Un « coup d’État » au Vatican ?
Nous avons un gros problème de moralité. À cause de l’égoïsme humain ? Certes. Mais, il y a un espoir. Une société complexe exige qu’on s’entraide et le besoin croissant qu’on a les uns des autres devrait servir d’antidote à l’égoïsme des individus pour permettre une évolution morale allant de paire avec notre enrichissement collectif. La nature crée des chevaux fougueux, mais pour le labour ils doivent et PEUVENT être harnachés et tirer dans une direction commune.
Ils le peuvent, parce que, dans un monde d’interdépendance, la solidarité n’est pas une rêve contre nature ; elle devient, au contraire, la voie la plus efficace. À partir d’un certain seuil de complexité, le nombre et l’importance de ceux qui comprennent que leur plus grand bien personnel passe NÉCESSAIREMENT par le bien commun augmente… et ceux qui veulent « collaborer deviennent une majorité effective.
La société change donc ses valeurs et la solidarité est alors reconnue comme une vertu ; une nouvelle moralité doit s’imposer qui en tienne compte. Nous sommes a vivre ce changement de paradigme, ce qui ne se fait pas sans résistance… Au cœur de cette résistance d’un individualisme qui n’est plus efficace, il y a tout un habitus. il y a que l’on a tant triché et trompé, dans notre monde du symbole et du virtuel, que nous en avons perdu la foi.
Nous avons créé un monde sans foi – ni lois qui vaillent – qui est le royaume de l’arnaque. Pas l’arnaque qu’on pratique comme un vice honteux, mais une arnaque universelle et institutionnalisée : l’activité première du bon citoyen.
Le bon citoyen ne s’efforce plus de produire quoi que ce soit, mais de « commercer ». Or, qu’est-ce que commercer ? C’est acquérir un bien ou un service qu’on revendra plus cher, avec un minimum de valeur ajoutée significative, sans y avoir mis d’autre travail que des efforts pour que l’écart soit le plus grand possible entre le prix de revient et le prix de vente.
C’est créer cet écart qui est devenu le but réel de la vie, car c’est cet écart qui enrichit. C’est le profit qui en découle qui est la récompense de l’astuce qu’on a mise à convaincre qui nous l’achète que la chose vaut plus… après avoir convaincu qu’elle valait moins celui qui nous l’a vendue ! C’est cette astuce à mentir – et non la production – qui est devenue la base de l’enrichissement, la source donc du bien-être et le signe de la réussite sociale
Or, si produire est plus efficace quand on collabore, tricher et tromper tendent à rester des vices solitaires, car les occasions de fourberie, de trahison et de délation augmentent avec le nombre de ceux qui y participent. La guerre est donc ouverte entre le pouvoir encore dominant dans notre société, qui repose sur la suprématie de l’astuce au profit de quelques-uns, et le pouvoirqui arrive pour le supplanter, porté par l’abondance issue de l’industrialisation et de l’automation et qui peut donner BEAUCOUP plus à une vaste majorité des sociétaires.
Il est incontournable qu’une nouvelle majorité de travailleurs et d’entrepreneurs – créant et produisant VRAIMENT des biens et services – arrache incessamment le pouvoir des mains de la minorité des spéculateurs qui le détiennent encore. Le virage sera politique, bien sûr, mais cette révolution, qu’elle soit brutale ou pacifique, s’appuiera sur un énorme consensus populaire, une majorité qui deviendra effective et assumera le pouvoir.
Ce consensus populaire qui déferlera aura, comme toujours, ses racines dans une conception morale : on ne réussit une révolution que si on a la conviction d’avoir Dieu (ou son équivalent, comme le « sens de l’Histoire ») avec soi… Il est donc nécessaire que s’affirme une nouvelle moralité.
Il est impérieux que la classe dirigeante actuelle des spéculateurs, des exploiteurs et des hyperpossédants soit identifiée clairement comme « pécheresse » . Déclarée ennemie de Dieu comme des hommes. Que ses gestes contre la solidarité deviennent des péché, puis des crimes. Que ses pompes et ses œuvres soient vues comme celles du Malin, que l’abattre soit largement accepté comme faire œuvre pie… Que ceux qui l’affrontent ne soient plus seulement des héros, mais des saints… C’est quand prévaut cette nouvelle moralité qu’une nouvelle société se constitue
Quand apparaît une nouvelle moralité, les gens simples veulent l’associer à une RELIGION. Qu’on se dise laïque, agnostique ou athée, n’y fait rien : le constat à faire est que c’est la croyance en une rétribution dans l’au-dela qui bat le rappel des troupes et permet de rallier à la cause du changement ceux qu’une rigoureuse logique ne suffirait pas a conscrire.
Cette importance d’une nouvelle vision religieuse de la société n’échappe pas à ceux qui veulent promouvoir le changement… ni à ceux qui veulent s’y opposer. Le pouvoir en place, en fait, ne craint rien plus que cette ferveur religieuse qui pourrait être sa perte. Aucun effort n’est donc négligé pour éviter l’émergence d’une force politique qui prendrait cette couleur religieuse. La stratégie pour lui barrer la voie est double.
D’abord, le pouvoir cherche à rendre le fanatisme – qui fleurit sur la foi comme la pourriture noble sur les raisins – encore plus haïssable que le systeme actuel d’exploitation. Exécré pour sa violence – comme on la monte en épingle ou la suscite, même, pour contrer l’Islam – … ou mis hors jeu par le ridicule, comme on le fait pour les fondamentaliste et charismatiques de tous acabits.
Par cette stratégie, le pouvoir peut résister et avec le temps triompher contre les « extrêmismes », qui, offrant un changement plus marqué, séduisent au départ davantage, mais, avec le temps, généralement déçoivent. Le système , cependant, n’a pas de défense plausible contre la force infiniment plus dangereuse des religions chrétiennes traditionnelles qui, pour des raisons historiques et géopolitiques, ont aujourd’hui le haut du pavé parmi les croyances.
Ces religions peuvent- elles etre des incubateurs crédibles pour une nouvelle moralité qui conduirait à une remise en question du système actuel ? Ces religions sont toujours du côté du pouvoir… mais le quittent sans vergogne quand il semble fasèyer et menace d’être supplanté. Parmi ces religions, la plus puissante est à Rome ; or, un regard entre les lignes de l’Encyclique Caritas in Veritate pourrait suggérer que l’Eglise ne néglige aucune de ses options…
Or, si l’Église catholique prenait parti pour le changement en évoluant vers une nouvelle moralité, nous aurions un tout autre équilibre des forces en ce monde. Quelles sont les chances qu’elle le fasse ? On peut dire avec pessimisme, celles d’une gérontocratie riche contrôlant sans trop de peine les comportement bien rodés d’une masse amorphe dont seuls quelques éléments sont sincères et actifs. … Les chances sont minces que se révoltent, dans une monarchie millénaire, les généraux qui font parader l’armée de pères en fils depuis des siècles…
Mais sous les vieilles badernes, il y a parfois des colonels aux yeux bleus de braise pour faire un vrai coup d’État…. Supposez quelques évêques progressistes recevant un gigantesque appui populaire – comme il y a désormais les outils de sondage sur Internet pour aller le chercher. Supposez que 20, 50, 100 000 000 de Chrétiens sur Avaaz ou autrement réclament que le prochain pape soit élu par un conclave des évêques du monde entier de toutes les dénominations chrétiennes.
Si ces évêque d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique, des patriarches orthodoxes et des pasteurs des églises réformées – dont beaucoup ne sont que des Catholiques qu’on ignore – faisaient cause commune pour demander fermement voix au chapitre ? Si la vox populi réclamait UNE Église, UN Pape et UNE morale chrétienne… et que les dogmes soient laissés à la conscience de l’individu ? Oserait-on au Vatican risquer un schisme en refusant cette demande ?
Mais si cette demande est acceptée, alors nous aurions un coup d’État au Vatican. UNE Église, avec un Pape et UNE morale… Que serait cette morale. À tous d’y penser, mais d’abord, vite, faire ce coup d’État. Car c’est par ça que tout doit commencer et il dépend de NOUS qu’il se produise. Chaque voix qui en parle nous en rapproche.
Pierre JC Allard