Commentaire de Roland Verhille
sur Crise des « subprimes » et pêcheurs en eaux troubles


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Roland Verhille Roland Verhille 24 mars 2008 09:07

À gdm,

Votre article et vos commentaires permettent d’aller au cœur de cette question de la crise financière.

Les chiffres que j’ai invoqués ne montrent pas, me semble-t-il, que le coût des « subprimes » est infime, puisque l’éventail de ces chiffres est dans un rapport de un à dix. Et j’ai bien écrit que de un à dix, cela change tout. Le sens de mon article est de soutenir que pareille incertitude ne peut être que source de panique, et non de solides prévisions.

Je ne conteste pas que cette crise déséquilibre le système financier américain. Mais effectivement, je n’ai pas expliqué ce que d’autres ont fait, le mécanisme qui se met en mouvement. Il y a d’abord les conséquences directes de l’argent perdu par les banques (mais j’ai expliqué que cet argent n’est pas perdu pour tout le monde, ce qui l’est d’un côté a été gagné de l’autre et se retrouve finalement dans les caisses des banques, mais à titre de dette bancaire). Il y a surtout (et seulement ?) les conséquences indirectes sur les capacités de financement des banques : par application des règles dites « prudentielle » (! !!), une perte de monnaie lui appartenant de 100 dans une banque la prive d’une capacité de financement multiple de 100. Là est principalement (exclusivement ?) le mécanisme de réduction de la masse monétaire, de la masse de monnaie circulant dans l’économie. Cette réduction n’est pas sans conséquence.

D’abord, il ne faut pas perdre de vue que ce qui est perdu maintenant est ce qui a été précédemment gagné, les effets se compensant. Je fais remarquer qu’il y a eu dopage, et que les conséquences de cette crise seraient celles d’un sevrage, avec retour au bout d’une durée indéterminée à une situation normale, les souffrances éventuelles du moment n’étant que le contrecoup de l’euphorie passée artificielle. Forest Ent insiste pertinemment sur ce phénomène d’ajustement étalé dans le temps, seules les conséquences qu’il en déduit étant discutables. 

Ensuite, les conséquences de cette réduction diffèrent selon que cette masse monétaire est ou non excessive relativement aux besoins de l’économie dite réelle. Et c’est faute d’opérer cette distinction que vos explications sont en partie erronées. Avec une masse monétaire ajustée aux besoins de l’économie « réelle », sa réduction cause une réduction des activités économique. En cas de masse monétaire excessive, qui ne fait qu’alimenter la pure spéculation, sa réduction ne pénalise pas l’activité économique ; elle tarit seulement les moyens des spéculateurs, ce qui est sain. Mais en pratique, en phase d’ajustement des équilibres, ces conséquences théoriques peuvent être altérées.

La faiblesse de vos explications porte aussi sur votre appréciation des interventions de la FED injectant des marées de monnaie. Vous les jugez opportunes, car à vos yeux elles sont nécessaires au maintien de la croissance de l’économie. Je vous reproche amicalement de justifier une ordonnance de poursuite du dopage économique sans rechercher les conséquences probable, peut-être certaines.

Au total, les conséquences de cette crise des « subprimes », impossibles à prévoir en ce moment, seront fonction des interventions de la FED et des autres banques centrales, selon qu’elles viseront à persister ou même renforcer l’excès de monnaie, ou selon le rythme de l’ajustement en baisse de la masse monétaire aux besoins de l’économie réelle. On peut souhaiter éviter un ajustement trop brutal, on ne peut pas, à mon avis, refuser un tel ajustement sans s’exposer à de douloureuses conséquences à terme.

 


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