Commentaire de Christophe BEAUDOUIN
sur A la veille du sommet de Bruxelles : l'Europe que les peuples espèrent


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Christophe Beaudouin Christophe BEAUDOUIN 21 juin 2007 11:44

C’est ça, traitez les 15,5 millions de nonistes et autres partisans de l’Europe des nations d’horribles imbéciles arriérés, de fachistes et de tout ce que vous voulez. Vous serez bien avancé. Souffrez, cher Monsieur, qu’entre deux Europe, certains préfèrent celle de de Gaulle à celle de Monnet. Et sans insulter personne, nous. Quant à Villiers, souffrez qu’en adversaire des socialistes, il ait choisi Sarkozy plutôt que Royal (qui avoue aujourd’hui qu’elle a raconté pas mal de bêtises pendant sa campagne). Relisez nos propositions pour changer d’Europe, elles sont bien plus européennes que celles de tous les fédéralistes réunis. Et relisez cet extrait des Mémoires d’Espoir (1970) où de Gaulle entrevoyait ce que les prétendus « européens » étaient en train de faire :

"Ainsi commencée, la mise en œuvre du Marché commun va donner lieu à un vaste déploiement d’activités, non seulement techniques, mais aussi diplomatiques.

En effet, l’opération, indépendamment de sa très grande portée économique, se trouve enveloppée d’intentions politiques caractérisées et qui tendent à empêcher la France de disposer d’elle-même.

C’est pourquoi, tandis que la Communauté se bâtira dans les faits, je serai, à plusieurs reprises, amené à intervenir pour repousser les menaces qui pèsent sur notre cause.

La première tient à l’équivoque originelle de l’institution.

Celle-ci vise-t-elle - ce qui serait déjà beaucoup ! - à l’harmonisation des intérêts pratiques des six Etats, à leur solidarité économique vis-à-vis de l’extérieur et, si possible, à leur concertation dans l’action internationale ?

Ou bien est-elle destinée à réaliser la fusion totale de leurs économies et de leurs politiques respectives afin qu’ils disparaissent en une entité unique ayant son Gouvernement, son Parlement, ses lois, et qui régira à tous égards ses sujets d’origine française, allemande, italienne, hollandaise, belge ou luxembourgeoise, devenus des concitoyens au sein de la patrie artificielle qu’aura enfantée la cervelle des technocrates ?

Il va de soi que, faute de goût pour les chimères, je fais mienne la première conception .

Mais la seconde porte tous les espoirs et toutes les illusions de l’école supranationale.

Pour ces champions de l’intégration, l’ « exécutif » européen existe déjà bel et bien : c’est la Commission de la Communauté économique, formée, il est vrai, de personnalités désignées par les six Etats, mais qui, cela fait, ne dépend d’eux à aucun égard.

A entendre le chœur de ceux qui veulent que l’Europe soit une fédération, quoique sans fédérateur, l’autorité, l’initiative, le contrôle, le budget, apanages d’un gouvernement, doivent désormais appartenir, dans l’ordre économique, à ce chœur d’experts, y compris - ce qui peut être indéfiniment extensif - au point de vue des rapports avec les pays étrangers.

Quant aux ministres « nationaux », dont on ne peut encore se passer pour l’application, il n’est que de les convoquer périodiquement à Bruxelles, où ils recevront dans le domaine de leur spécialité les instructions de la Commission.

D’autre part, les mêmes créateurs de mythes veulent faire voir dans l’Assemblée, réunissant à Strasbourg des députés et des sénateurs délégués par les Chambres des pays membres, un « Parlement européen », lequel n’a, sans doute, aucun pouvoir effectif, mais qui donne à l’ « exécutif » de Bruxelles une apparence de responsabilité démocratique

A quelle profondeur d’illusion ou de parti pris faudrait-il plonger, en effet, pour croire que des nations européennes, forgées au long des siècles par des efforts et des douleurs sans nombre, ayant chacune sa géographie, son histoire, sa langue, ses traditions, ses institutions, pourraient cesser d’être elles-mêmes et n’en plus former qu’une seule ?

A quelles vues sommaires répond la comparaison, souvent brandie par des naïfs, entre ce que l’Europe devrait faire et ce qu’ont fait les Etats-Unis, alors que ceux-ci furent créés, eux, à partir de rien, sur une terre nouvelle, par des flots successifs de colons déracinés ?

Pour les Six, en particulier, comment imaginer que leurs buts extérieurs leur deviennent soudain commun, alors que leur origine, leur situation, leur ambition, sont très différentes ?"

Eh bien voilà nous y sommes. Et nous disons simplement mais fermement : l’union des nations souveraines oui, le super-Etat fédéral non.


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