Commentaire de Renaud Bouchard
sur Pourquoi l'aversion d'une majorité, dans l'opinion, pour le mot 'libéral' ?


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Renaud Bouchard (---.---.42.5) 2 octobre 2006 10:33

A propos de votre excellent article intitulé : « pourquoi l’aversion d’une majorité, dans l’opinion, pour le mot Libéral ? » .

La réponse est double : inculture et confusion des sentiments. Veuillez trouver ci-après deux notes qui corroborent votre analyse :

- La première, un paragraphe tiré d’un essai rédigé par Claudio Magris, Trois Orients, récits de voyages , Rivages Poche : Petite Bibliothèque : p. 24 . Voici ce qu’il écrit : « L’actuel anarcho-libéralisme fondamentaliste et ultra - qui aujourd’hui empoisonne la société occidentale avec son irrationalité factieuse et bafoue la pensée libérale en la prenant pour une licence chaotique et une jungle sauvage - fomente la violence parcequ’il mine les règles par lesquelles la civilisation les tient en respect. »

- La deuxième, qui est une dépêche reprise par Reuters et intitulée : « Patrick Artus veut un débat sur »les vrais sujets« pour 2007 », en date du 22 septembre 2006 et sous la plume d’Emmanuel Jarry que je cite in extenso.

PARIS (Reuters) - La fiscalité, les obstacles à l’innovation, la stratégie face à l’appétit d’investissements des pays émergents et la santé devraient être au coeur du débat économique lors de la campagne présidentielle de 2007, estime le chef économiste d’Ixis CIB dans une interview à Reuters. Patrick Artus déplore la faiblesse de ce débat, à moins de huit mois de l’échéance. Il reproche notamment aux candidats potentiels ou déclarés de ne pas hiérarchiser les priorités et de « monter en épingle des sujets mineurs ». « Ils considèrent que parler d’économie ce n’est qu’un truc à prendre des claques », dit-il. « Il est plus facile de dire qu’on va reconduire à la frontière les clandestins ou supprimer les stock-options des grands patrons. Ce n’est pas en réformant le système de retraite de la RATP qu’on va sauver le pays. » « La priorité, c’est de voir que l’on continue à perdre des parts de marché, qu’on n’exporte pratiquement rien qui ait du contenu technologique si on enlève les Airbus, que les emplois que nous créons sont essentiellement des emplois précaires, que l’université fabrique deux-tiers de gens qui ne finissent jamais le premier cycle, etc. » Lever les obstacles à l’innovation doit être un thème au coeur des propositions des candidats, estime Patrick Artus, qui déplore que les gains de productivité en France, évalués à 1% en moyenne par an, soient « tout à fait misérables ». « Il y a un déficit d’innovation, de recherche. On a trois fois moins de chercheurs en entreprise en France qu’en Allemagne ou en Suède. Les entreprises françaises font 10% de leurs investissements en nouvelles technologies, les américaines ou les suédoises 40% », explique-t-il. Le directeur des études économiques et de la recherche à Ixis-CIB appelle également de ses voeux une « vraie réflexion » sur la fiscalité. « Le jour où les Allemands auront amené leur taux d’imposition sur les sociétés à 20% et que L’Oréal, Lafarge et Saint-Gobain installeront leur siège social à Francfort, il faudra bien faire quelque chose », souligne-t-il. Pour Patrick Artus, l’argument du « patriotisme économique », brandi dès qu’un groupe étranger envisage l’acquisition d’une grande société française ou européenne, est une « clownerie » - « On a sauvé Danone et on va laisser filer EADS ! » UNE « AVALANCHE » D’OPA Il prédit une « avalanche » d’opérations de ce type dans les années à venir, quand les milliers de milliards de dollars d’épargne accumulés en Asie se transformeront en investissement. « On va voir des sociétés russes, chinoises, indiennes, souvent soutenues par des capitaux publics, se proposer d’acheter à peu près tout ce qu’il est intéressant d’acheter sur les marchés financiers », explique-t-il. « Qui, à droite ou à gauche, nourrit une réflexion sur cette question ? » Patrick Artus souhaite une « vraie réflexion stratégique » sur ce qui est acceptable ou ce qui ne l’est pas, car « le matin où on apprendra qu’il y a un Russe qui est en train d’acheter une entreprise clinquante du CAC 40, il faudra dire que nous avons une doctrine, c’est oui ou c’est non. » « De toute façon », souligne-t-il, « on ne pourra pas tout faire. Nous n’avons pas d’investisseurs en actions. Eux ne savent pas quoi faire de leur argent et ils ne vont pas le prêter à 4% aux Trésors européens jusqu’à la fin des temps ; ils vont venir acheter nos entreprises et nous ne pourrons en sauver qu’une toute petite partie. » « Donc il faut vraiment savoir ce qui est stratégique et ce qui ne l’est pas », ajoute-t-il. « Est-ce qu’il est stratégique de fabriquer soi-même ses avions de transport ? Pas sûr. L’énergie est peut-être beaucoup plus stratégique. » De même, souhaite-t-il voir posée la question du passage d’une logique de rationnement des dépenses de santé à une logique de libre progression de ces dépenses, qui imposerait leur « privatisation » partielle mais contribuerait à augmenter la croissance potentielle de l’économie. « Est-ce qu’on continue à dérationner clandestinement les médicaments pour bricoler ou est-ce qu’on a une vraie réflexion sur le vieillissement et la santé ? » demande-t-il. Autre sujet à ses yeux prioritaire : la politique de redistribution de revenus face aux inégalités créées par la mondialisation. « Dans ce pays, jusqu’à présent, l’instrument de la redistribution c’est le smic, qui a d’énormes inconvénients », explique Patrick Artus, qui prône le recours à l’impôt négatif plutôt qu’à des hausses successives du salaire minimum.

Renaud Bouchard


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