Commentaire de J. GRAU
sur Faut-il moraliser le capitalisme ?


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Jordi Grau J. GRAU 21 octobre 2008 12:39

Le parallèle que fait Slama entre le capitalisme et la science est très révélateur. Ce qui est sous-jacent, c’est une idée naïve mais très utile aux défenseurs de l’ordre établi : le capitalisme est le seul système viable. C’est prouvé scientifiquement. Impossible d’aller contre la Science. Sortir du capitalisme, ce serait se heurter aux lois naturelles de l’économie, ce serait refuser de voir la réalité en face. Il n’y a donc pas de morale dans ce système, tout comme il n’y a pas de morale dans la nature. Car la notion de "morale" suppose celle de liberté (depuis Rousseau et Kant, notamment). La seule liberté que nous avons c’est de bien utiliser les lois de l’économie, comme nous pouvons bien utilier les lois de la nature.


C’est la même illusion qui existait à l’époque de Rousseau. On avait l’impression que l’ordre monarchique et féodal était naturel. Il fallait bien des gens dévoués (les nobles, les clercs, le roi) pour commander aux masses ignorantes et désordonnées. De même aujourd’hui, on considère que la masse des gens doit être commandée par une élite censée oeuvrer pour le bien commun : élites politiques (la politique, ça s’apprend, faut avoir plein de diplômes pour en faire), élites médiatiques, élites économiques (les travailleurs sont incapables de s’organiser tous seuls, il faut les faire marcher à la baguette, comme des boeufs). Tout cela est naturel, normal, inévitable. Alors bien sûr il y a de mauvais patrons qui s’en mettent plein les fouilles, il y a des politiciens corrompus... De même, autrefois, il y avait certains rois, certains évêques ou certains seigneurs qu’étaient pas gentils gentils. Mais le bon Dieu les a bien punis. Dans l’autre monde. 


Bref, le système est bon, malgré quelques rares brebis galeuses. Dormez bien citoyens. Tout va pour le mieux. Prions seulement pour que l’âme des riches et des puissants résiste à la tentation de saccager encore plus l’environnement, l’économie et la société. Et surtout, n’oublions pas d’écouter, sur France-Culture, les beaux sermons du père Alain-Gérard. 


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