lundi 25 février 2013 - par Io Camille Kaze

Un nouveau monde, le vôtre

La question que je vais aborder ici s’est imposée à mon esprit suite à une discussion avec une amie qui me rappelait au bon souvenir de Maître Ripert. Avocat comme il n’en existe pas assez. Avocat, qui durant le procès Ferrara, avait à nouveau énoncé quelques belles vérités à la cours, telle que :

« 193 années de prison requises soit presque deux siècles de réclusion pour trois petits trous dans un mur d'enceinte et un petit homme qui s'en évade. Votre justice est en train de devenir de plus en plus répressive et la prison l'avenir de la société pour niveler les injustices sociales. Votre justice ne protège que les nantis auxquels nous devons la crise financière, les parachutes dorés, les abuseurs de biens sociaux qui volent l'argent dans les banques de l'état. »(1)

A partir de là, je suis parvenue, de lien en lien, à me retrouver sur une branche, oserai-je dire, plutôt pourrie. Je m’explique.

J’ai commencé par indiquer à mon contact le site « Ban Public » afin qu’il puisse y puiser des informations quant à l’ « actualité » du monde carcéral. Je l’ouvrais souvent depuis l’« affaire Ferrara », sensibilisée par toute cette injustice face à laquelle ne se retrouvent jamais ces fameux nantis dont parle Maître Ripert.

Et puis un encart sur la page « Ban Public » me fait tiquer. L’encart « Population sous écrou (officiel). Le graphique original est ici : http://prison.eu.org/

Je fais tout de suite, aux vues de l’explosion depuis 2001/2002, la corrélation avec l’arrivée au gouvernement, en tant que ministre de l’intérieur dans un premier temps, puis en tant que président de la république ensuite, de Sarkozy.

Je veux en savoir plus. Mes recherches m’amènent à divers articles qui confirment mes soupçons. Je lis sur Rue 89, un article daté du 6 décembre 2011 : « Soupçons de corruption sur le « Pentagone » de Sarkozy ».

Martin Bouygues, « un des plus proches amis de Nicolas Sarkozy » a décroché la timbale. Un marché juteux de 3,5 milliards d’euros en partenariat public privé. Le groupe Bouygues a ainsi évincé deux autres groupes français : Vinci et Eiffage. Ici, « il s’agit de relocaliser, d’ici à 2015, tous les services du ministère de la Défense à Balard, dans le XVème arrondissement de Paris. » (2)

Cet article souligne les liens qui unissent Sarkozy au groupe Bouygues. Un article, toujours du même journal, Rue 89, intitulé : « Prisons, la folie des grandeurs de Nicolas Sarkozy » et daté du retient mon attention.

« Annonçant un objectif de 80 000 places à l’horizon 2017, le président de la République entraîne le pays dans une politique pénale coûteuse et contreproductive en matière de prévention de la récidive. Invoquant le nombre de peines « inexécutées », il estime que la France a besoin de 30 000 places d’emprisonnement supplémentaires pour mettre en œuvre les décisions des magistrats.

Nicolas Sarkozy souhaite revenir sur cette politique d’aménagement de peine, renforcée par sa propre majorité parlementaire lors de l’adoption de la loi pénitentiaire en novembre 2009. Il préfère aujourd’hui « ouvrir rapidement des prisons dédiées aux condamnés pour courtes peines ne présentant pas de dangerosité particulière », dont il reconnaît lui-même qu’ils représentent « la majorité des personnes incarcérées » et que « la plupart des peines en attente d’exécution sont précisément de courtes peines ». »

La remarque de l’auteur de cet article, est extrêmement pertinente : « Si ces détenus ne présentent pas de « dangerosité particulière », il est permis de se demander pour quelles raisons ils doivent nécessairement purger leur peine en prison.  » (3)

Quel est le lien avec Bouygues ? C’est le Figaro, entre autres, qui me l’indique, dans un article du 8 janvier 2008 : « Trois nouvelles prisons pour Bouygues ».

« Elles sont décidément très convoitées les prisons françaises. Au terme d'une consultation qui l'opposait à ses trois grands concurrents français (Vinci, ­Eiffage et Spie Batignolles), Bouy­gues Construction a remporté le troisième lot de prisons mis sur le marché par l'État. Le groupe de Martin Bouygues se chargera à la fois de la conception, de la construction, du financement, de l'exploitation et de la mainte­nance de ces nouveaux établissements pénitentiaires à Nantes (570 places), Annœullin, près de Lille (688 places), et Réau, près de Melun (798 places). Soit, au total, 2056 places.

C'est la troisième fois que l'État a recours, pour des prisons, à ce dispositif de partenariat public privé (PPP). Le premier lot de quatre prisons avait été remporté en février 2006 par Eiffage  ; le second des trois établissements dont la construction est en cours avait été attribué à Bouygues en octobre 2006. » (4)

Ainsi il va falloir les remplir ces prisons, afin que Bouygues notamment, puisse accumuler des profits records. Sans oublier les centres de rétention pour qui de semblables contrats juteux finissent dans la poche de groupes comme Vinci, Cofely-Gdf-Suez, Véolia et… Bouygues. Encore lui. (5)

Que s’est-il passé depuis 2002 ? Y aurait-il plus de criminels, de délinquants ? Non, si l’on en croit la courbe ci-dessus. Les incarcérations étaient même en baisse.

Sarkozy a trouvé la solution, bien évidemment. C’est Depuis 2002, date à laquelle il est devenu ministre de l’intérieur et jusqu’en 2012, que 69 textes de loi relatifs à la sécurité, l’immigration et le renforcement du système pénal judiciaire ont été adoptés. En clair, une loi sécuritaire a été votée tous les deux mois et demi.

Le site Légifrance lui-même nous informe que « si l'on jugeait aujourd'hui comme il y a quarante ans, toutes choses égales par ailleurs, environ moitié moins de détenus se trouveraient dans les prisons françaises.  » (6)

Ces propos sont ceux de Monsieur J.-M. Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans un avis du 22 mai 2012 relatif au nombre de personnes détenues et publié au Journal Officiel n° 136 du 13 juin 2012 page 9962. Ces propos ne sont pas l'expression de l'administration ou du site Légifrance, qui est un site de diffusion de textes officiels. Ce site, placé sous la responsabilité du secrétaire général du Gouvernement et exploité par la Direction de l'information légale et administrative, met gratuitement à la disposition du public l'ensemble des publications officielles dans le cadre de la mission de service public de diffusion du droit par l'Internet, assurée en application du décret n°2002-1064 du 7 août 2002. 

 

« Des groupes privés ont fait de considérables profits en construisant des prisons, en produisant des bracelets électroniques et des Taser, en installant des caméras de vidéosurveillance. Bouygues, Eiffage, Vinci se sont désormais substitués en partie à l’État pour gérer ses fonctions régaliennes de justice et de police. C’est ainsi que la nouvelle prison de Nantes coûtera au contribuable 13 millions d’euros par an pendant vingt-sept ans et en rapportera autant à Bouygues. Mais l’argument essentiel pour faire table rase du populisme pénal, de ces années barbelées est qu’il est aussi inefficace que destructeur des vies brisées par la machine pénale.  », dénonce un article dans « l’Humanité » datant du 30 mars 2012 : « Pour une insurrection des consciences ». (7)

Sarkozy s'est montré très généreux envers ses amis, grâce à celle (générosité) du contribuable :

« Avec les trois prisons confiées à Bouygues, l'État va plus loin. Pour la première fois dans l'histoire de la justice française, l'ensemble des services à la personne assurés dans ces trois prisons reviendra aussi au secteur privé  : restauration, formation des détenus, accueil des familles, travail pénitentiaire et transport seront assurés par un groupement composé de plusieurs entreprises (Sogeres, Exprimm, Idex et Preface). 

La livraison des trois prisons devrait intervenir à partir de 2010. D'ici là, les groupes de BTP français lorgnent un autre contrat, plus emblématique, celui de la prison de la Santé, à Paris. » (4)

Je vous conseille de lire le témoignage d’un surveillant de prison : http://prison.eu.org/spip.php?article11256

Un livre aussi, de Mathieu Rigouste « La domination policière », qui dénonce la violence policière comme non accidentelle « mais rationnellement produite et régulée par le dispositif étatique ».

 

Force est d'admettre que nous vivons à l’ère d’un néolibéralisme, ou démocratie et liberté n’ont plus leur place. Une petite poignée de nantis, prête à tout pour parvenir à s’octroyer toujours plus de puissance et de pouvoir grâce à l’agent du contribuable, nous le prouve tous les jours. Nous l’avons vu, pour ce faire, ils n’hésitent pas, à l’aide d’hommes politiques corrompus, à envoyer des innocents en prison. Je dédierai cet article à celles et ceux qui, à Notre-Dames-des-Landes, se battent en ce moment même contre un projet d’ayrault-porc vendu par un ministre UMPS à Vinci « « Son p… d'aéroport de m… coûtera quatre fois plus cher qu'une nationalisation temporaire de Mittal. » (8), au contribuable, bien entendu.

Enfin, je terminerai comme j’ai commencé, par une citation de Maître Ripert avec laquelle je suis entièrement d'accord :

« Vous n’avez aucune humanité, aucune rigueur. Vous êtes des malades de la répression. Un pays où il n’y a plus de justice, c’est un pays fasciste. »(9)

 

Note : le titre de cet article provient de Bouygues lui-même. Slogan utilisé de 2004 à 2007.

Sources :

  1. http://fraterniteaperpete.skyrock.com/2183350231-Execellente-plaidoirie-de-Bernard-RIPERT-au-proces-FERRARA-par-l-ARPPI.html
  2. http://www.rue89.com/2011/12/06/soupcons-de-corruption-sur-le-pentagone-de-sarkozy-227295
  3. http://www.rue89.com/2011/09/13/prisons-la-folie-des-grandeurs-de-nicolas-sarkozy-221818
  4. http://www.lefigaro.fr/societes-francaises/2008/01/08/04010-20080108ARTFIG00346-trois-nouvelles-prisons-pour-bouygues-.php
  5. http://sanspapiersnifrontieres.noblogs.org/post/2012/11/28/un-centre-de-retention/
  6. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000026018861
  7. www.humanite.fr/politique/pour-une-insurrection-des-consciences-493522
  8. http://www.lefigaro.fr/politique/2012/12/06/01002-20121206ARTFIG00713-notre-dame-des-landes-ayrault-ne-lachera-pas.php
  9. http://www.trafic-justice.com/SITENE17/exemplaire/ripert/ripert12septdl.htm


4 réactions


  • paul 25 février 2013 15:12

    Ce qui s’est passé pendant 10 ans sous l’ère Sarkozy est un véritable racket de l’État, c’est à dire au détriment du bien public .
    Ce racket au profit de ceux qui détiennent également aujourd’hui les médias- même publics par l’intermédiaire de certains responsables de l’audiovisuels - a été institué grâce au partenariat public-privé ( PPP) : un système institué en France par le très libéral Alain Madelin en 2004 , à l’identique des anglo-saxons, évidemment .

    C’est la dette des États qui les pousse à choisir cette formule, encouragés par l’OCDE, la Banque européenne d’investissement : les grandes entreprises avec « l’aide » des banques financent les travaux, assurent parfois même l’exploitation des infrastructures . États et collectivités leur paient un loyer pendant 30 ou 50 ans ...avec les intérêts qui vont avec .
    Ces investissements différés ont l’avantage de ne pas alourdir la dette publique - en apparence - mais c’est c’est une bombe à retardement pour les générations suivantes ...TGV, prisons, hôpital, sud francilien, Ayraut-port, Balard , ....l’enveloppe pourrait atteindre 60 Md en 2020 ! Merci qui ?


  • Io Camille Kaze Io Camille Kaze 26 février 2013 00:54

    Bonsoir Paul, je vous avais répondu un long message... malheureusement je l’ai perdu ! il était trop long me disait-on et je ne sais ce qu’il s’est passé mais tous mes mots ont disparu... je remets cela à demain. il se fait tard... en prenant soin de le rédiger sur word !


  • Io Camille Kaze Io Camille Kaze 26 février 2013 23:55

    Re-Bonsoir Paul,
    J’ai eu quelques soucis pour poster, Agora m’a indiqué comment faire ^^ Je vais poster en deux fois…

    Tout d’abord, merci pour la précision concernant l’instigateur du PPP (personnellement, je m’intéresse peu aux hommes politiques, je préfère me pencher sur les mécanismes du capitalisme et de ses courants, de la politique, de l’économie, etc.).

    Les anglo-saxons seraient les précurseurs dans le domaine ? Le 11 septembre 1973 (et c’est ce 11 septembre qu’il faut retenir et non l’autre), Allende est victime d’un coup d’état, fomenté par la CIA qui mettra Pinochet au pouvoir. Les Chicagos Boys, sortis tout droit de l’école de Chicago fondée par Milton Friedman, remettent leur programme économique, « La Brique » à Pinochet afin qu’il le mette en pratique. Le Chili, par le biais de Pinochet, deviendra le premier laboratoire de l’ultra-libéralisme de Friedman. Suivront le général Videla en Argentine, Margaret Thatcher au Royaume-Uni, Ronald Reagan aux États-Unis, Brian Mulroney au Canada, etc., et plus récemment, Sarkozy en France.

    L’idéologie de Friedman repose sur une trinité stratégique – élimination de la sphère publique, déréglementation totale des entreprises et réduction draconienne des dépenses publiques.

    Dans tous les pays où les politiques inspirées de l’école de Chicago ont été appliquées au cours des trente dernières années, on a pu voir s’installer une puissante alliance entre de très grandes sociétés et des politiciens.


  • Io Camille Kaze Io Camille Kaze 26 février 2013 23:56

    Le mot qu’il convient d’utiliser ici est : corporatiste. Ce système se définit par d’immenses transferts de ressources publiques vers le secteur privé, ce qui induit une explosion de la dette, un accroissement d’inégalité entre les riches (qui ne paient quasiment pas d’impôt) et les pauvres (qui supportent, seuls, le poids de la dette) et un nationalisme justifiant de colossales dépenses dans le domaine de la sécurité. Et puisque la vaste majorité se trouve désavantagée, l’Etat corporatiste doit adopter de nouvelles tactiques : le resserrement de la surveillance (le gouvernement et les grandes sociétés s’échangeant une fois de plus des faveurs et des contrats), le recours massif aux emprisonnements, la réduction des libertés civiles.

    Un glissement de pouvoir est en train de s’effectuer, qui va vers les banquiers et les investisseurs. Il y a d’un côté la ploutocratie qui ne concerne qu’une poignée de personnes possédant l’essentiel des richesses et qui sont les principaux consommateurs et le « précariat », le prolétariat précaire. C’est bien sûr la majorité de la population qui vit dans des conditions extrêmement précaires. Les investisseurs eux, investissent dans la ploutocratie. Le glissement de pouvoir va donc de la classe ouvrière vers une toute petite élite qui ne produit rien mais qui représente les banques.

    Warren Buffett déclarait le 25 mai 2005 « Il y a une lutte des classes aux Etats-Unis, évidemment, mais c’est ma classe, la classe des riches qui a mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner. »

    Le sous-commandant Marcos, en août 1997, parle de « 4ème guerre mondiale » : « Le néolibéralisme, comme système mondial, est une nouvelle guerre de conquête de territoires. »

    Peu importe le nom qu’on lui donne, peu importe le nom de celui qui gouverne ou de son parti… Peu importe de savoir qui a fait quoi… La question à poser est : avons-nous envie, en tant que multitude, de reprendre le pouvoir ? Jusqu’où nous laisserons-nous déposséder par cette petite poignée ?

    ça a fonctionné... ouf.


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