Commentaire de Armelle Barguillet Hauteloire
sur Revoir Venise
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Bien sûr, il y a dans toute histoire d’un empire, d’une nation ou d’une ville une part sombre. Et celle de notre époque contemporaine n’a rien à envier aux temps féodaux : nos prisons sont pleines à craquer, nos réserves d’armes terrifiantes et notre indifférence toujours égale. Je vous invite à lire cette réflexion d’un grand historien britannique sur l’époque féodale, elle est éloquente :
« Les hommes de ce temps savaient ce qui était juste, même s’ils ne s’appliquaient pas toujours à suivre la justice ; ils connaissaient l’existence d’une source de miséricorde, quoique eux-mêmes ne fussent pas toujours miséricordieux ; ils se montraient tolérants envers la bâtardise et ne s’étonnaient pas du péché ; ils savaient que peine et châtiment sont les justes tributs du mal, même si ce n’est pas toujours en ce monde qu’il faut payer le prix de ses errements ; ils n’avaient pas le moindre doute quant à l’existence de Dieu, et croyaient tout aussi fermement à la prédominance de la sorcellerie qu’à la puissance de la Fortune et de sa roue. La masse n’avait qu’une intelligence primitive de l’homme, de la fonction et de la force des institutions, mais sans doute appréciait-elle plus vivement que nous l’aspect tragi-comique, le caractère absurde et merveilleux de l’existence humaine. Les amusements étaient rares mais intensément savourés ; l’ennui était inexistant, ou du moins méconnu ; la précarité de la vie était admise ; largement répandues, la souffrance et la pauvreté n’étaient pas déshonorantes. L’inhumanité de l’homme face à son prochain ne constituait pas une insulte au progrès : elle attestait tout bonnement la réalité de la chute et de l’expulsion du Paradis terrestre. La foi, l’habitude et la résignation venaient adoucir la dure existence de l’homme. En quelque sorte, le comportement humain venait s’inscrire entre les extrêmes du plaisir et de la souffrance, de la jouissance et de la misère, de la colère et de la repentance, de la violence et de l’inertie. Les hommes goûtaient la piquante saveur d’une vie aux contrastes violents. »
Murray Kendall