Commentaire de J. SCIPILLITI
sur Il y a 40 ans, Salvador Allende et l'Unité Populaire


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J. SCIPILLITI 31 août 2010 18:54


@ L’auteur

Une fois n’est pas coutume, je vais défendre un homme de gauche, Salvador Allende. J’étais alors jeune socialiste (rassurez-vous j’en ai guéri et ça va bien merci), et nous suivions avec passion ce qui se passait au Chili. J’ai le souvenir des grèves de harcèlement menées par le syndicat des camionneurs, qui paralysaient littéralement le pays, avec des conséquences économiques désastreuses. J’ai le souvenir des femmes des beaux quartiers qui descendaient régulièrement dans la rue manifester contre le gouvernement avec des casseroles faisant un tintamarre d’enfer. On sait que Nixon et Kissinger dès le début n’ont eu qu’une obsession : empêcher si possible l’élection, et à défaut abattre Allende, que Nixon n’appelait pas autrement que « cet enc... ». Et vous reconnaissez vous-même le financement américain des activités anti-gouvernementales chiliennes. Comment croire que la CIA n’était pour rien dans ce coup d’Etat ? Les rapports d’enquête américains sur le sujet valent ce qu’ils valent : c’est un peu comme le rapport de la commission Warren selon lequel il n’y a jamais eu de complot pour assassiner John Kennedy. Justement, Nixon était obsédé par Allende comme Kennedy l’était par Castro, sauf que ce dernier n’a jamais été élu démocratiquement, et a failli causer une guerre nucléaire.

En ce qui concerne le programme révolutionnaire du PS chilien, il ne faut pas oublier qu’il y a un fossé entre la rhétorique des motions de congrès, des statuts de parti, et la pratique. En France jusqu’en 1976, les statuts du PCF parlaient de dictature du prolétariat, à laquelle au quotidien il n’était plus fait référence depuis longtemps. Et vous ne dites pas un mot du parti communiste chilien inféodé à Moscou (Luis Corvalan son secrétaire général, ira s’y réfugier après le 11/9/1973) qui exerçait une formidable pression sur Allende, tout comme le remuant MIR d’extrême gauche. Il y a certainement eu des empiètements sur la démocratie, mais en faire porter la responsabilité au seul Allende me semble manichéen.

Et j’avoue garder de l’estime pour cet homme qui, Président en exercice, a su mourir les armes à la main pour défendre ses idées. Bien sûr son suicide est démontré, on sait qu’il s’est tiré une rafale de mitraillette dans la bouche. Mais on sait aussi que l’aviation chilienne avait reçu l’ordre d’abattre son avion s’il cherchait à quitter le pays : la communication téléphonique donnant cet ordre a été enregistrée par les militaires eux-mêmes et diffusée après la chute de Pinochet. J’ai encore dans les oreilles le ricanement de l’officier disant « ... et après, on fera tomber l’avion, ah, ah, ah ! ».

Le Chili 1970-1973 fut une tragédie jouée à plusieurs, et pas seulement par Allende.


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