Union des patriotes
La lettre envoyée par les partis politiques Debout la France, Union Populaire Républicaine et Les Patriotes est une heureuse tentative. Autant sur le fond que sur la forme. Mais je voudrais m'attarder ici sur la forme, soit la réunion de ces trois partis politiques. Petits par leur surface médiatique et, concomitamment, par leurs résultats électoraux, mais grands par leur intérêt nous concernant, à savoir leur orientation patriote.
Je propose que cette union de circonstance soit pérennisée dans un mouvement dont l'objectif serait de présenter des candidats aux suffrages sous sa bannière et que l'on pourrait appeler : L'Union, le Rassemblement ou l'Assemblée Des Patriotes. L'Union étant déjà déposée par des proches du Front National. Si l'on regarde la popote électoraliste de ces vingt dernières années, on constate que les patriotes ont gagné le seul referendum, celui de 2005, contre les globalistes. Et que sur les quatre dernières élections présidentielles, les patriotes ont réussi par deux fois à placer un candidat au second tour, les Le Pen père et fille. Le problème du FN est qu'il est une véritable machine à perdre pour les patriotes. Son plafond de verre apparaissant toujours comme un obstacle infranchissable sous les projecteurs médiatiques de l'entre-deux-tours. Cette accusation de racisme qu'elle soit réelle, exagérée ou imaginaire suffit à détourner une majorité d'électeurs du candidat se réclamant du patriotisme. Ainsi, quand un candidat patriote est présent au second tour, le candidat globaliste ne l'emporte pas sur un vote d'adhésion mais sur un vote de rejet du candidat patriote. Or, quand cette question de racisme ne fait pas partie du débat, comme pour le référendum de 2005, c'est le camp patriote qui l'emporte. D'un point de vue électoraliste tout du moins. Il est par conséquent tout à fait judicieux de vouloir reformer un pôle patriote qui puisse résister à cette accusation de racisme. Le patriotisme n'est pas un racisme et son slogan, pour en paraphraser un autre, pourrait être : « Patriotes de tous les pays, unissez-vous ! »
Le patriote ne vise pas à la monoculture de pommes de terre. S'il défend sa culture c'est parce qu'elle contribue à la richesse du monde. Et que cette richesse, comme dans le cas de la biodiversité, est le meilleur gage de survie. Il ne défend pas sa culture parce qu'il pense que c'est la meilleure, mais parce que c'est celle qu'il a reçue et qu'il a pu faire sienne. La défense de sa culture est le reflet du respect et de la considération qu'il porte aux autres cultures. Par bien des aspects, c'est le globaliste qui est un raciste parce qu'il nie ces différences. Tout occupé à sa chimère d'un homme universel qui entrerait dans un moule comme on entre dans un sarcophage. S'il n'y avait pas d'alternatives (TINA), alors il n'y aurait qu'une culture. Cette proposition dont l’énoncé semble grotesque établit une confusion entre la notion d'idée et de culture. Une idée peut-être universelle, elle est comme une graine que l'on peut transporter dans le creux de sa main d'un endroit à un autre. La culture est le ressort principal de l'identité. Un homme sans identité cela n'existe pas, ou alors c'est un fantôme. Or que serait une identité sans culture ? Un matricule ou un code-barre ?
Si l'on comprend l'importance d'un mouvement patriote, on doit comprendre la nécessité de s'extraire de cette cellule capitonnée et de son plafond de verre. Mais récuser toute accusation de racisme ne signifie pas être muet sur la question migratoire. Cette question est, électoralement parlant, le principal facteur de division entre patriotes se considérant de droite ou de gauche. Elle n'était pas taboue à l'époque du PCF de Georges Marchais où ces politiques migratoires étaient bien analysées comme une pression du capital sur le travail. Mais depuis que la gauche a abandonné la critique du capital, il lui est impossible de penser la question migratoire sur un mode rationnel. Pour que les patriotes de gauche et de droite puissent électoralement se réunir, et ainsi espérer l'emporter, les deux parties doivent dépasser leur tabou respectif. A savoir une critique raisonnée de l'immigration à gauche et une critique raisonnée du capital à droite. Et pour ces derniers, constater que le libéralisme économique qui aboutit à cette gouvernance des corporations globales n'a pas grand chose à voir avec le libéralisme politique. C'est le moins que l'on puisse dire. Constatons que l'affaire n'est pas mince. Le CNR en fut capable.
D'un point de vue politique, la surface médiatique est aujourd’hui le facteur déterminant. La séparation ou plutôt l'organisation des pouvoirs de Charles de Montesquieu à fait long feu.
L'organisation des pouvoirs de l'ordre libéral, où le politique constituait encore la base de réflexion de cette tripartition, a été remplacée par la tripartition de l'ordre néolibéral dont l'économique constitue la base de réflexion. Le politique n'est plus qu'un moment de cette tripartition, renommée gestion sociale ou gouvernance. En d'autres termes, si la réflexion de Montesquieu avait pour but de préserver ou d'instaurer la liberté des personnes au sens politique, la tripartition néolibérale a pour but de préserver la liberté des personnes morales au sens économique. Dans cette répartition des pouvoirs, l'ancienne tripartition existe toujours mais est confinée dans le pôle gestion sociale - gouvernance et est devenue symbolique, puisque n'incarnant plus la réelle répartition des pouvoirs. Dans cet environnement, les médias ont pour but de faire appliquer la loi des marchés, le politique n’étant que l’exécutant. La personne physique n’étant plus l'objet autour duquel s'organise la société, la démocratie n'est, elle aussi, qu'un moment symbolique de la gouvernance. Tout candidat patriote à des élections, parce qu'il veut redonner voix au chapitre aux personnes physiques, le fait malgré la doxa médiatique qui lui est contraire. Si l'économique est bien le règne de la quantité alors, les corporations globales font peser la balance dans le sens de leurs intérêts ; et le candidat patriote, parce qu'il défend les personnes physiques, se trouve aussi en opposition avec la loi des marchés.
Et c'est bien là toute la difficulté. Mais il est encore possible de subvertir pacifiquement le fonctionnement néolibéral de par la charge symbolique accordée aux élections présidentielles qui lui confère toute leur légitimité. Les candidats doivent d'abord avoir accès aux médias s'ils veulent exister politiquement. Ce n'est plus une question de mérite individuel mais une question de surface médiatique. Ainsi, une Assemblée Des Patriotes, même sortie de son confinement raciste dans lequel le maintien le FN, aurait une surface médiatique insuffisante si elle ne se basait que sur ces trois partis, d'origine droitière pour les médias, puisque cette tendance est déjà phagocytée par le FN. Il y a nécessité à inclure dans ce mouvement des figures médiatiques plutôt marquées à gauche. On pense à République Souveraine de Georges Kuzmanovic et à un porte parole des gilets jaunes comme François Boulo. Liste non exhaustive. Front Populaire de Michel Onfray et Stéphane Simon pourrait être un peu plus qu'une revue et être le think tank populaire de ce mouvement patriote. A l'image des think tanks néolibéraux présents dans tous les réseaux de pouvoir (les traits sur le schéma ci-dessus). Son rôle serait de promouvoir les thèmes et la rhétorique des patriotes et de déceler les faiblesses et les contradictions du discours néolibéral. Il concourait à l’édification d'un programme pour la libération de la patrie, successeur de celui du CNR, qui commencerait d'abord par signifier que le populisme est synonyme de patriotisme et qu'il ne peut exister de démocratie que dans ce cadre. Il chercherait à accroitre la surface médiatique des patriotes et à les préparer aux pièges sophistiques des joutes médiatiques.
Même si un mouvement patriote transpartisan ne décroche pas la timbale immédiatement, on pourrait considérer que l'instauration d'une dichotomie patriotes vs globalistes, qui deviendrait déterminante au sein du paysage politique, serait une réussite. Si l'on veut l'emporter, encore faut-il que les termes du débat soient correctement posés pour les électeurs. C'est à dire ramener à leur plus claire expression.