonctionnaire a les deux pieds au même niveau (hauteur ou profondeur), il va se cambrer pour porter l’« atémi » et tenir l’arme éloignée de l’assaillant, position speed rock.
POSITION DE CÔTÉ : dans un lieu très encombré, dans un espace très réduit, le défenseur dispose d'insuffisamment de place ou d'espace pour délivrer un tir latéral, ou pour surprendre la victime. Le tireur adopte la position des « enfants sages », bras croisés. Le poignet droit venant se placer au creux du coude gauche, l’avant bras droit soutenant le bras armé, la main gauche en cuillère placée sous le coude droit. L’arme (position one, chargée et armée) est dirigée sur le côté gauche (pour un droitier). Par la simple rotation du corps, on peut engager une cible dans une zone d’environ 70°. La partie supérieure du bras gauche reste dans le prolongement du corps pour protéger le flanc, certains gilets pare-balles n'offrent quasiment aucune protection costale ! Une variante (Charrière) place le bras armé sous l'avant bras : dégainé, armement de la culasse, glissement de l'arme sous l'avant bras faible.
LE CROUCH : position de riposte popularisée par le lieutenant Mac Gee en 1974 qui a été adoptée par de nombreux policiers. Lorsqu’un coup de feu retentit, toute personne a tendance à se tasser sur elle-même pour réduire sa surface exposée. Le tireur se tasse à la verticale en écartant une jambe, ce qui lui permet de se retrouver dans la position d’un cavalier sans monture. Il faut impérativement garder les genoux à l’intérieur (important en cas de chute). Cela faisant, on abaisse son centre de gravité, augmente sa stabilité et réduit sa silhouette. En tir de riposte à courte distance, le tireur n’aligne pas l’arme à hauteur des yeux. Pour une distance moyenne, le tireur peut prendre sa ligne de vissée pendant qu’il pousse et monte son arme. Si le tireur maîtrise le tir à genoux, rien ne s’oppose à passer d’une position à l’autre pour engager sur les côtés (raison des genoux en dedans). À noter que le tireur peut couvrir un secteur de tir de 180°, l'arme tenue à deux mains, et 90° supplémentaires, l'arme tenue à une seule main.
POSITIONS A GENOUX : cette position réduit encore plus la surface exposée, permet un tir plus précis, et de couvrir l'autorité dans un coin. Le tireur se doit de privilégier la position à genoux isocèle. Le genou fort est au sol à la hauteur du talon de l’autre pied (sans s'asseoir dessus), le corps de face (Ne pas être assis facilite les déplacements à genoux comme dans l’aïkido). Le tireur peut enchaîner, un « crouch » et se remettre à genoux de l’autre côté pour engager sur 180°. Cette position est moins verrouillée que la Weaver à genoux (assis sur la cheville, corps de biais, coude gauche appuyé sur le genou droit) qui offre une surface plus exposée. Se soyons pas dogmatique, rien ne s’oppose à un enchaînement de positions. Il suffit en partant de la position à genoux isocèle de s'asseoir sur le talon (ce qui nécessitera plus de temps pour se relever). Pour mettre un genou « en terre », il y a plusieurs méthodes. Reculer et plier progressivement la jambe droite pendant le fléchissement de la gauche. Aucune main ne vient se poser sur le sol. Une fois suffisamment accroupi, se laisser choir sur son fessier droit.
POSITION ASSISE : position qui permet en cas d’abri restreint, de protéger un tiers. La maîtrise consiste à s'asseoir rapidement sur les fesses, les deux jambes ramenées vers l'entre jambe protègent une partie du thorax, les deux coudes ou avant-bras reposant sur les genoux, l’arme alignée avec les yeux de façon à former un triangle stabilisateur. La position permet un tir ajusté jusqu’à une cinquantaine de mètres. Là encore, certains tireurs mettent une main au sol pour prendre cette position. Espérons pour eux qu’il n’y a pas d’excréments dans le coin. Il faut fléchir au maximum sur les genoux, le corps restant bien droit afin de conserver sa stabilité sans rompre le centre de gravité, et venir poser les fesses au sol. Si vous restez accroupi, vous avez adopté sans le savoir la position « Afghane » ou « chier dans les bois ».
LA GRENOUILLE CREVÉE : position dérivée de la précédente. Elle sera prise par le défenseur surpris par une attaque soudaine, par exemple une porte qui s’ouvre sur un homme armé (un APR abattu n’est plus d’aucune utilité dans le dispositif, et si celui-ci a pourtant intégré l’éventualité d’être touché, cela n'en fait pas pour autant un kamikaze). Pour l’adopter, il faut faire le cobra, technique de penchak silat (Maître Charles Joussot). Vous croisez les deux jambes rapidement au niveau des chevilles, et vous descendez (toujours à la verticale) pour venir poser vos fesses au sol. Vous vous allongez ensuite sur le dos (les omoplates doivent bloquer le mouvement vers l’arrière) en ouvrant les cuisses sans décroiser les chevilles. Ainsi allongé sur le dos, les deux bras tendus tenant l’arme au niveau de l’entrejambe, vous pouvez riposter. Les chevilles doivent protéger le sacrum et non être au-dessus, ce qui vous obligerait à creuser votre dos, diminuant ainsi votre stabilité et qui risquerait de vous faire courir le risque d’une blessure grave, voire mortelle.
Cette technique peut se révéler utile après une chute sur le dos ou pour l'enchaîner derrière un « crouch ». Vous devez être capable de vous relever de la même façon, c’est-à-dire sans décroiser les jambes. L'autre avantage de cette position, sa rapidité pour engager un tir sur l'arrière à 180° ! De la position verticale, vous faites un pivot vers l'arrière sans déplacer les pieds, ce qui a pour résultat de croiser vos jambes naturellement. Il ne vous reste plus qu'à descendre en accomplissant un mouvement en tire-bouchon pour vous retrouver dans la position de la « grenouille crevée » vers l’arrière !
TIR COUCHÉ : technique utile pour votre défense personnelle ou pour couvrir un tiers lors d’un placage au sol ou d’une « tortue » (plusieurs APR s'allongent sur l'autorité). Optez de préférence pour un repli de terrain (un simple caniveau fera l’affaire). Cette position permet un tir ajusté à une cinquantaine de mètres et réduit considérablement la surface exposée aux tirs adverses. La position allongée sur le ventre, cou redressé, est très inconfortable pour les vertèbres et la respiration. Lui préférer la position de Ray Chapman (champion IPSC) qui ressemble un peu à la position du tireur couché au fusil. Le corps repose de profil sur le côté fort, les deux bras tendus vers l’avant, l’arme ne touchant pas le sol. La jambe gauche est pliée et le cou de pieds vient se placer dans le creux poplité du genou droit (pour les gauchers, il faut inverser les mouvements décrits). Là aussi, n’allez pas mettre une main au sol pour vous y aplatir ! Je sais, ils sont nombreux à le faire, mais vous devez par la maîtrise des chutes apprendre à vaincre cette appréhension du contact avec le sol. Pliez les genoux, tassez-vous et portez l’épaule droite au sol. Rien de plus simple, et ce qui ne gâche rien, plus rapide. Cette position peut aussi venir s’imposer par la prise de la position de la « grenouille crevée » qu’une chute sur l’avant vient compromettre. En combat, vous pouvez déverrouiller votre jambe et rouler sur un côté ou sur l’autre pour vous déplacer. Lorsque vous replacerez votre cou de pieds au niveau du genou, la rotation s'arrêtera et la stabilité sera acquise.
Je me suis limité à une douzaine de positions pouvant être enchaînées, mais il existe autant de positions « codifiées » que le Kama Soutra... Dans le tir comme dans les arts martiaux, le disciple ne peut égaler le maître, ce dernier a calqué sa méthode sur son mental, sa morphologie, son tempérament et autres petits riens qui le caractérisent. Tant et si bien que le disciple finit par envisager sa méthode personnelle. Mais quelle que soit la position : haute, médium, basse, l'arme doit pouvoir être toujours pointée en direction de la menace, en suivre le déplacement latéral sur 360 degrés et en hauteur (limite des articulations et du champ visuel). Cela requière d'être capable d'enchaîner différentes positions et de les travailler sans jamais rester statique. Déplacez-vous : avant, arrière, latérale et enchaînez les positions. C’est le corps et non seulement les bras qui font office de « plate-forme » de tir.
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