lundi 17 octobre 2011 - par
Tous pareils ! Tous pourris ! Ou : Le terreau de l’inculture !
Il n’est pas rare d’entendre sur divers sujets, la politique, les élus, les banques, les gens de gauche, les gens de droite, les gens du centre, les syndicats, etc. « Ils sont tous pareils ! Tous pourris » Ce slogan confortable est élevé comme un bouclier qui protège de l’effort nécessaire à l’intelligibilité. Mais comprenons ! Il existe des tas raisons d’en avoir marre de tout ; marre de ces gens qui se plaignent ; marre de ces élus qui trichent ; marre de ces syndicats qui sont incapables d’être tous ensemble ; marre de ces commerçants qui nous volent ; marre de ces toubibs qui s’engraissent sur le dos de la souffrance ; marre de ces journaux télévisés qui anesthésient la réflexion et qui liment toutes les nuances pour faire de ce monde une sorte de pâté informe dans lequel s’ébattraient quelques excités qui veulent prétendre le changer.
C’est ainsi qu’il n’y a plus d’individus mais des noirs, des arabes, des fonctionnaires, des agriculteurs, des musulmans, des lepénistes, des socialistes, des communistes, des juifs, des chômeurs, des profs, même des syndicalistes, etc. Ils sont décriés sans nuance !
Plus personne n’existe ! L’individu est nié comme un clone sans âme. Il ne s’agit pas ici d’exprimer des avis sur les différentes classes qui mèneraient ou subiraient le monde. Non ! Ici, c’est un rejet de toute réflexion. C’est la condamnation globale ! C’est l’assurance d’en savoir suffisamment pour ne plus avoir besoin d’être réceptif au message de l’autre. Le « tous pareils - tous pourris », expulsé de cette bouche essorée de bon sens, est une façon d’exprimer une vérité absolue qui serait supérieure à toutes les autres.
Comment peut-on penser un seul instant que tous agriculteurs, tous les commerçants, tous les politiques ou syndicalistes, ou bien encore tous les avocats seraient tous pareils. Il suffit d’observer l’humanité de Robert Badinter et le Karcher de Nicolas Sarkozy pour se rendre compte des évidentes différences. Ils sont pourtant avocats tous les deux. Hommes politiques tous les deux. Les mêmes écarts peuvent exister dans toutes les professions et dans toutes les catégories. L’intelligence et la bêtise sont des domaines bien partagés.
J’ai pu observer durant ma longue expérience, notamment syndicale, combien ceux qui pratiquent l’amalgame, ceux qui éructent des formules toutes faîtes pour se réfugier dans leurs certitudes, raisonnent ainsi par manque de connaissance sur le sujet traité. Combien de fois l’avis de l’autre m’a fait évoluer. Combien de fois des rencontres fortuites ont permis de rapprocher deux façons de penser totalement opposées ?
N’est-ce pas l’évolution ? N’est-ce pas la marche vers l’intelligibilité du monde ?
Ce progrès n’est possible que par la volonté de s’enrichir et de vouloir par l’apport des autres réaliser sa propre construction. C’est ainsi que depuis des millénaires l’homme évolue. La terre plate s’est soudainement ovalisée pour devenir sphérique. Le contact du + et du – ne font-ils pas jaillir la lumière ?
L’ignorance est l’arme des despotes, des dictateurs, des régimes totalitaires et de tous ceux, petits et grands, qui veulent conserver précieusement leurs maigres savoirs pour imposer une parcelle de pouvoir. C’est vrai de la Chine, à l’Afrique en passant par le contremaitre de l’atelier ou les patrons qui camouflent ses comptes.
Cette ignorance, terreau de l’inculture, entraine l’inertie, c'est-à-dire la fin de toute évolution. Organisée, elle est dévastatrice et replonge l’homme dans l’abime de l’inconscience.
C’est peut-être par rejet de cette impasse, par rejet du prêt à penser que nous impose le système actuel que je suis syndicaliste, formateur et auteur. Eveiller le sens critique c’est permettre à chacun de relier des éléments séparés pour construire un raisonnement.
Ce doit être le chalenge de tous ceux qui aspirent à rendre le monde meilleur que celui qui nous a accueillis. Dites le à vos enfants. Dites leur que la liberté qu’ils pourront exercer est un combat incessant et qu’elle ne pourra survivre aux savoirs figés dans un monde qui avance.
Ils ne sont pas tous pareils ! Ils ne sont pas tous pourris ! Ils sont le chemin, loin devant.