lundi 17 octobre 2016 - par Armelle Barguillet Hauteloire

Une jeunesse à l’ombre de la lumière de Jean-Marie Rouart

 Une jeunesse sous le signe d’un profond mal-être : c'est le roman autobiographique d'un jeune homme pauvre dans une famille riche, allergique à la peinture et vivant au milieu des tableaux de Manet, de Berthe Morisot, de Degas qui forment son cadre journalier. Malheureux et sombre, errant parmi les souvenirs de ces peintres de la lumière, cultivant une névrose d'échec face à des artistes statufiés par la gloire, il se sent menacé par « l'aile noire de la folie ». Cette mélancolie le jette dans les bras des psychanalystes qui voient en lui un gibier de choix. Échec amoureux, social, scolaire, tentation du suicide, Jean-Marie Rouart nous livre son inappétence au bonheur. Il nous la fait même partager sans en omettre un seul détail. Les filles, la drogue, tout y passe de ce garçon pourtant gâté par les dieux : beau, d’une famille célèbre, adoré par sa mère, mais dont le père n’a pas su ou pu conserver le train de vie de ses prédécesseurs.

C'est à travers la figure et le parcours d'un peintre du début du XIXe siècle, Léopold Robert, mélancolique, suicidaire, amoureux d'une princesse Bonaparte qui se moque de lui et en qui Jean-Marie Rouart a reconnu son double, que l'écrivain nous entraîne dans ses quêtes imaginaires et ses voyages pour tenter de se délivrer de ses démons. S'interrogeant sur le mystère d'une destinée qui le conduit au naufrage, il brosse une fresque de la grande famille de l'impressionnisme qui compose son prestigieux arbre généalogique. Ses vagabondages ne sont-ils pas une façon d’échapper à soi-même ? Ainsi visitons-nous Noirmoutier, Venise, Samos, Ibiza ; l’auteur semble aimer les îles - ces terres qui sont comme des sanctuaires secrets – et, en sa compagnie, nous cherchons dans ce récit un peu brouillon, les clés perdues de sa vie sentimentale et le chemin de son labyrinthe intérieur, cet inconscient qui le harcèle et lui mène la vie dure mais l’ouvre aussi aux méditations profondes.  Incontestablement, le livre est empli d’un charme particulier. Il est semé de détours qui nous ramènent à l’essentiel. L’élégance de l’écriture rend ce pèlerinage intérieur attractif, même si cette souffrance semble entretenue avec une indéniable complaisance. Le lecteur se trouve plongé ainsi dans les affres d’un écrivain romantique qui gratte ses plaies avec coquetterie. Il y a dans le livre de Jean-Marie Rouart cette coquetterie littéraire trahissant, en maints passages, un égotisme qui prête à sourire. Mais l’auteur a une façon séduisante d’évoquer les lieux, les paysages, les parfums, les chagrins, ce, d'une plume délicate qui touche juste. Voilà un enchanteur qui, certes, parle trop de lui-même mais en parle bien, ménage habilement ses effets et vous embarque dans ses délires et ses excès avec des mots envoûtants.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE




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