Commentaire de Negravaski
sur Globish ? Le choix de l'infériorité totale
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Yaarg demandait le 25 janvier : « Qui va se faire chier à apprendre une langue que personne ne parle ? » L’espéranto, je l’ai appris, et ça ne m’a pas fait chier, j’ai trouvé ça amusant, rigolo, intéressant, enrichissant, en fait. Puis j’ai découvert que c’était une langue que des tas de gens parlaient, partout dans le monde, et les conversations que j’ai eues en espéranto ont été dix fois plus profondes et intéressantes que celles que j’ai eues en anglais dans les mêmes pays, notamment en Asie centrale et orientale, mais aussi dans des pays comme le Brésil ou la Hongrie. Les personnes qui savent l’espéranto le maîtrisent bien mieux que les personnes qui croient savoir l’anglais ne maîtrisent réellement cette langue. L’espéranto stimule la créativité langagière, alors que le globish l’interdit. Du coup, les conversations sont beaucoup plus spontanées, drôles et variées en espéranto qu’en globish.
La question que je me pose, c’est : pourquoi l’être humain est-il à ce point maso ? Choisir le globish, c’est choisir trois ou quatre années de cours d’anglais à au moins trois heures par semaine, constater qu’on n’arrive pas à communiquer avec ce bagage, puis se débrouiller comme on peut avec des gestes et des circonlocutions pour des échanges d’une pauvreté lamentable (les 1500 mots de la liste de M. Nerrière ne permettent pas de dire « Garçon ! Une salade de tomates ! »). Choisir l’espéranto, c’est choisir une soixantaine d’heures d’étude pour déboucher sur une langue qui permet de tout dire, pleine de nuances et d’humour.
Pour exprimer les 1500 mots du globish, il suffit en espéranto de 1300 mots et d’une quarantaine d’affixes. Ce bagage minimum permet en fait de former quelque 13.000 mots. Il faut vraiment être maso pour préférer le globish avec son orthographe aberrante, sa prononciation difficile (accent tonique important, mais irrégulier), sa pauvreté lexicale et son manque de système cohérent de dérivation (il faut avoir fait pas mal d’anglais pour dériver correctement « beauté » de « beau », « condamnable » de « condamner » et « déprimé » de « dépression », alors qu’en espéranto on apprend dès le début comment former ces mots sans risque de ce tromper ; en général il suffit de connaître la valeur d’une seule voyelle).
La question de Yaarg mérite d’être retournée : « Pourquoi tant de masos se font-ils chier à apprendre une langue que, à part les natifs, personne ne parle bien, et qui est vingt à trente fois plus difficile qu’une langue qui répond parfaitement à tous les besoins des échanges mondiaux ? Pourquoi investir tant d’heures et d’énergie mentale pour se retrouver inférieurs aux natifs alors qu’il est si simple d’investir moins pour être à égalité dans le monde entier ? »