jeudi 2 avril 2020 - par rosemar

Un mal qui répand la terreur...

JPEG Tout le monde connaît cette fable de Jean de La Fontaine... Les animaux malades de la Peste...

"Instruire et plaire..." telle est la devise des auteurs classiques : ils s'attachent souvent à dénoncer la société de leur temps de manière vivante et amusante... Certains ont recours à la comédie, comme Molière, d'autres à un autre genre littéraire très ancien : la fable, un court récit en vers qui illustre une morale.

Ainsi, La Fontaine dans la fable intitulée "Les animaux malades de la peste" met en scène un procès truqué au cours duquel on cherche un coupable, une victime expiatoire, lorsqu'une maladie, la peste, se déclare.

L'ordre de présentation des personnages est intéressant, leurs discours sont révélateurs, nous verrons aussi que la fable délivre plusieurs morales et qu'elle a une valeur universelle.

 

Tout d'abord, les personnages de la fable représentent une hiérarchie sociale...

La Peste est évoquée au début du texte de manière énigmatique grâce à une périphrase : "Un mal qui répand la terreur", elle est d'autant plus inquiétante, le mot "Peste" n'apparaissant qu'au vers 4, comme si on hésitait à prononcer son nom. Elle est présentée comme un véritable personnage, elle est sujet de verbes d'action, on remarque aussi que le mot est écrit avec une majuscule.

La Peste apparaît ainsi comme une force qui domine les hommes : dans l'expression "tous étaient frappés", on peut noter l'emploi de la forme passive qui suggère bien l'impuissance du genre humain.

La Peste est aussi une force obscure, instrument de la vengeance divine, selon une croyance ancienne des hommes.

Elle est associée au vocabulaire de la guerre et La Fontaine décrit de manière expressive tous les ravages de la maladie : on entend dans les 3 premiers vers un fracas d'allitérations en "r", une gutturale très dure.

"Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre..."

Le verbe principal est rejeté au vers 6, il est ainsi mis en relief : "faisait aux animaux la guerre".

 

Et La Fontaine décrit bien les effets dévastateurs et négatifs de la peste : les négations sont nombreuses : "plus d'appétit, plus de désir". Le chiasme du vers 7 "Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés" traduit bien aussi l'universalité du malheur.

L'imparfait utilisé dans cette première partie du texte restitue la durée de l'épidémie, ainsi que le rythme régulier des octosyllabes.

 

Après cette évocation, on perçoit 3 intervenants essentiels : le lion, le renard et l'âne. Leur ordre d'intervention représente une hiérarchie sociale.

Le lion est traditionnellement le roi des animaux, le renard représente les courtisans proches de ce pouvoir, l'âne, lui, est le représentant du peuple : c'est l'animal méprisé, qui n'a aucun pouvoir, aucune force, c'est la victime désignée.

 

 

Dans un deuxième temps, il est intéressant d'analyser les discours des différents personnages...

Face à l'épidémie, c'est le lion qui décide de réunir un conseil. Son discours est habile, ses propos sont ambivalents, ambigus : "je crois, peut-être", ces mots traduisent une hésitation, une certaine modestie.

Mais cette hésitation première est vite oubliée à partir du vers 19, où s'impose la décision du roi : il faut sacrifier un coupable. Le langage devient alors solennel, avec une expression empreinte de noblesse : "Que le plus coupable de nous / Se sacrifie aux traits du céleste courroux".

 

Le roi en vient à une confession publique : il emploie la première personne du singulier, "Pour moi..." Il choisit de se défendre en s'accusant : de toutes façons, il sait que son pouvoir l'excusera.

Quels sont ses crimes ? Ce sont les plus terribles, puisqu'il a détruit des vies, des animaux et des hommes. On peut noter le rejet du mot "berger" qui est ainsi mis en relief, après une hésitation feinte.

Après avoir proposé de se sacrifier, le roi décide de chercher plus coupable que lui.

 

Le discours du renard est celui d'un courtisan flatteur, il emploie un vocabulaire élogieux et hyperbolique : "trop bon roi, trop de délicatesse, Seigneur, beaucoup d'honneur."

A l'inverse, les victimes du lion sont désignées par des termes péjoratifs : "canaille, sotte espèce".Le courtisan atténue les crimes du roi, ainsi il évite de parler des siens.

 

Enfin, l'âne se signale par sa modestie et par sa maladresse : il s'accuse d'un crime qui n'en est pas un, il a brouté de l'herbe ! Il précise qu'il a brouté "un pré de Moines" : les puissants l'accuseront d'autant mieux d'avoir suscité la colère divine.

 

Le loup, quant à lui, intervient dans un discours indirect, il joue le rôle d'accusateur, et son discours lui permet aussi d'éviter de parler de ses propres crimes.

 

La Fontaine accélère alors la narration pour mettre en évidence une justice expéditive : le coupable est désigné par la foule :"A ces mots, on cria haro sur le baudet"

Les assonances des voyelles "a, o" peuvent restituer les cris déchaînés de la foule.

On assiste ainsi à un procès truqué. Le récit est particulièrement vivant grâce à l'utilisation du discours direct dans une grande partie de la fable : on a l'impression d'assister à une scène de théâtre.

 

 

A travers ce récit, La Fontaine délivre plusieurs morales.... 

Tout d'abord une morale explicite : La justice est injuste, elle est celle du plus fort. On connaît bien ces deux vers que l'on cite souvent :

"Selon que vous serez puissant ou misérable,/ Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir".

Mais le récit lui-même nous invite à dégager d'autres leçons : on perçoit le double langage du lion, la duplicité du loup, et La Fontaine met ainsi en évidence les pouvoirs du langage.

La fable dénonce aussi l'esprit grégaire : l'opinion publique est manipulée par l'autorité, par les puissants.

Cette fable évoque aussi le phénomène du bouc émissaire : dès qu'un malheur se produit, on cherche un responsable. La collectivité se décharge ainsi de ses peurs et de son agressivité.

 

 

Tout cela nous rappelle bien sûr la situation que nous sommes en train de vivre : un mal qui répand la terreur, les hommes impuissants face à ce mal, un chef de l'état, des ministres qui font des discours...

Bien sûr, il n'est pas question de trouver une victime expiatoire, ni d'imputer la maladie à une vengeance divine...

Mais qui subira le plus lourdement les conséquences de cette crise ? qui paiera ? Probablement les gens les plus modestes... déjà ceux qui vivent dans des logements exigus, insalubres, qui sont contraints au confinement traversent une période difficile et douloureuse. Le chômage va exploser, et ce sont les plus pauvres qui vont en souffrir.

Nous sommes aussi tous confrontés à des discours de responsables politiques... et aux pouvoirs du langage, des pouvoirs d'autant plus grands que ces discours sont désormais médiatisés, et répercutés partout.

"Nous sommes en guerre... " a affirmé à plusieurs reprises, Emmanuel Macron, une rhétorique guerrière destinée à rassembler, à créer une union nationale... 

Le problème est que le personnel médical est désarmé dans cette guerre : où sont les masques, où sont les flacons de gel hydroalcoolique, où sont les équipements de protection, où sont les tests de dépistage ?

Si c'est une guerre, elle envoie ses soldats au casse-pipe.

Les responsables pourraient aussi falsifier la vérité : on nous mentirait sur le nombre de morts ? Le décompte serait inexact ? On apprend que les décès survenus dans les 7 000 Ehpad et maisons de retraite qui abritent 800 000 personnes âgées ne sont pas comptabilisés dans le bilan global, pas plus que les victimes du Covid-19 mortes à leur domicile.

En Chine, le nombre de morts du coronavirus à Wuhan serait beaucoup plus élevé que les chiffres annoncés par le régime communiste, selon les témoignages récoltés sur place.

Une façon de minimiser les effets de l'épidémie...

Des rumeurs circulent aussi sur d'éventuels médicaments qui seraient susceptibles de guérir la maladie... mais les études sont encore très incomplètes.

JPEG

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2020/03/un-mal-qui-repand-la-terreur.html

 

Le texte :

https://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/Poemes/jean_de_la_fontaine/les_animaux_malades_de_la_peste

 



9 réactions


  • JC_Lavau JC_Lavau 2 avril 2020 18:57

    Je ne suis pas ici pour distraire, mais pour instruire. Maintenant, pour ceux que ça amuse de rire, je peux instruire en distraisant. Treize et demi à la rigueur...


  • Old Dan 3 avril 2020 03:44

    Sacré La Fontaine ! Toujours pas démodé...

    .

    [ sauf « la cigale et la fourmi », revu et corrigé depuis le CAC 40... ]


  • damocles damocles 3 avril 2020 11:37

    Donc le LION de la fable ,c’est MACRON , le RENARD  vil flatteur représente les MEDIAS , et l’ ÂNE c’est ... le POPULO ???


  • Jjanloup Jjanloup 3 avril 2020 19:42

    Merci, Rosemar, pour cette double analyse.


  • L'Astronome L’Astronome 4 avril 2020 12:08

     

    « Lundi 30 mars, les autorités chinoises dénombraient 3.305 décès liés au Covid-19. » (Vingt Minutes . fr)

    « la crédibilité des statistiques chinoises (près de 80 000 cas et 3 304 morts) est remise en question » (La Croix . com)

    « l’ambassadeur de Chine en France, indiquant que l’épidémie avait fait 3 305 morts en Chine continentale  » (France TV Info . fr)

    ...

    etc.

    ...

    Ce nombre ridiculement bas (3.300 décès) est sans doute lié au système de numération du chinois. En effet, au-delà de mille (1.000) le chinois connaît une unité supplémentaire : le dix-mille (wan 万 ). Ainsi pour 33.000, le chinois dira : 3 dix-mille 3 mille. Il est à supposer que le nombre de décès en Chine est au moins de 33.000 (sinon plus). Simplement les autorités chinoises, en communiquant le nombre de décès, ont oublié — ou omis — de mettre l’unité dix-mille avant le mille.

     

    CQFD

     


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