Commentaire de Vulpes
sur L'immunité face au risque d'impunité


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Vulpes 5 novembre 2009 15:14

Sous réserve des articles 53‐2 et 68 que vous citez, l’immunité de l’article 67 de la Constitution concerne exclusivement l’irresponsabilité du Président de la République pour les actes accomplis en cette qualité . Le Mandat du Président de la République est défini et limité par la Constitution.

L’Histoire de la Vème République montre que la plupart des Présidents ont outrepassé les limites de leur mandat en déterminant et conduisant la politique de la Nation, mission exclusive du Gouvernement lequel est responsable devant le Parlement. Le Président de la République n’est pas le chef de l’exécutif. Il n’exécute ni ne prend de décision en lieu et place du Gouvernement dont il n’a pas à contrôler la politique ou sanctionner l’action.

En agissant ainsi, les Présidents sont hors de l’immunité qui couvre les actes constitutionnellement présidentiels : veiller au respect de la Constitution, assurer par son arbitrage le fonctionnement régulier des institutions, commander les armées dont la force est à la disposition du Gouvernement, etc...

Ils bénéficient alors, au même titre que les membres du Gouvernement, de l’article 68‐1. Ils sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’usurpation des fonctions de membre de Gouvernement et qualifiables de crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Toutefois ils bénéficient jusqu’à la fin de leur mandat de la suspension des actions et poursuites prévu à l’alinéa 2 de l’article 67. De ce fait l’ex-Président bénéficie alors des juridictions ordinaires et non de la Cour de justice de la République.

Ainsi, par exemple, tout trafic présumé d’influence réalisé dans des conditions avérées d’usurpation du pouvoir exécutif est susceptible d’être porté devant la Justice tout court un mois après la fin de mandature.

L’article 68, quant à lui, attend, depuis déjà 32 mois, la loi organique ou le décret portant loi organique pour entrer en application. Ce n’est pas la création de Jacques Chirac. A l’origine, le 4 octobre 1958, cet article existait et ne sanctionnait que la haute trahison, absolvant d’office tous les autres manquements. Il faut donc rendre grâce à Jacques Chirac ou, plus exactement, à Monsieur de Villepin qui, conformément à l’article 89, a proposé le 23 février 2007, la révision constitutionnelle élargissant le champ d’application initial de cet article à la disposition concernant un manquement du Président à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de ses fonctions.

Par exemple, l’exercice du pouvoir exécutif de Monsieur Sarkozy constitue un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec sa fonction de Président de la République.

Ceci explique le peu d’empressement du Gouvernement et du Président a promulguer la loi organique d’application de cet article 68 révisé. 

Ceci explique probablement que le Président Sarkozy se soit empréssé le 18 juillet 2007, de demander à Edouard Balladur de former un comité de sages pour se pencher sur la Constitution et «  prendre acte de l’évolution qui a fait du Président de la République le chef de l’exécutif » afin de la réviser.

Cette tentative de rendre conforme la mainmise présidentielle sur l’Exécutif se heurte à l’article 16 de la Déclaration de 1789 instituant pour base constitutionnelle la séparation des pouvoirs. Elle a échoué.

Pour autant que la loi organique fixant les modalités d’application des dispositions de l’article 68 soit promulguée et que la fronde s’étende sur les bancs parlementaires de l’UMP, Monsieur Sarkozy risque la destitution pour usurpation du pouvoir exécutif incompatible avec son mandat d’arbitre et son devoir de veiller au respect de la Constitution. Une autre bonne raison d’en vouloir à Dominique de Villepin et Jacques Chirac pour ce gentil cadeau. 


 


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