Commentaire de Illel Kieser ’l Baz
sur L'élaboration des normes psychiatriques


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Illel Kieser ’l Baz 26 septembre 2008 09:07
@Philippe Renève
 
 Deux réflexions. Tout d’abord, il est très étonnant de voir, à propos des "pédophiles", qu’en deux ou trois décennies seulement, on soit passés d’une tolérance amusée envers le pépé qui tripotait les petites filles dans la cour à une répulsion très forte - je ne dis pas qu’elle est injustifiée - pour des délinquants abhorrés. Quel est le cheminement d’idées et médiatique qui a changé aussi vite "l’opinion publique" et pourquoi ?
 
 Tolérance amusée, sûrement pas ! De ce que j’ai pu voir durant mes années de terrain, on serait plutôt du côté du tabou et de l’intelligence morale sidérée, scotchée au plafond. Il y a 30 ans, nos victimes avaient entre 6 et 12 ans, elles ont maintenant la quarantaine et elles parlent. Elles parlent aussi pour leur mère sœur ou leur tante... Et ça fait comme chœur au puissant écho.
L’environnement a changé, nous avons un peu bougé et l’action des femmes militantes a produit quelques effets. La femme, je l’entends tous les jours, sait que le règne de la domination du mâle n’est pas achevé mais qu’elle ont gagné le droit à la parole. Ce faisant elles découvrent que le respect légitime que l’on doit à la personne est de plus en plus bafoué. Femme et enfants en sont les victimes mais pas seulement, il y a l’étranger, celui qui dérange par ses mœurs étranges, celui qui menace (c’est un fantasme) l’ordre établi. Il serait dangereux d’isoler le problème de la pédocriminalité du contexte socio économique du moment.
 L’enfant est porteur de créativité, il est le futur et il est toujours symboliquement, celui qui perturbe l’ordre. Pourquoi ? Parce que la capacité d’invention est, en soi, une sédition. L’enfant doit donc marcher droit pour la gloire du Marché !
 
Quant à chasse au pédophile, elle demeure très parcellaire. C’est plutôt de la gesticulation et une instrumentalisation outrancière pour soulever le cœur de la plèbe et détourner les yeux des vrais problèmes. Remarquez combien cette rumeur nous fait réagir côté "surveiller et punir". Les victimes sont laissées sur le carreau. Aucun moyen n’est mis en place pour assumer toutes ces déclarations. Sitôt éteints les grands cris indignés, les appels à la vengeance, on retourne sur le terrain avec des moyens dignes d’une république bananière. Vous seriez étonné de constater la pauvreté des moyens mis à la disposition des juges et des acteurs sociaux.
Il y aura toujours un pédophile en balade tant qu’il y a aura d’autres problèmes délicats (Je ne dis pas plus importants) à traiter : pauvreté, discrimination, xénophobie, paupérisation sociale, etc.
 
 
Ensuite, cette tendance à "dépister" les enfants "susceptibles" d’être délinquants
En effet, de plus en plus d’enseignants du primaire se permettent de poser des signalements « psychologiques ». C’est une tendance de fond. Edvige n’est qu’un aspect du problème.
 
(comme le dit joliment le décret Edvige, qui n’est pas resté "dans la plus grande indifférence" comme vous l’écrivez)
 
J’évoquais la disposition qui concerne le fichage des enfants à partir de 13 ans qui est restée dans le texte. C’est gravissime et passé inaperçu dans le landerneau politique. C’est une faille dans laquelle les Darcos, Hortefeux et autres s’engouffreront pour une politique de plus en plus coercitive.
 
, dès la maternelle ? Est-ce une volonté de diffusion de thèses génétiques comme celle du président actuel, ou pour "faire propre" en bas pour mieux masquer la saleté en haut ?
 
Il y a un peu de cela, on sait que toute société puritaine fonctionne sur les tabous, les opacités et l’impunité des élites. Mais on sait aussi que cette perte des valeurs qui fondent la vie sociales génère une peur ineffable, volontiers explosive. Fabriquer du bouc émissaire, organiser des chasses aux sorcières est un artifice. La psychiatrie, l’organisation de la "santé mentale" est un outil au service de cette volonté d’ordre.

Ces réponses sont parcellaires, certes mais c’est aussi à chacun d’apporter ses réflexions car nos mutations actuelles surviennent sur le vide sidérant d’intellectuels, de penseurs, de philosophes. Nos sociétés n’ont plus de tête.

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