vendredi 30 juin 2017 - par George L. ZETER

Un vieux routier de l’enseignement vous parle !

Je devrais plutôt dire un vieux soutier... Car, comme rafiot à la dérive le rectorat de Lyon se pose là !

A chaque fois où je téléphone, je tombe sur une dame qui voudrait me faire compatir à sa triste condition de fonctionnaire : snif-snif, pôvre d'elle ; Son stress, le manque d'effectif, les affectations, les ruptures de contrat, les fins de contrat, tout le monde qui réclame en même temps des attestations, des certificats, des, de, qui téléphonent pour se plaindre etc... Pourtant cette même dame me rappelle à chaque fois que mon poste de professeur d'anglais bac + 5 est un "emploi précaire", et donc ??? J'avoue que son argument me laisse coite ? Entendre que mon emploi est précaire de la part d'une fonctionnaire, c'est un peu la misère qui se foutrait de l'hôpital ou le borgne de l'aveugle (et vis et versa ?). Ca ! Comme je le sais, précaire suis-je oh combien ! En même temps j'ai fait ce choix, car JAMAIS au grand Jamais je ne voudrais devenir un de ces fonctionnaires qu'on envoi au diable vauvert et sans discuter, achtung ! Zappelle ça "mutation", j'appelle ça, mutilation sociale, de se retrouver dans le 93 alors que la douce aimée est à Marseille... Et puis il faut avoir une "certaine" tournure d'esprit pour conformer... Et je ne con-forme point du tout !

J'ai atterri dans cette académie mi janvier. Contacté par le rectorat pour effectuer un remplacement de janvier au 14 juin. Je me dis chic jusqu'a la fin de l'année ; j'arrive ! Je boucle mes valises et conduis 300 km du sud de la France à Lyon ; sauf que... Sur place je découvre que le 14 juin n'est pas sûr-certain, ce serait plutôt le 12 mai... Zont tendance à enjoliver les recruteurs rectal, car trouver un prof remplaçant sur Lyon est une vraie gageure ; on se demande bien pourquoi ? Faisant contre mauvaise fortune joli-cœur-chœur, je débute dans un lycée général. Tous ces mois ont passés vite, en majorité des bonnes classes, des élèves intéressés-sympas, très peu de mauvaise choses pour se plaindre. Mais le 12 mai, out ! J'ai ensuite un contrat de 3 semaines dans un collège à 30 km de Lyon ; là c'est moins drôle ; de la discipline, de la discipline et encore. Puis du 3 juin au 19 juin sur deux collèges à 25 km de Lyon ; là encore c'est la fin de l'année, la canicule, les enfants surexcités, bref, beaucoup de maux de tête et de la garderie à prix cassé. Et encore une fois de plus un enjolivement de la situation : je dois être selon le rectorat dans un collège 2 jours et dans l'autre 3= 5 ; et je découvre sur place que ce n'est pas 5 mais 6 fois par semaine, avec une coupure de 5 heures entre chaque collège...C'est assez désagréable de se sentir pris pour un idiot non et d'être mis devant le fait accompli.

Je me suis qualifié de vieux routier dans le titre car, j'ai "œuvré" pour 7 académies (France et DOM-TOM) en ces 9 dernières années ; et je connais donc un peu la musique.

Ce qu'il en ressort c'est que nous les professeurs contractuels et vacataires sommes traités bien souvent comme quantité négligeable, de la valetaille tout juste bonne à être exploitée ; souvent sur les feuilles d'examen nous somme qualifié de "remplaçant", ayant perdu toute identité. Mais si ce n'était que cela...

A la louche nous somme environ 10% des effectifs dans le second degré, soit dans les 15.000 ; employés précaires. Nous faisons passer les brevets des collèges, les bacs, les BTS ; comme nos "collègues" titulaires ; sauf, qu'arrivé fin juin, commence la galère.

Cette année depuis mars, les rectorats et pole emploi ne travaillent plus de concert ; un crane d'œuf parisien à rien trouvé de mieux, histoire de mieux fliquer ces fainéants de chômeurs d'ôter aux académies la responsabilité de s'occuper de la paperasserie du chômage, des attestations employeur et autres douceurs dont notre république a le secret. Si bien, que c'est maintenant le pauvre prof contractuel qui son année terminée, doit se taper le lien... Entre le marteau et l'enclume. Car comme d'hab., "c'est pas moi c'est lui", et on passe son temps en des dialogues de sourd avec les personnels du rectorats, qui comme cité ci dessus pleurnichent, et les gens de pole emploi prêt à mordre à la moindre remarque qui pourrait sembler critique... Rien n'avance, les indemnités de chômage en seront donc reculées ; et comment paye t on ses factures ? Qui s'en préoccupe ! Les gamins sont en vacances, les diplômes distribués, les parents sont au vert, et le prof contractuel qui a bien sué tous ces 10 derniers se passe des vacances de merde car il n'a pas une thune. Au mieux, un chômage fin aout, et des allocations indemnitaires fin septembre ; reste plus qu'à emprunter à la famille, aux amis ou rentrer dans la petite et moyenne délinquance.

Concernant Lyon on bat des record, car, c'est à croire que les soussous sortent de leurs poches ; pas étonnant, les pauvres qu'ils, qu'elles galérassent pour trouver des "cranes" à mettre devant les classes.

Dans les 6 autres académies on a un contrat jusqu'au 30 juin ; ici ca s'arrête le 14 dans les lycée (le 7 juillet en collège), pourtant il reste un peu de travail comme des surveillances, mais que nenni, pas question de t'octroyer un fifrelin de glandouille, faut presser le citron (la poire) et dehors sacripant ! Pas de congés payés, mais une "indemnité forfaitaire" (ya forfait dans le mot) qui consiste à donner royalement 10% sur le brut perçu des sommes de l'année. D'habitude en bossant 6 mois j'avais 1 mois complet soit 1426 euros en juillet ; là, ca me fera 770 euros ; ya pas de petite économies, de plus versés fin septembre, histoire que je passe des vacances bien pourave, normal, c'est un emploi précaire comme a dit la dadame !

En début d'année, j'étais dans un lycée pro, j'avais 5 heures supplémentaires, donc tout content, cela me faisait 600 euros de + par mois, mais encore "les enjoliveurs" oublient de dire qu'en septembre les heures sup ne sont pas payées (pourquoi ?), j'ai donc été refait de 600 euros. 

Des petites choses comme cela se comptent par dizaines, (des trop perçus) ; l'état est roi (sanguinaire), il écrase ces soutiers pourtant si utiles qui remplacent au pied levé les profs malades, en dépression ou en congés maternité. Une seule seconde, imaginez d'arriver un matin dans un établissement en cours d'année sans connaitre qui que ce fut ; de vous présenter devant une classe de 30 ados, et d'enseigner... Non ! vous n'y arrivez pas ! Moi si !

Combien de fois j'ai été traité de haut par des titulaires qui ne prennent pas la peine de répondre à mon matinal "bonjour, ça va ?"... Il y a des imbéciles partout je vous l'accorde, mais là, en cet univers, c'est d'autant moins pardonnable.

Et ne me parlez pas de ces 18 heures par semaine... Il faut toujours 2 à 3 heures sup pour améliorer le salaire de base : le même depuis 10 ans : 1426 euros net.

En fait, si je me réfère à mon poste en lycée à Lyon, je devais passer dans les 34 heures par semaines dans ses murs, car, avec des coupures de 3 heures entre deux cours et venir 5 jours par semaine (ailleurs et partout c'est 4 jours, sauf à Lyon), puis préparer chaque jour des leçons, puis corriger des contrôles, préparer des bac blanc de français, des bac blanc pour les terminales, des conseils de classe, entrer des appréciations par dizaines, parler et rencontrer des parents et des réunions pédagogique... Je suis un imbécile au mieux payé 6 euros de l'heure, sans compter le temps de transports, le prix du gasoil non remboursé. Un "plombier polonais" gagne beaucoup mieux sa vie que moi, sans avoir à aussi éduquer dans certains cas des enfants en perdition qui ne sont pas les miens.

J'ai passé à 50 ans un master en littérature américaine afin de réorienter ma carrière professionnelle ; riche d'ailleurs de 20 ans dans l'industrie cinématographique en Californie... Le résultat ? "Ne génère même pas le minimum de respect donné à un chihuahua en train de s'ébattre sur une couette".

Une dernière anecdote qui vaut son jus de cervelle : On me propose un poste de 5 jours par semaine à 50 km de Lyon.

Je me présente tout de même afin de voir si je peux organiser un covoiturage. Arrivé là bas, je tombe sur une dame bien désagréable qui se montre choquée d'entendre qu'en enseignant dans son merveilleux établissement ça me coutera en essence et péage 350 euros par mois, sans compter les 8 heures de conduite par semaine... Elle n'en revient pas, qu'un infime vermicelle de mon acabit ose rechigner. Elle me fait le coup du "et les enfants sans enseignant depuis 3 semaines vous en faites quoi ?"... Je suis reparti, sans une seule seconde me sentir coupable ; suis je un monstre qui refuse de débourser 350 euros par mois afin d'être exploité ? A vous de voir ; qu'en à moi c'est tout vu.

Zont une arrogance "ces gens là" incroyable !

 

Pour en terminer, je viens d'assigner une requête contre le rectorat de Lyon au tribunal administratif, car, j'attends et demande et redemande depuis 27 et 10 jours mes deux dernières attestation d'employeur qui me permettraient d'obtenir mes indemnités de chômage fin juillet ; et personne ne répond à mes mèl... Seulement cette dame qui larmoie au rectorat lorsque je téléphone, et cette autre dame qui aboie au pole emploi, et moi et moi, 500 millions de chinois, et moi, émois et moi !

 

Georges Zeter/Juin 2017

 



11 réactions


  • Decouz 30 juin 2017 12:10

    Les contrats 10 mois, une belle invention pour ne pas donner de congés payés.


  • Decouz 30 juin 2017 12:28

    Normalement vos heures sup (heures années) auraient du vous être payées, car elles devaient correspondre à une dotation pour l’établissement. Que sont devenues ces heures, payées à quelqu’un d’autre, perdues définitivement ? Vous devriez réclamer si cela figurait dans votre emploi du temps.
    Elles ne sont payées qu’à partir d’une certaine date, car elles doivent correspondre aux 36 semaines passées devant élèves, si elles étaient payées dès le début il faudrait de toute façon enlever les semaines de congé.
    A distinguer des heures supplémentaires ponctuelles, qui sont payées au coup pour coup.


  • Decouz 30 juin 2017 13:03

    L’établissement reçoit en début d’année un certain nombre d’HSA, heures supplémentaires-années, qui sont utilisées pour ajuster les différences entre les quotités horaires des professeurs et les besoins en heures de telle ou telle discipline, ça ne peut jamais tomber juste entre des emplois du temps à 18h ou 15 h fixes, et les besoins des différentes classes.
    Une fois qu’un prof a une ou plusieurs HSA, il les touche toute l’année...mais uniquement sur 36 semaines correspondant à la présence devant élèves...sauf que... dans certaines matières par exemple professionnelles, les élèves vont en stage et ne sont donc plus présents pendant plus ou moins longtemps...mais les heures sont toujours payées...que le professeur aille visiter ses stagiaires, comme il devrait le faire, ou non n’y change rien.
    Bref les HSA font partie du budget horaire de l’établissement ; en cours d’année, si toutes les HSA n’ont pas été affectées, le chef d’établissement peut demander leur transformation en HSE (heures ponctuelles) qui seront affectées à telle ou telle action.


  • alain_àààé 30 juin 2017 13:39

    je connais bien votre désapointement car j ai eu mon épouse qui est passée par la avant de devenir titulaire.c est un fait que les titulaires n aiment pas beaucoup les auxilliaires.quand au mutation ma femme n était informé que la veille de la rentrée ou elle devait travaillé sur l année scolaire.QUAND au salaire elle n était jamais payée a heure fixe ce qui posait des problémes avec 2 enfants.JE VOUS souhaite avec n bac+5 d étre titulaire cela ne devrait pas vous posez de probléme vu votre niveau étude et bonne chance


    • Dzan 1er juillet 2017 09:46

      @alain_àààé
      Elle vous a donné des cours, votre épouse ?
      « quand au mutation »
      QUANT AUX MUTATIONS


  • pipiou 30 juin 2017 14:23

    Alors je ne comprends pas pourquoi l’auteur a choisi avec conviction d’être vacataire et ne pourrait JAMAIS être fonctionnaire.

    Si il a fait ce choix c’est qu’il est satisfait de cette situation ?


    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 30 juin 2017 18:28

      @pipiou
      Et en plus, il pleurniche sur Agoravox en se plaignant des employées du Rectorat qui pleurnichent !!!


    • chantecler chantecler 1er juillet 2017 07:28

      @Jean J. MOUROT
      Pourtant ce qui est décrit est clair .
      Votre réflexion est assez dégueulasse .
      Il y a un mépris de beaucoup en ce moment sur agx qui tient de l’inhumanité ou d’une sorte de fascisme .
      Je suppose que vous êtes à l’abri de tout et que vous pouvez vous permettre de conchier ceux qui galèrent .
      J’espère au moins que vous vous sentiez mieux à défaut de fierté qui vous pousse à faire ce genre de réflexion .
      Oui, il y a trop souvent une fracture entre les administratifs , qui bossent dans des bureaux et qui ont perdu de vue que leur utilité n’est liée qu’à ceux qui font le travail de terrain .
      On retrouve les mêmes anomalies dans le secteur de la santé .
      Des gens qui sans vergogne font sauter des HS effectués par des gens qui assurent les soins par nécessité , dans des services surbookés , et qui n’ont pas d’autre choix que d’assurer un service , par réquisition , ou de laisser les malades sans soin abandonnés je ne sais où (dans les couloirs et sans contact aucun , car la priorité de plus pour l’administratif est d’avoir un dossier rempli , quitte à laisser un malade quasi comateux à son sort).
      Ceux qui pensent que libéralisme et bureaucratie sont antinomiques ont tort : la priorité est la gestion du fric et j’ajoute la jouissance de certains petits privilégiés qui consiste à mépriser , à écraser , ceux qui ne font pas partie de leur monde de petit bureaucrate.
      Ca , c’est à la base .
      Mais au fur et à mesure que l’on remonte c’est pas mieux .
      La violence est là .


    • Dzan 1er juillet 2017 09:51

      @chantecler

      + 1000
      Dans la boîte où j’ai fait carrière (privé) les gens des bureaux, se croyaient à l’abri de tout.
      Puis, après avoir purgé les ateliers, la direction s’en est prise à eux. Etonnamment, ceux des ateliers, n’étaient pas là pour les défendre.


  • babelouest babelouest 1er juillet 2017 03:54

    Salut Georges : alors tu n’es plus dans la brousse ? Au fait, maintenant j’ai quatre petits-enfants.


  • Rincevent Rincevent 1er juillet 2017 14:09

    Comme je le sais, précaire suis-je oh combien ! En même temps j’ai fait ce choix, car JAMAIS au grand Jamais je ne voudrais devenir un de ces fonctionnaires qu’on envoi au diable vauvert et sans discuter. L’auteur a fait un choix.

    Tout est là. Sa précarité, à l’origine de tous ses maux, lui a permis d’éviter d’être envoyé, en premier poste, pour plusieurs années en banlieue parisienne et c’était bien le but. J’ai une parente qui a suivi le cursus classique. Depuis son Sud-Ouest natal, elle s’est retrouvée d’abord dans la Somme puis en banlieue parisienne, avec entre autre, des temps de transport allant jusqu’à 3 heures par jour. Au bout d’une dizaine d’années de ce régime, elle a pu revenir pas trop loin de son origine. Pendant tout ce temps son compagnon l’a suivi en s’adaptant.

    Tout ça pour dire qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Il faut assumer ses choix sans les faire porter par d’autres.


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