Un mensonge d’État qui nous prend pour des idiots : l’hôpital Necker « dévasté » par des sauvageons…
Lu sur Arrêt sur infos
Lorsqu'ils sont investis ne serait-ce que d'une bribe de pouvoir, des "petits chefs" médiocres n'ont d'autre possibilités que masquer leur incompétence par une nuisance radicale.
Pour l'avoir brillamment démontré une fois de plus, le 14 juin 2016 doit être marqué d'une pierre blanche.
Heureusement, tout le monde n'est pas dupe
En ce lendemain de manif monstre, vers midi et demi, il suffisait d’emprunter le parcours de la veille pour apercevoir les centaines de tags qui ornaient encore les murs (à part ceux du Val de Grâce ripolinés de blanc sur le boulevard du Port-Royal). Parmi les vitrines brisées, d’après un rapide calcul mental, 95% des devantures ciblées portaient l’enseigne d’une banque/agence immobilière /compagnie d’assurance/sucette publicitaire Decaux. Indubitablement, sur le boulevard Montparnasse, cinq ou six magasins de déco intérieur, d’optique ou de fringues, dépourvus de caractère symbolique flagrant, ont fait le frais d’un excès de zèle injustifié, d’ailleurs sans graffiti « explicatif » autour. Mais comment s’en offusquer au regard du gazage quasi permanent du cortège de tête qui, avec cagoule ou foulard citronné à mi-visage, comptait dès le départ plus de dix mille personnes rêvant non pas d’un baroud d’honneur ou d’un simple happening émeutier, mais d’un cortège offensif exprimant toutes les composantes du corps social d’aujourd’hui : United Colères of Précaires.
Arrivé devant l’Hôpital Necker, le champ de ruine ne saute pas aux yeux, c’est le moins que l’on puisse dire. Une seule vitre a volé en éclat, déjà remplacée par une feuille de contreplaqué. Une petite dizaine d’impacts au marteau, surlignés de scotch armé orange, sont aussi visibles sur les double-vitrages avoisinants. Un ou deux tags en plus… et voilà tout. Même pas une faute lourde de non-sens, juste une faute de goût sans dégâts collatéraux ni vilains bobos pour personne.
C’était donc ça — une erreur bénigne de balistique mal raisonnée — qui nous a valu depuis hier soir la fable d’une « attaque » puis de la prétendue « dévastation » de l’Hôpital des Enfants Malades où, parmi tant d’autres gamins en souffrance, l’ex-otage en bas-âge d’un fanatique tentait de retrouver ses esprits. Aucun rapport a priori, mais puisqu’il est désormais question de criminaliser les « casseurs » en les amalgamant à la figure de l’ennemi intérieur djihadiste, rien n’est trop énorme pour accréditer ce bobard faisandé.
Trêve de storytelling, un flash-back s’impose si l’on veut distinguer la part réelle des responsabilités. Hier, vers 16h30, alors que les forces de l’ordre avaient réussi puis échoué puis recommencé à couper/nasser la tête de manif, c’est à ce carrefour stratégique de la rue de Sèvre et du boulevard Montparnasse (métro Duroc) que la Préfecture avait décidé de placer un très gros bataillon de CRS aux abords dudit hosto et en vis-à-vis un canon à eau. De fait, à l’arrivée du cortège massif, occupant chaussée et trottoirs, la police a chargé, choisissant de fixer l’affrontement pendant plus d’une demi heure aux immédiats parages de ce lieu de soin.
Et maintenant, cessons de travestir une réalité qui pourtant crève les yeux (comme un FlashBall justement). C’est à la Police d’assumer toute l’indignité de sa géo-stratégie irresponsable : noyer de gaz lacrymogène la rue jouxtant un Hôpital (avec les risques d’enfumage des ventilations de l’établissement), y faire assaut de grenades de désencerclement (ayant en cet endroit précis atteint plusieurs manifestants couchés au sol, ce qui avait déjà eu lieu au croisement précédent, propageant la rumeur infondée semble-t-il d’un ou deux morts et enrageant d’autant tout un chacun parmi les manifestants), avant de mettre en branle le fameux canon à eau, posté là en embuscade selon un scénario mûrement réfléchi. Ainsi serait-il préférable de ne pas inverser les rôles et plus que temps de demander des comptes au ministre de l’Intérieur pour le choix délibéré d’un telle tactique, si irrespectueuse d’un havre de paix que doit être un centre hospitalier. Le reste (un malheureux carreau cassé) n’est qu’enfantillages, montés en épingle pour effarer les téléspectateurs dans leurs chaumières et rassurer les Panama-Bankers et autres châtelains du pouvoir socialiste.
Bien sûr, il y aurait d’autres épisodes à évoquer à propos de la journée d’hier, mais quelques extraits d’aphorismes urbains y pourvoiront.
15 juin 2016
Post-scriptum : Quant à savoir qui a vraiment cassé l’Hôpital publique en Île-de-France, à coup sûr, ce sont nos états-d’urgentistes du PS à force de coupes budgétaires et de logiques comptables, pas les jeunes énervés qui se battent à armes très inégales avec les Robot-cops du chien de garde en chef Manuel Valls.
Source : http://www.archyves.net/html/Blog/?p=7017
A ce sujet, lire l’article d’un lecteur du site Lundi Matin ci-dessous.
SUR L’INSTRUMENTALISATION DES VITRES DE L’HÔPITAL NECKER – TÉMOIGNAGE D’UN PARENT
« Lorsqu’ils mettent sur le même plan « émotionnel » des plaques de verres cassées et ces centaines de milliers de familles éprouvées, MM. Valls et Cazeneuve, n’ont-ils pas honte ? »
Un lecteur de Lundi matin nous a fait parvenir ce témoignage à vif.
Hier, il y avait des centaines de milliers de manifestants dans les rues de Paris. En tête, des milliers de personnes, cagoulées ou non, syndiquées ou pas, se sont retrouvées pour tenir la dragée haute à un dispositif policier hors norme.
Je comprends facilement ce qu’il peut y avoir de désespérant là-dedans pour le gouvernement. Alors que l’on pouvait imaginer qu’au fil des semaines et des mois, la rue se fatigue et la violence soit de plus en plus isolée, c’est tout le contraire qui se passe : la peur de la police ne dissuade pas.
Hier, les manifestants ont commis de nombreuses dégradations. Pour celles que j’ai pu constater, elles étaient toutes « ciblées » : banques, assurances et publicités. Je ne suis pas sûr que cela nécessite beaucoup de débat. Il n’est pas certain que le monde de la finance tremble à chaque fois qu’un distributeur de billet est vandalisé mais que la jeunesse y voie un symbole, je le comprends parfaitement. Qu’une assurance doive appeler son assureur et demander le coût de la franchise, je dois avouer que lorsque j’y ai pensé, ça m’a fait rigoler. Ces gens engrangent des milliards en ponctionnant la solidarité. Quant aux publicités détruites, c’est — malgré la méthode—, la meilleure chose qui puisse leur arriver.
Au milieu de tout cela, quelques vitres de l’hôpital Necker ont été brisées. Bien que les vitres en question n’aient pas d’autre rôle que celui d’isolant thermique : j’en conviens grandement, ce n’est pas très malin.
Certes, briser les vitres d’un hôpital, même par mégarde, c’est idiot ; mais sauter sur l’occasion pour instrumentaliser la détresse des enfants malades et de leurs parents pour décrédibiliser un mouvement social, c’est indécent et inacceptable. Et c’est pourtant la stratégie de communication mise en œuvre depuis hier, par MM. Cazeneuve et Valls. Allègrement reprise par la droite et relayée sur un plateau doré par tous les médias.
Je le dis d’autant plus volontiers que l’hôpital Necker, j’y ai passé beaucoup de temps et que la détresse et l’angoisse des parents d’enfants très malades, je vois particulièrement bien ce que c’est. Instrumentaliser cette souffrance à des fins aussi bassement politiciennes est abject.
Cette indécence est d’autant plus choquante lorsque l’on connaît la situation de l’hôpital public aujourd’hui. MM. Valls et Cazeneuve, « révoltés » du fond du cœur par cinq vitres brisées, le sont-ils autant par les conditions de travail effarantes des personnels hospitaliers ? Lorsqu’un généticien clinique doit travailler 70h par semaine car la direction de son hôpital n’a pas les moyens d’employer un nouveau docteur ni même une secrétaire, quelles en sont les conséquences sur tous ces gentils petits enfants malades au chevet desquels nos ministres accourent depuis hier ? Quand les aides-soignantes et les infirmières sont épuisées, usées jusqu’à la moëlle et rémunérées au minimum, qu’en est-il de la qualité des soins et de l’attention nécessaires à ceux qui passent des mois voire des années dans des couloirs d’hôpitaux ?
Lorsqu’ils mettent sur le même plan « émotionnel » des plaques de verres cassées et ces centaines de milliers de familles éprouvées, MM. Valls et Cazeneuve, n’ont-ils pas honte ? Et tous ces journalistes qui ont titré sur cet horrible assaut contre l’hôpital des « enfants malades », prennent-ils la mesure du sens de leurs mots ?
La palme de l’infamie revient évidemment à M. Cazeneuve qui a tout de même réussi à ajouter à l’équation le fils des deux policiers tués avant-hier.
Des centaines de milliers de personnes défient le gouvernement dans la rue. Une ou deux cassent le double vitrage d’un hôpital. Une ordure tue deux policiers à l’arme blanche. Leur fils de trois ans est en soin à Necker. M. Cazeneuve établit un rapport émotionnel, affectif et psychique entre ces deux séries de faits : la lutte contre la Loi Travail et son gouvernement, le choc produit par la brutalité de ce double meurtre et la situation dramatique de cet enfant. Si les jeunes émeutiers qui ont cassé les vitres de Necker ont été idiots, MM. Valls et Cazeneuve, eux, sont obscènes.
Plutôt que de courir les plateaux télés pour dire des conneries pareilles, retirez la loi travail, financez correctement les hôpitaux et épargnez aux enfants et à leurs parents votre ignoble instrumentalisation. Merci d’avance.
Un parent d’enfant très malade de l’hôpital Necker.
Source : https://lundi.am/Sur-l-instrumentalisation-des-vitres-de-l-hopital-Necker-Un-parent
De l’hôpital Necker dans l’offensive spectaculaire marchande
Aujourd’hui, le storytelling policier orchestré par Valls a de nouveau parfaitement fonctionné. Personne, ou presque, ne parle plus du million de manifestants dans les rues de la capitale hier 14 juin. Une mobilisation historique. Personne ne parle non plus de la résistance collective aux offensives policières, des dockers forçant les barrages, des syndicalistes nassés alors qu’il rejoignaient leurs cars, des dizaines de blessés.
Partout, en « une » des journaux, en boucle sur les écrans, dans la bouche des politiciens : les vitres étoilées d’un hôpital. Jusqu’à l’écœurement. Une fois ce contre-feu allumé, le tourbillon médiatique noie déjà cette journée de lutte gigantesque dans l’insignifiance du flux d’informations.
Mais que s’est-il réellement passé ? Quelques mises au point.
1- D’abord, l’hôpital Necker n’a pas été « attaqué », mais certaines de ses vitrines étoilées par deux individus, au beau milieu d’un affrontement confus.
2- La préfecture de Paris avait déployé son dispositif pour que l’affrontement éclate précisément au niveau de l’hôpital. En prenant en étau le cortège de tête, en empêchant la manifestation d’avancer, et surtout en lançant une série de charges violentes devant le bâtiment. C’est donc au niveau de l’hôpital Necker qu’un point de fixation a été artificiellement créé, et qu’à peu près tout ce qui se trouvait à proximité des lignes policières a été abîmé. Y compris un car de touriste. Et certaines vitrines.
3- Il était très difficile pour les non-parisiens – autrement dit, une très grande partie du cortège – de deviner depuis le défilé arrivant de la Place d’Italie qu’il s’agissait d’un hôpital. Visuellement, seule une longue baie vitrée grise longeant le boulevard s’offrait à la vue des manifestants – ce qui n’est pas le cas dans le sens inverse de la marche. Nul doute que les quelques égarés pavloviens venus casser du verre – une petite librairie juste à côté à subi le même sort que l’hôpital – n’ont même pas compris ce à quoi ils touchaient.
4- Quelques centaines de mètres plus haut, Boulevard de Port-Royal, alors que la manifestation venait de s’élancer et que la police semblait décidée d’entrée de jeu à faire monter la tension, des grenades lacrymogènes sont tombées dans la cour d’un hôpital, noyant la cours sous les gaz. Pénalisant à l’évidence bien plus patients et personnels que quelques étoiles sur du verre, préjudice essentiellement esthétique.
5- Des dizaines de grenades de désencerclement ont été envoyées sur les manifestants juste devant l’hôpital, provoquant de gigantesques détonations, explosant les tympans, faisant bondir les cœurs, lacérant les chairs. La rue a été inondée d’un puissant gaz lacrymogène s’insinuant partout pendant des heures. Si les enfants soignés dans cet hôpital ont été incommodés, c’est probablement plus par l’usage massif de l’arsenal policier que par des coups, aussi idiots soient-ils, sur la baie vitrée du bâtiment.
6- Derrière cet acte isolé, une opération médiatique et politique obscène. Celles et ceux qui cassent méthodiquement l’hôpital public depuis 30 ans sont les gouvernements successifs. La situation est devenue intenable pour les personnels hospitaliers depuis des années. Des milliers de postes sont supprimés, des milliards économisés sur les dépenses de santé. Les personnels soignants sont par ailleurs régulièrement mobilisés contre la marchandisation de leurs services, et leurs revendications sont ignorées. En ce sens, les gesticulations de la ministre de la santé sont particulièrement ignobles. De même que le parallèle entre manifestation et terrorisme, répété par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Ou que l’instrumentalisation d’enfants gravement malades pour parvenir à imposer une loi largement rejetée.
La vérité, c’est que le gouvernement ne sait plus quoi faire pour étrangler cette lutte. Il a tout essayé : la violence, les procès expéditifs, les procédures d’exceptions, la propagande médiatique, la transformation de banales actions de blocages en « association de malfaiteurs », l’usure … Malgré tout cela, ce sont encore des centaines de milliers de personnes qui résistent dans les rues. Le pouvoir en est donc rendu à faire croire que les manifestants attaquent des hôpitaux. Ne les laissons pas faire.
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