lundi 14 janvier 2019 - par Robin la capuche

Une fois tous les cinq ans : du bon usage par l’oligarchie de la démocratie et de la concurrence par intermittence

Le journaliste : " Vous êtes pour une 6eme République ?" Etienne Chouard "Non, je suis pour une première Démocratie" (Sud Radio, 30/12/2018)

"Quand les entreprises s’en foutent plein les poches et écrasent les gens pour avoir plus, il y a quelque chose qui ne va pas." Muriel Robin ( Midi Libre 02/01/2019)

 

On aurait pu croire qu'avec la crise des gilets jaunes, les journalistes allaient abandonner mocassins et escarpins, et chausser bottes et sabots de jardin pour aller enquêter sur les divers sujets de mécontentement qui fâchent ce peuple qui habite la campagne sans vivre de la terre. Pour une fois qu'une jacquerie ne se termine pas par des défilés de gros tracteurs en centre-ville, ou en épandage de fumier devant les grilles des préfectures. Car voilà un scandale 100% gilets jaunes, celui du prix du gaz de chauffage en citerne, qui ne concerne que les populations non-agricoles des territoires ruraux. Un scandale 100% français qui pue le gaz et l'injustice à plein nez, une belle arnaque montée de toutes pièces par les multinationales du GPL (dont ENGIE vient de rejoindre le syndicat professionnel et s'apprête à imiter les méthodes de vente). Bref un sujet parfaitement dans l'air du temps qui donnerait l'occasion à quelques journalistes même modérément curieux, de s'interroger sur la raison d'être des inégalités territoriales en matière de prix du chauffage domestique.

Résultat : pas une seule ligne dans les journaux sur l'absence de volonté de l'administration pour imposer un contrôle ou, a minima, la transparence des prix du propane, alors même que le gouvernement vient d'annoncer coup sur coup la taxation du propane à la TICPE (il en était exempté jusqu'en 2018) et la fin des chaudières fuel durant la prochaine décennie. Cette dernière mesure forcera des centaines de milliers de foyers ruraux ne pouvant s'offrir le coût prohibitif d'un raccordement au gaz de ville, à devoir convertir leur installation de chauffage au gaz de citerne (remplacement du réservoir et de la chaudière), ou à engager des investissements très importants (minimum 12 000€) dans une pompe à chaleur.

Pas une ligne non plus dans la presse sur les pratiques commerciales des revendeurs de gaz en citerne dont la  tarification ultra inégalitaire cible les plus faibles (les locataires en milieu rural) c'est à dire les moins informés, en leur faisant payer leur gaz de chauffage à des prix variant de 1000 € à 2500 € la tonne dans le même village et pour un même fournisseur,.

N’ayons pas peur des mots. Les consommateurs français de propane (500 000 familles rurales) connaissent la pire situation en Europe du point de vue des pratiques commerciales des propaniers. . Et personne, dans les hautes sphères parisiennes et bruxelloises, n’a jamais daigné s’insurger contre le sort qui leur est fait par l’oligopole français du propane : inégalité tarifaire faramineuse, opacité des prix, absence de contrôle des pratiques tarifaires par l'Etat, impossibilité de faire jouer la concurrence... Nous sommes les laissés pour compte des règlements européens censés favoriser la transparence et la concurrence des acteurs économiques. Nos compatriotes n’ont le choix qu’entre 4 distributeurs nationaux. Ils ne bénéficient ni d’un régime de prix contrôlé ou encadré par les pouvoirs publics comme en Belgique ou au Luxembourg, en Espagne et en Italie, ni d’une concurrence assainie par les autorités publiques compétentes comme au Royaume Uni, en Autriche et en Allemagne, ni de la vivacité de la concurrence entre distributeurs locaux en Pologne. Les prix du gaz en citerne en France sont les plus élevés d'Europe et nous sommes démunis devant le lobby du GPL, sans système d'encadrement des variations de prix et sans moyens de faire jouer la concurrence, sinon à la fin des contrats....... une fois tous les 5 ans.

Une fois tous les cinq ans, dites-vous ? Ca ne vous rappelle rien ? Ne voyez-vous pas quelque parallèle entre une aliénation politique résultant d'institutions démocratiques défaillantes, et notre aliénation économique organisée par le lobby du GPL ? Un parallèle entre une pseudo « démocratie » par intermittence où le peuple ne peut révoquer mauvais menteurs et boni-menteurs qu’à la fin du quinquennat, et ce pseudo marché du gaz de chauffage en citerne où le consommateur n’est autorisé à tirer les conséquences de l'escroquerie dont il a été victime qu’une fois tous les 5 ans, sauf à devoir s’acquitter lui-même des frais de retrait de la citerne du fournisseur indélicat ? Comme si c’était au consommateur de dédommager son fournisseur des frais de l'arnaque qu'il a monté à ses dépens ! Comme si c'était au consommateur de payer le prix de l'inaction de ses élites ! Comme si ce même consommateur avait les moyens d’anticiper, au moment de signer son contrat, le comportement des algorithmes qui amplifient les variations des cours à la hausse et minorent les variations à la baisse dans les tarifs de vente des propaniers ! Foutaises et foutages de gueule.

Ainsi nous errons dans un monde où politiciens et haut fonctionnaires se rengorgent en permanence de songes creux, de mots vidés de leur sens par des pratiques contraires aux principes qui les ont établies  : liberté, démocratie, concurrence.... Un monde où la pensée critique sérieuse a depuis longtemps déserté les médias dominants (**). Un seul exemple : quel média d'importance s’est jamais fait le moindre écho du scandale que nous dénonçons depuis 6 ans sur notre site ? Pas un seul.

Si donc le consommateur-électeur ne dispose pas d’informations pertinentes pour distinguer le vrai du faux, la baudruche du véritable homme d’Etat, le propanier escroc du propanier réglo, aux rares moments où il est appelé à exercer sa faculté de choisir, comment les choses pourraient-elles un jour s’améliorer ? Car c’est l’électeur-consommateur qui supporte in fine les conséquences sonnantes et trébuchantes de choix politiques et économiques abusivement détournés de la recherche du bien commun.

Etre titulaire de droits par intermittence. Voilà une des caractéristiques du système que ces élites qui prétendent diriger nos vies, à défaut de pourvoir entraver nos consciences, entendent mettre en œuvre : un système où nous ne sommes autorisés à leur demander des comptes qu'une fois de temps en temps, lorsque le mal a déjà été fait. Au hasard : lorsque les autoroutes et les aéroports ont été privatisés à vil prix ou lorsque les factures astronomiques de propane ont été encaissées. Et qu’il est très compliqué voire impossible de revenir sur le passé.

Oui, nous sommes dans LEUR système de merde, mais nous n’y sommes plongés à notre corps défendant, que dans une temporalité de court terme, celle d'un capitalisme aveugle incapable de se donner à lui-même ses propres limites. Nous sommes dans la merde où les propaniers nous ont mis, et d’où nos hauts fonctionnaires n’ont aucune envie de nous extirper par peur de se salir les mains et d’hypothéquer leur carrière. Nous sommes dans la merde et nos factures de propane, dont le prix unitaire varie au gré des circonstances, sont estampillées du sceau de la honte : le sceau d’une variété crapuleuse de capitalisme anglo-saxon allié, pour l’occasion, à l’inertie d’un corporatisme d’Etat sclérosant. Nous sommes dans la merde mais nous portons des habits aux couleurs de lumière. Nous sommes les gilets jaunes d’hier et d’aujourd’hui. Et nous serons les gilets jaunes de demain, bottant les fesses des multinationales et de tous ceux qui, dans les strates du pouvoir, collaborent de manière active ou passive à leur sale entreprise de domination.

Alors que notre pays compte les premiers blessés et pleure les premiers morts d’une insurrection qui n’en finit pas de venir (morts, je le rappelle, d’avoir osé dénoncer le simulacre de démocratie qu’est devenue notre République), il me vient à l’esprit que le tout premier gilet jaune de l’histoire n’a pas eu l’honneur de pouvoir se revendiquer comme tel. Et pour cause : l’expression « gilet jaune » n’existait pas encore (*). Comme de nombreux autres gilets jaunes officiellement déclarés depuis, ce jeune pionnier de la « jaunitude » bretonnante est originaire des Côtes d’Armor. C’est en giflant le Premier Ministre Manuel Valls lors d’un déplacement en Bretagne en janvier 2017, que ce jeunot de 18 ans se rendit célèbre en France et à l’étranger. Le lendemain de la gifle, un auditeur tint les propos suivants au Premier Ministre invité à se faire consoler en direct sur les ondes de France Inter :

"C’était pour te dire Manu… Je sais pas si tu trouves ça normal ou pas mais la claque on est juste 66 millions à vouloir te la mettre, c’était juste trop bon ! Sans déconner quoi, il a été parfait le bonhomme !"

Immédiatement interrompu par le maître des ondes Patrick Cohen : "Alors cet appel à la violence sur l'antenne de France inter, c'est non !"

Avec le recul et malgré les récriminations du pauvre Cohen, il semblerait bien que l’appel de cet auditeur à corriger le Manu en question ait été entendu par la foule du public de France Inter, et même largement au-delà du cercle habituel de cette radio d'Etat. Sauf que ce n'était plus le même Manu : Manu la barbichette, le Manu de l'ancien monde étant parti soigner sa joue sous le soleil de la Catalogne, Amazon nous a livré en échange un Manu du nouveau monde, un Manu frétillant, sans poil et sans reproche, Manu le glabre, Manu numéro deux.

De sorte que suite à la crise des gilets jaunes, certains commentateurs politiques soucieux de sauver le soldat Manu n°2 (faute d'un troisième disponible) se posent aujourd'hui la question de savoir si les dizaines de millions de français qui se sont réveillés le 17 novembre dernier, ne se sont pas au fond trompés de tête de turc : les gilets jaunes n'ont-ils pas voulu gifler Manu I, sa fameuse loi Travail et son 49.3, en appelant à la démission de Manu II ? Il y a quelques raisons de le penser en effet. Mais cette question importe-t-elle vraiment au regard de l’histoire ? Peu nous chaut que le pouvoir ait entre temps changé de mains en France, puisque le véritable pouvoir est à Bruxelles, comme chacun sait. On peut donc gifler nos menus politiciens les uns après les autres, et même nos Manus politiciens, sans crainte de trop se tromper.

Allez, je vous quitte avant que la gendarmerie de Rambouillet ne vienne me chercher pour incitation à la commission d'un délit sur la personne du président ou autre chargée d'une mission de service public. Pour un ex fonctionnaire, ça la foutrait mal. Bah. Ca ne fera jamais que ma deuxième garde à vue. La première, j'avais le même âge que Nolan, le gifleur de Valls. On a le sang chaud à cet âge là.

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(*) La première association à porter le nom " Les Gilets Jaunes" est une association de parents d'élèves de l'Essonne manifestant contre les rythmes scolaires en 2014. Les photos de la presse de l'époque ( voir lien ci-dessus) prouvent que les parents portaient déjà la fameuse tunique jaune....



2 réactions


  • Attila Attila 14 janvier 2019 18:11

    L’arnaque des fournisseurs de gaz en citerne est de fournir également la citerne. Donc, les clients sont captifs une fois la citerne installée et le fournisseur impose ses tarifs. En effet, un fournisseur de gaz ne remplira pas une citerne du concurrent, donc, pour faire jouer la concurrence vous êtes obligé de changer la citerne à un coût prohibitif : aucun intérêt.

    La seule solution est d’être propriétaire de sa citerne.

    Le hic est que le plombier ne peut pas vous installer une citerne, il n’y a pas de grossiste. Toutes les citernes sont achetées au fabricant par les fournisseurs de gaz.

    La solution : se grouper pour commander un lot d’au minimum 10 citernes identiques directement au fabricant.

    .


  • Sergio Sergio 14 janvier 2019 18:13

    « Vous êtes pour une 6eme République ? » 

    Non, je suis pour la raie publique du septième ciel !


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