Commentaire de ARRIGHI Paul
sur OMC : l'Europe joue-t-elle vraiment le jeu ?
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Désenliser l’ Europe !
Il convient de se pencher sur la signification de ce nouveau spectre qui hante désormais les gouvernements d’Europe. Il s’agit de la prise de conscience par ses Peuples que les politiques économiques menées au « fil de l’eau », depuis vingt-cinq ans, ne sont pas prêtes de nous sortir de l’ornière stagnationniste qui désespère notre jeunesse ainsi que tous les hommes lucides, qui aiment leurs Peuples, ne sont pas sourds aux plaintes des travailleurs délocalisés, « pauvres », des exclus et de tous les « humbles » et autres « laissés de côté » dans la course effrénée centrée sur la concentration du capital de l’économie mondiale ...
Dans les raisons majeures de la désaffection croissante des Peuples, le citoyen lucide bute sur la méconnaissance et même la cécité absolue de l’ inepte« Eurocratie »devant les attentes toujours déçues de leurs peuples pour qu’elle ose et arrive, enfin se hisser, à la hauteur de ses vraies missions : de stratège économique et de bouclier économique et social de ses Peuples. Mais essayez faire boire un âne ou une bourrique qui n’a pas soif !
Le contexte économique favorable qui avait prévalu durant les « trente glorieuses »a été plombé à partir des années 1971 à 1976, par l’abandon sans aucune contrepartie du système dollar qui obligeait les États à respecter de manière assez égale une relative discipline monétaire.
Ce basculement majeur en faveur des puissances financières a constitué le fondement de l’actuelle « mondialisation »et a correspondu à une circulation désormais effrénée et sans contrôle des capitaux et a mis en crise la possibilité même de mettre en oeuvre des politiques keynésiennes de relance au niveau national.
Or au moment même ou l’Europe s’élargissait presque jusqu’à l’excés et sans jamais réfléchir vraiment à la réalité historique de ses frontières, la locomotive européenne s’est vue privée de ses trois « combustibles » possibles :
- le monétaire (abandonné au « laisser-fairisme » monétaire de la B.C.E.),
- le budgétaire (un pourcentage de budget européen qui est ridicule par rapport à celui dix fois plus important du budget fédéral des USA),
- Ainsi que la latitude d’emprunter, qui lui aurait permis de mener une indispensable politiquede recherche scientifique et industrielle digne de ce nom, de « réindustrialisation » de l’ensemble du tissu économique et de développement massif des services afin d’ d’être en mesure de conduire ses 25, et très bientôt, ses 27, « wagons » !
Or face à ces cruautés sociales actuelles de la mondialisation, les Peuples ont aussi un besoin de se sentir efficacement protégés des affres de la concurrence et surtout de ce qu’ils perçoivent avec raison comme un emballement non maîtrisé de l’économie mondiale.
Seule, une politique courageuse de développement postindustriel est à même, de réussir dans l’espace européen sachant vendre à sa juste valeur, son principal avantage comparatif : un ticket d’entrée suffisant pour accéder au plus vaste et au plus fructueux marché du monde. Ce retour aux sources initiales de l’Europe des six et de la préférence communautaire permettrait enfin de financer une vraie politique de stimulation économique continentale.
Mais pour ce faire, mieux vaut ne faut pas se tromper de décennie, à l’aune des bouleversements extraordinaires, comme nous le montre l’actuelle transformation à marche forcée et non maîtrisé de la Chine.
Nous savons aussi que demain viendront d’autres géants qui ont pour nom l’Inde, le Brésil, l’Indonésie, le Pakistan et plus tard, ce qui est infiniment heureux pour nous, l’Europe, les pays sud de la Méditerranée et l’Afrique, ce continent magnifique que nous avons façonné par notre culture mais dont la démographie devrait être impérativement maîtrisé dans la démocratie ; et grâce à des incitations financières importantes et par la scolarisation massive des jeunes filles...
Alors, pourquoi continuer à s’enfermer, face à ce véritable séisme économique incontrôlé, dans des postures passéistes et inefficaces, visant à jouer à être les meilleurs élèves du dogme monétariste, les attardés de feu le dépassé « consensus de Washington », lequel a été brocardé par l’un de ses meilleurs connaisseurs et praticiens de l’économie mondiale, le prix Nobel d’économie, Joseph E. Stiglitz, en personne ?
Ce n’est pas, en niant avec une légèreté qui verse dans le cynisme, les souffrances de leurs contemporains, que les tenants du dogme obsolète « libre-affairiste » nous permettront de sortir de vingt-cinq ans d’économie de langueur...
Bien au contraire, ces dogmatiques font fausse route et se trompent d’époque et de stratégie.
Par conséquent, ils ne permettent pas de procéder aux évolutions nécessaires. En suggérant des médecines inadéquates, ces médecins de Molière ne peuvent que jouer contre les Peuples, éroder leurs acquis sociaux conquis par un siècle et demi de rapports de force et de philanthropie, et par conséquent, saper l’assise du lien social dans nos sociétés et préparer de futures guerres...
La seule vraie question du moment qui compte vraiment devrait être : la défense concrète de nos Peuples et la sortie de notre funeste et inavouée « préférence européenne pour le chômage »au nom des sacrifices exclusifs rendus sur l’autel de la prétendue inflation, véritable maladie imaginaire...
Paul SAINT-AUBIN, (Historien contemporanéiste), Toulouse, le 18-11-2006