Un cyber-mémorial des gilets jaunes blessés ou tués... pour la France !
Un cyber-mémorial aux Gilets Jaunes blessés ou tués serait un formidable moyen de restaurer une conscience et une unité populaire qui nous font encore gravement défaut
Nombre d’observateurs ont compris que le mouvement des Gilets Jaunes est de nature révolutionnaire au sens où il change la France, là, maintenant. De sorte qu’il y aura un avant Gilets Jaunes et un après Gilets Jaunes. Nul ne sait encore sur quoi tout cela va déboucher et quelle sera l’ampleur des changements induits mais une chose est sûre : contrairement à beaucoup d’autres, cette lutte n’aura pas été vaine, elle fera date.
Ce constat n’est pas encore celui d’une victoire. C’est celui d’une lutte populaire, dont les batailles gagnées sur le pouvoir politico-médiatique, sans pouvoir atténuer ou effacer les souffrances endurées par ceux qui y ont pris part, contribuent à leur donner le sens dont chacune des victimes a le plus grand besoin.
Ces souffrances pourraient même avoir une utilité. Celle que le sacrifice a eue tout au long de l’Histoire. En effet, depuis l’aube des temps, les hommes gardent le souvenir et révèrent ceux qui ont été blessés ou tués pour le salut de tous.
L’ordre social s’est construit et a constamment été entretenu par les sacrifices religieux autant que guerriers. Comme le montre encore le cas des deux courageux soldats morts en combattant au Burkina Faso, le pouvoir est toujours prompt à organiser de grandes communions nationales qui rassemblent le pays autour de ses enfants sacrifiés pour la bonne cause, celle de la solidarité, de l’ordre et de la soumission à l’autorité. [1]
Les Gilets Jaunes veulent le pouvoir, alors pourquoi ne se serviraient-ils pas de celui dont ils disposent déjà, à savoir, le pouvoir de faire mémoire et de commencer à rassembler la nation autour de leurs victimes incroyablement nombreuses ?
Imaginons un cyber-mémorial où chacune des victimes de violences policières pourrait faire le récit détaillé de ce qu’elle a subi avant, pendant, après, en y associant tous les documents utiles dont elle dispose ainsi que les récits d’éventuels témoins. Imaginez l’impact qu’auraient ces milliers de témoignages sur la conscience collective et sur la compréhension de ce que nous sommes en train de subir de la part du pouvoir ?
L’effroyable mix de bien-pensance obligatoire, de censure tous azimuts, de propagande ininterrompue et de violences policières gratuites avec lequel la France est gouvernée apparaîtrait pour ce qu’il est : la manifestation d’une dictature néo-libérale qui, doucement mais sûrement, s’installe, dans les esprits, les mœurs et les pratiques.
Sous couvert de protéger les acquis et la sécurité d’une petite bourgeoisie panurgique qui va droit à l’abattoir mais ne veut pas le savoir, le pouvoir feint d’œuvrer au maintien de l’ordre public alors même qu’il en est le principal agent de destruction.
Un mémorial aux Gilets Jaunes victimes du pouvoir serait un formidable moyen de restaurer une conscience et une unité populaire qui nous fait gravement défaut en ces temps où le travail de division et d’individualisation à outrance de la société nous a amené au bord du précipice, celui de la guerre civile.
Sur le modèle des commissions Vérité et Réconciliation d’Afrique du Sud, un tel cyber-monument offrirait en outre l’avantage extraordinaire de permettre aux policiers eux-mêmes d’apporter leur témoignage et de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité : sur les ordres reçus, sur les actes accomplis ou sur leur silence complice face aux excès de leurs collègues.
Cette idée de considérer les victimes gilets jaunes comme les héros d’une guerre révolutionnaire n’est pas de moi, elle ne m’appartient pas, mais elle m’a plu. J’ai simplement tenté de lui donner ici une forme concrète qui facilite sa circulation, en espérant que cela lui permette de trouver ses destinataires, que j’imagine nombreux. Car c’est seulement en collectif qu’elle sera réalisée... par des gilets jaunes, par nous tous, les citoyens, de plus en plus conscients des enjeux !
En pensant à toutes les victimes gilets jaunes, je vois ce cyber-mémorial comme un véritable devoir citoyen et je serais heureux si nous étions nombreux à exprimer ainsi notre reconnaissance à tous ceux qui ont douloureusement payé de leur personne afin que la France se ressaisisse, pour qu’elle se redresse et s’efforce de se libérer du marasme politico-médiatico-financiaro-économico-culturel dans lequel elle s’est progressivement enfoncée depuis des décennies. Non seulement nous garderions ainsi une mémoire indélébile de cette lutte de l’hiver 2018-2019 mais cela nous aiderait aussi sûrement à susciter et/ou renforcer l’élan et la cohésion populaire sans lesquels aucune victoire ne peut être obtenue.
[1] Rappelons-nous la belle formule de Clausewitz : « La guerre n'est rien d'autre que la continuation de la politique par d'autres moyens ».