Des nouvelles de l’usine à gaz
La décision du Conseil constitutionnel, relative au projet de loi voté par l’Assemblée nationale sur le secteur de l’énergie, ne se contente pas de renvoyer au 1er juillet 2007 la privatisation de GDF. Elle fait également disparaître l’obligation de « tarif réglementé », tout en conservant le retour au « tarif transitoire ». Conclusion : à partir du 1er juillet 2007, que la privatisation de GDF se réalise ou pas, préparez-vous à de sévères augmentations.
Cette décision repousse au 1er juillet 2007 la privatisation de GDF, car c’est à cette date que GDF perd sa qualité de service public :
26. (...) ce n’est qu’au 1er juillet
2007 que Gaz de France perdra sa qualité de service public
national ; dès lors, le transfert effectif au secteur
privé de cette entreprise ne pourra prendre effet avant cette
date.
C’est en effet seulement à cette date que prend effet la directive abolissant tout monopole de vente d’énergie, aux industriels et aux particuliers :
12. (...) son transfert au secteur privé ne saurait en tout état de cause intervenir avant le 1er juillet 2007, date de l’ouverture à la concurrence du marché de la fourniture de gaz naturel aux clients domestiques.
Mais les prix, dans tout ça ? A l’heure actuelle, les particuliers payent un "tarif réglementé". Le Conseil constate que ce prix fixé par l’Etat n’est pas un service public défini, et que l’obligation de le proposer est contraire aux directives européennes transposées :
9. Considérant que les
dispositions de l’article 17 de la loi déférée
concernent les tarifs réglementés (...) qu’elles ne se
bornent pas à appliquer les tarifs réglementés
aux contrats en cours mais imposent aux opérateurs historiques
du secteur de l’énergie, et à eux seuls, des
obligations tarifaires permanentes, générales et
étrangères à la poursuite d’objectifs de service
public ; qu’il s’ensuit qu’elles méconnaissent manifestement
l’objectif d’ouverture des marchés concurrentiels de
l’électricité et du gaz naturel fixé par les
directives précitées, que le titre premier de la loi
déférée a pour objet de transposer ; qu’il y a
lieu, dès lors, de déclarer contraires à
l’article 88-1 de la Constitution les II et III des nouveaux articles
66 et 66-1 de la loi du 13 juillet 2005 susvisée, ainsi que,
par voie de conséquence, les mots « non domestique »
figurant dans leur I concernant les contrats en cours...
Les articles annulés du projet de loi stipulaient ceci :
I. - L’article 66 de la loi n° 2005-781 (...) est ainsi rédigé :
« Art. 66.
« II. - Un consommateur final domestique d’électricité ou de gaz naturel bénéficie, pour un site, des tarifs réglementés de vente d’électricité ou de gaz naturel s’il n’a pas lui-même fait usage pour ce site de la faculté prévue (d’y renoncer) (...).
I bis (nouveau). - Après l’article 66 de la loi n° 2005-781 de la même loi, il est inséré un article 66-1 ainsi rédigé :
« Art. 66-1. - Pour les nouveaux sites de consommation (...) les organismes en charge de la mission définie (...) sont tenus de proposer une fourniture d’électricité à un tarif réglementé de vente (...).
« Pour les nouveaux sites de consommation (...) Gaz de France et les distributeurs mentionnés (...) sont tenus de proposer une fourniture de gaz naturel à un tarif réglementé de vente (...).
Imposer à GDF privatisé un tarif réglementé est contraire à la directive européenne. Cela paraît logique : dans un marché, ce n’est pas l’Etat qui fixe les prix. Il peut subventionner des tarifs sociaux, mais à tous les opérateurs, ce qui est d’ailleurs prévu dans le projet de loi.
La conclusion en est qu’en vertu des directives transposées, les tarifs réglementés disparaissent au 1er juillet 2007, au moins pour tout nouvel abonnement domestique, qui se retrouvera donc sur le "marché libre".
Mais ces nouveaux abonnés ne pourront-ils pas souscrire au tarif "réglementé transitoire", dont je parlais dans un article précédent ? Hélas pour eux, ccelui-ci ne s’applique qu’à ceux qui ont déjà choisi le "marché", c’est-à-dire les industriels.
Mais pourquoi ce tarif "transitoire"
n’a-t-il pas été sanctionné lui aussi, alors
qu’il s’applique également à de nouveaux contrats ?
Parce que ces contrats sont limités à deux ans. Au bout
de deux ans, tout le monde à l’eau ! En théorie. Les particuliers n’auront pas cette sauvegarde.
Cette décision est limpide : privatisation ou pas, l’Etat ne pourra plus fixer les tarifs ni du gaz, ni de l’électricité. Ils viendront dès l’an prochain du seul "marché". Que les libéraux se réjouissent, nous allons pouvoir constater de visu si le marché de l’énergie a un sens. C’est-à-dire, à mon avis, voir si l’on peut faire mieux qu’Enron. J’espère en tout cas que la grande inspiratrice de cette libéralisation, Mme de Palacio, qui est maintenant administratrice de BNP Paribas, un des principaux actionnaires de Suez, en sera satisfaite.