Commentaire de J. GRAU
sur Ce n'est pas parce qu'ils n'en ont rien à foutre qu'on va se priver de leur donner notre avis !


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Jordi Grau J. GRAU 4 octobre 2009 10:35

Sur le populisme et la lutte des classes

Gael fait deux reproches classiques à Monolecte :

- elle est « populiste »
- elle a un discours daté et « larmoyant » sur la lutte des classes

Je suis sûr que Monolecte pourrait dire des choses bien plus brillantes que moi sur ces deux points, mais j’aimerais tout de même les reprendre, car elle n’est pas la seule à essuyer ces critiques. A vrai dire, ces dernières pourraient s’appliquer à tous les révoltés, à tous ceux qui n’arrivent pas à digérer l’injustice sociale et le déficit démocratique de notre monde.

D’abord quelques réflexions sur le « populisme ». Voilà un mot bien pratique, en vérité, qui permet de mettre un peu tout le monde dans le même sac. Avec pas mal d’habileté et sans doute quelque mauvaise foi, Gael range Monolecte dans la même catégorie que les antisémites, tout en précisant bien que son populisme à elle ne s’attaque pas aux juifs. Ainsi, il salit l’image de Monolecte sans atteindre tout à fait le point Godwin. Pas mal joué, ma foi.

Mais laissons-là les détails et attachons-nous à l’essentiel, à savoir le sens du mot « populisme ». N’ayant pas trouvé de définition pertinente dans le Petit Robert, je me suis rabattu sur Wikipedia.Voici ce qu’on trouve dans cette encyclopédie fort imparfaite mais néanmoins utile :

« Le populisme désigne un type de discours et de courants politiques, critiquant les élites et prônant le recours au peuple (d’où son nom), s’incarnant dans une figure charismatique et soutenu par un parti acquis à ce corpus idéologique[1]. Il suppose l’existence d’une démocratie représentative qu’il critique. C’est pourquoi ses manifestations ont réapparu avec l’émergence des démocraties modernes, après avoir connu selon certains historiens une première existence sous la République romaine. »

Je n’ai pas lu tous les articles de Monolecte, mais je n’ai pas l’impression que cette définition lui corresponde tout à fait. A ma connaissance, elle ne souhaite aucunement que ses idées soient incarnées par une « figure charismatique ». En revanche, il est clair qu’elle critique les « élites » et la démocratie représentative. Beaucoup de monde le fait, d’ailleurs, et non sans raison. Qui peut contester que ce que nous appelons « démocratie » est à bien des égards une oligarchie ? Comment ne pas voir que les gens qui nous gouvernent sans dans leur grande majorité issus des catégories privilégiées ? Comment peut-on ignorer les liens étroits qui unissent la classe politique et les milieux d’affaires ?

Bien entendu, on n’est pas obligé d’être populiste. On peut imaginer que les efforts pour instaurer une véritable démocratie aboutissent nécessairement à une dictature encore pire que cette oligarchie que nous appelons « démocratie ». La question mérite débat, non le mépris et l’insulte. En traitant quelqu’un de « populiste », on croit lui clouer le bec. Il serait plus intelligent de se demander si les « populistes » n’ont pas de bonnes raisons de l’être.

Quelques mots sur la lutte des classes pour finir. Gael semble penser qu’elle est terminée. Et il est vrai qu’on ne parle plus d’ennemis de classe, mais de « partenaires sociaux ». Comme c’est beau, l’amitié entre riches et pauvres, dominants et dominés ! Cette apparente pacification des rapports sociaux tient en grande partie à la disparition progressive de la classe ouvrière. Certes, il y a encore des ouvriers dans les pays riches, mais ils sont moins nombreux, moins organisés, moins conscients de former une force qu’il y a quarante ans. Tout cela s’explique par des causes historiques sur lesquelles je n’ai pas le temps de m’étendre. Il n’y a donc quasiment plus de classe ouvrière, au sens d’un groupe uni et conscient de sa force. En revanche, il y a bien une classe de super-riches, qui est parfaitement consciente de ses intérêts. Or, cette classe, elle, n’a pas enterré la hache de guerre. La lutte des classes, elle connaît bien, elle qui détruit progressivement les droits sociaux conquis jadis par la classe ouvrière : droit du travail, assurance-maladie, assurance vieillesse, etc. Mais Gael, en bon militant réactionnaire, imagine sans doute que la grande bourgeoisie ne fait que retrouver ses privilèges naturels. Il voudrait sans doute que la majorité continue de se laisser entuber avec le sourire. C’est pourquoi les articles de Monolecte le gênent : parce qu’ils contribuent à nous faire sortir de nos illusions, parce qu’ils dénoncent avec talent cette fausse paix sociale que la grande bourgeoisie impose depuis trente ans avec la complicité des partis et des syndicats dominants.


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