Votez pour le 10ème art !
Le cinéma est le 7ème art. Le 8ème les arts médiatiques (radio, télé, photographie). Le 9ème la BD. Mais le 10ème art ? Selon Wikipédia, « il n’y a pas de consensus sur la désignation d’un 10e art actuellement, cependant, diverses activités artistiques ou ludiques sont revendiquées avec ce titre, dont notamment les arts numériques, le jeu de rôle, le jeu vidéo, le modélisme (et par extension, ce qui tourne autour du maquettisme), l’art culinaire et la gastronomie, le graphisme ou arts graphiques, la calligraphie, la parfumerie, l'humour, l'origami etc. ».
Après, il y aurait selon certains des arts mineurs : la chanson disait Gainsbourg… Il n’y a pas d’arts mineurs ! Le dernier est égal au premier ! L’art relève de la relation entre le créateur et le spectateur ; il échappe à l’évaluation : l’art n’a pas de prix, de même l’art échappe aux catégories binaires majeur/mineur ! L’art est un bien public ! Donc la chanson est un art, la coiffure est un art, le jardin est un art… Même si tous les chanteurs ne sont pas des artistes !
L'article suivant plaide pour la désignation de l'hôtellerie comme 10ème art. Il témoigne de mon expérience autobiographique dans l'hôtel La Renaissance situé à Argentan, dans le département de l'Orne, en Normandie.
Citoyens d'Agoravox faites part vous aussi de vos expériences ! Votez pour le 10ème art ! Choisissez sa Palme d'or !
La Renaissance
« c’est ici une province de l’âme »
Julien Gracq
Souvenir originel : la salle du restaurant, ombreuse, pourtant un soir d’été, déserte (un client en discussion avec l’hôtelier - un banquier), calme, moins impressionnante qu’elle n’est maintenant pour moi.
Une première rencontre qui ne laisse que cette impression.
Les rencontres ultérieures me feront découvrir les éléments qui concourent à mon bien-être (les thuyas qui entourent la salle du restaurant et l’assombrissent…), dans les chambres aussi bien (l’odeur des chambres…), les escaliers aux murs tapissés, qui réconfortent et apaisent.
Plus tard aussi cet hôtel me donnera à penser : la théorie des cinq sens dans le restaurant, la vraie nature de l’accueil : une âme, l’hôtel-île.
La table au fond à droite du restaurant, celle des hôtes du pays, sous les derniers rayons du soleil, leur arrivée en petite file, le parfum des femmes.
Mes pensées me conduisent vers le même point : le chien, sorte de divinité, génie du lieu, l’accueil, rencontre d’une âme, une présence manifeste dans tout l’hôtel, une attente qu’elle inspire…
L’hôtel-île : une impression, un soir d’été, me tournant vers l’entrée, la porte ouverte, le bruit de la circulation. Il ne bénéficie d’aucune rente de situation (j’ai ignoré un certain temps la ville elle-même - Argentan - ce fut presque par devoir que je suis allé la découvrir), son charme s’étend à ce qui l’entoure. C’est avec le temps que j’ai appris à aimer tout cela : le train d’Alençon, les prairies, les camions sur la route au loin ; à découvrir d’autres signes du lieu ; le plus récent, les tourterelles sur le portique…
« art j’entends »
L’art de l’hôtellerie : plus que le goût, animer un lieu, un microcosme, réel et imaginaire autant qu’un roman, avec en plus la contrainte que les personnages ne sont pas tous choisis ! Il y faut les qualités du créateur, du démiurge pour composer le lieu, la sûreté de soi, l’Autorité sur les personnages.
Un art particulier puisque le spectateur fait partie du tableau, de la scène ! Il est acteur, se laisse « diriger », spectateur (consommateur, contemplateur), critique d’art et créateur lui-même (ce monde lui appartient, dans son souvenir : le personnage de Turenne, pour moi, sur un plat d’orfèvrerie) et théoricien de cet art inconnu…
Il y faut une affinité entre le créateur et le spectateur, la relation, l’admiration, relation plus réelle, présente que dans les autres arts ; et pourtant je la vis sur le même mode, imaginaire, que celle avec mon auteur ou mon peintre préféré. Aspect sensible et idéal comme pour les autres arts…
Et le créateur est lui-même auteur, et spectateur, et peut-être théoricien…
L’idée de l’hôtel
Il ne s’agit pas d’un concept, objet d’échange ; mais d’une idée, réalité suprasensible, qui échappe à l’hôte comme à l’invité. Il s’agit en fait du travail de déchiffrement, du « rêve éveillé »…
Les jeux du soleil, un soir d’été. Ils révèlent que l’hôtel est un monde végétal dont ils changent l’atmosphère par une sorte de photosynthèse. Cette essence végétale est le secret et la rareté de cet hôtel.
Insulaire, végétal et tout entier né d‘une âme, jusque dans ces « instants » : la semaine dernière le reflet liquide, étincelant du soleil sur le bord du meuble-dressoir central ; hier, tout contre une gerbe de glaïeuls roses au centre, un soleil plus pâle, pour quelques secondes avant qu’il ne disparaisse sous l’horizon…