Commentaire de Céline Ertalif
sur Le « retour » du Cohn-Bendit ou l'écologie au pouvoir


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Céline Ertalif Céline Ertalif 10 août 2008 00:19

Sur ce que j’ai appelé le "basisme démocratique". C’est un phénomène récurrent qui veut que les nouveaux militants et les nouveaux convertis sont d’abord les supporters les plus enthousiastes, puis ils deviennent les zélateurs au sein du mouvement politique et c’est là que commence les vraies difficultés : leur adhésion est émotionnelle, ils maîtrisent mal la complexité du combat politique et ils sont inaptes à la négociation. Dès qu’il faut prendre une décision, c’est catastrophique, il reste dans l’émotionnel et l’intransigeance, alors que la négociation est incontournable, elle nécessite de la profondeur et ce n’est jamais un savoir-faire spontané. Bien des mouvements militants connaissent ça, et le spectacle de ce qui se passe au Modem depuis un an est une parfaite illustration.

Mon sentiment est au fond que la légitimité démocratique doit être relativisée. L’expertise et la place des experts doivent être mieux identifiées dans les démocraties modernes, il faut mettre un peu d’ordre dans cette relation. Le rôle des experts est de maîtriser la complexité, le rôle des politiques est de simplifier les alternatives pour les rendre compréhensibles parce qu’il revient aux citoyens de trancher les choix essentiels. Dans nos sociétés où la technique en général a pris une si grande place, c’est cette séparation des pouvoirs là qui est essentielle. Nous fonctionnons dans une démagogie où l’on fait croire à l’électeur qu’il a une légitimité absolue, tout seul comme un grand, et où les politiques tentent d’asservir les experts pour contrôler les électeurs, quand ce ne sont pas les experts qui tentent d’asservir les politiques pour des intérêts qui sont maîtrisés par divers lobbies, souvent à motivation financière, et en tous cas sans rapport direct avec les électeurs et l’intérêt général.

Ce que je vois, c’est l’excès émotionnel des militants dans les congrès des partis politiques. Les militants ont beaucoup de mal à accepter la modération dont l’intérêt est précisément de rééquilibrer l’émotion et l’intelligence. Moins l’implication du militant se trouve en mesure de s’exprimer, plus l’ego souffre et plus nous voilà confontrés à la vindicte contre les dirigeants. Chez les Verts, on connaît ça par coeur et le phénomène se démultiplie puisqu’on reproche fréquemment aux Verts de vouloir garder un monopole de l’écologie et que l’on traite plus bas que terre à peu près tous les dirigeants écolo dès qu’il dévie en quoi que ce soit de l’idéal dont on a rêvé tout seul sans aucun engagement réel. Plus on s’éloigne de l’engagement, moins on n’a de prise sur la construction collective d’une alternative, plus on dénie la légitimité de ceux qui ont réussi à faire émerger la question écologique dans la politique. Voilà ce qu’est le basisme démocratique, et c’est une belle porte ouverte à toutes les tentatives démagogiques.


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