Commentaire de Lord Franz Ferdinand Of F. In S.
sur L'islam en question : un devoir de vérité


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Lord WTF ! Lord Franz Ferdinand Of F. In S. 30 octobre 2010 19:56


En islamologie occidentale : il y a deux phases : l’islamologie traditionnelle fondée sur les sources islamiques, puis depuis les années 70 une perspective révisionniste qui adopte une lecture critique des sources islamiques et se fonde autant sur des sources alternatives que les différentes recherches dans des domaines aussi variés que l’archéologie, la linguistique, l’anthropologie, la numismatique, mythologie comparée, etc…approche constructive et qui a permis de nombreux progrès dans la connaissance de la genèse de l’islam et du premier état islamique : d’un autre côté, quelques thèses éphémères et pourtant éternellement recyclées (toutes ont été soit contredites, soit largement revues par leurs auteurs mêmes) fournissent à l’islamophobie savante et aux islamophobes amateurs ou professionnels la plupart de leurs arguments.

 

Bref dans ce fil de commentaires : on a les trois courants (je n’évoquerai pas les croyants, qui par nature, musulmans ou non, ont quelque mal avec toute analyse critique de leurs textes religieux ou mythologiques : mais au minimum n’invoquent-ils pas l’objectivité) éminemment représentés par des intervenants qui nous n’en doutons point sont tous des islamologues confirmés : le colonel Mourey lui c’est l’ancienne école ( source utilisée et exclusive : Tabari) avec une touche spéciale tendance révisionniste : la logique militaire du Colonel ; puis on a ensuite la branche révisionniste évoqués + ou – implicitement dans quelques coms :

 

1) l’école Warraq-Pipes&Co qui bien qu’il y ait consensus sur l’historicité du prophète de l’islam ainsi que sur sa qualité d’auteur principal du texte coranique (et cela sans entrer dans la polémique quant aux possibles changements ultérieurs ou la fidélité quant au texte originel) en revient toujours aux mêmes thèses révisionnistes des années 70 (Moore et Crone notamment) quand bien même leurs auteurs ont largement revu leurs œuvres (généralement d’enthousiaste et studieuse jeunesse) certes créatives mais loin d’être objectives (usage très orienté de sources très subjectives) : thèses dont la seule constante étant d’être fondées sur des arguments circulaires et l’exploitation exclusive et très peu critique de sources supportant leurs thèses.

 

ex : on va utiliser exclusivement des sources chrétiennes byzantines ou pro-byzantines donc en conflit avec les musulmans et occulter sciemment les sources chrétiennes alternatives notamment nestoriennes qui présentent un tout autre décor : sans compter que l’orientation de l’école Warraq-Pipes-Spencer&Co occulte généralement le fait que la majorité de leurs sources byzantines viennent de pamphlets anti-sémites de l’époque : : les chrétiens  (pro- ou) byzantins rendant souvent les Juifs responsables de leurs défaites ou les associés des musulmans…cette origine, somme toute éclairante quant à la nature objective de ces sources, étant bien entendu éliminée du produit présenté (souvent compilation de quelques passages de quelques thèses universitaires choisies pour leur caractère polémique : le reste des travaux soit l’immense majorité étant tout simplement oublié)

 

2) l’école syriaque, genre Luxenberg et quelques curés passionnés de linguistiques semble-t-il : thèses fort peu nouvelles : reprenant encore une fois la rhétorique byzantine de l’époque (quand bien même ces mêmes sources (ex Jean le Damascène) ou d’autres si elles font état d’une inspiration chrétienne&juive (quelques sources de l’époque laissent à penser que la première oumma islamique usait et d’un évangile particulier et de la Torah en plus du Coran comme sources de législation) évoquent bien le texte coranique comme production mohamédienne existant bien (avec pour une source au moins : une différenciation entre Coran et sourate de la Vache supposant que certains musulmans suivaient uniquement cette sourate alors que les autres suivaient l’ensemble du texte coranique), ou les travaux plus récents (début XXè) d’un chrétien oriental Mingana qui lui considérait plus de 70% du texte coranique comme d’origine syriaque, Luxenberg lui a revu largement à la baisse cette estimation…

 

intéressant dans ces thèses est que 1) l’araméen syriaque ou non ne se retrouve pas au sud de Damas pour la raison 2) le grec avait depuis longtemps supplanté l’araméen dans la région et 3) même des Arabes araméanisés tels que les Nabatéens avaient entamé leur ré-arabisation depuis quelques siècles déjà ; enfin 4) le plus poilant étant qu’une bonne partie de ces dits syriaques étaient arabes donc arabophones mais aussi polyglottes (les offices en pays ghassanide/lakhmide étant souvent menés dans les deux langues araméen/grec) : l’arabe étant leur langue naturelle, grec et araméen langue liturgique, pour le commerce, etc…   : rappelons que le centre de la culture syriaque Edesse

capitale de l’antique Osroène, était dirigé par une dynastie arabe (les Abgar) bien avant la naissance supposée de Jésus, ce même royaume d’Edesse fut aussi le premier a officiellement se convertir au christianisme : bref pas mal de syriaques n’étaient rien d’autres que des Arabes polyglottes araméanisés puis hellénisés puis ré-arabisés et pour partie islamisés…enfin 5) niveau écriture : les Arabes disposaient alors en plus de l’araméen au choix du grec, du latin et de deux alphabets arabes (celui évoluant depuis le nabatéen, et le sud-arabique) , de l’hébreu ainsi que de l’alphabet éthiopien ( : les tribus arabes établies hors péninsule arabique étant principalement issus de l’espace yéménite (christianisé en bonne partie et sous tutelle éthiopienne) au cas où se faisait sentir le besoin de compiler leurs écritures saintes : ils ont semble-t-il suivi une logique aussi simple que normale : en optant pour un alphabet arabe plus adapté à la langue qu’ils parlaient et qui était l’arabe…

 

mais bien entendu pour l’école araméenne : considérer l’existence de corpus biblique anté-islamiques imaginaires en araméen syriaque (on les cherche toujours) ayant supporté la création de lectionnaire pour les Arabes péninsulaires de Mohamed (groupe différent des Arabes hors-Arabie et Arabes du Sud) dans une langue qui ne leur était pas familière semble parfaitement raisonnable : autant que la création d’une langue araméo-arabe hybride pour l’occasion et dont on a aucune trace autant que pour les fameuses colonies araméennes en péninsule arabique ou pour quelques artéfacts syriaques que ce soit au sud de Damas ou dans la péninsule…on évitera d’évoquer le fait que l’araméen syriaque voit sa grammaire fixée après l’arabe et que celle-ci s’inspire justement de l’arabe…ni même que la différence entre nombre de points diacritiques entre araméen et arabe ne permet pas de considérer que l’arabe se soit inspiré de l’araméen pour développer son système de diacritiques…

 

3) puis l’école esséno-ariano-monophysito-judéonazaréenne&etc… qui elle cherche parmi toutes les hérésies juives ou chrétiennes les origines de l’islam : là, le plus intéressant est l’impasse totale faite et sur 1) le christianisme éthiopien judaïsant : sans doute ce qu’il y a de plus approchant de l’islam religieusement parlant : et dont le nom même est assez intéressant : Yäityopya ortodoks täwahedo bétäkrestyan : le principe essentiel de l’islam étant l’unicité divine : Tawhid  : sans vouloir développé plus avant : je laisse à chacun le plaisir de découvrir les rites&croyances de l’Eglise éthiopienne ; mais pour la question qui nous intéresse et afin d’illustrer encore une fois à quel point il est aisé de supporter n’importe quelle pseudo-thèse en usant de sources choisies à propos et en occultant les autres voilà donc l’inédite thèse éthiopienne plus logique autant géographiquement qu’historiquement que culturellement vu les liens entre péninsule arabique et Afrique Orientale : le Coran fait référence aux apocryphes dits feuillets d’Abraham et Moïse que nous retrouvons uniquement dans le Canon éthiopien : de même aussi pour le concept de Mère du Livre : matrice métaphysique ou céleste du Livre, gardé au ciel par des anges, etc… qui se retrouve aussi dans les apocryphes du Canon éthiopien…sans compter la proximité avec le judaïsme ainsi que la migration mythique vers l’Ethiopie puis l’interdit mohamédien pesant sur la conquête (attaque) de l’Ethiopie qui se voit alors sanctuarisée  : et hop, emballé : Mohamed était sans doute Ethiopien : il n’y a pas eu de migration vers l’Ethiopie mais depuis l’Ethiopie !  

 

2) le christianisme arabe yéménite : apparaissant pourtant sous forme de vestige dans une formule musulmane aussi célèbre que consacrée bismi Allah ar-Rahman ar-Rahim : ce terme Rahman étant typique des Arabes sud-arabiques pour la désignation du Père : leurs cousins monophysites ou nestoriens de la steppe syrienne eux n’utilisaient pas cette désignation particulière…

 

Question ici : pourquoi Yémen et Ethiopie avec des éléments bien plus consistants sont-ils ignorés ? problème avec une origine noire ou autochtone ?

 

enfin 3) tout simplement : une création/conception/production (révélation pour les croyants musulmans) originale arabe supportée par l’existence possible/probable d’une forme de proto-monothéïsme pan-sémite abrahamique + ou – élaborée sur laquelle se grefferont et l’influence du judaïsme rabbinique et du christianisme primitif puis les divers courants (l’Arabie étant connue dés le IIIè siècle comme la terre de toutes les hérésies : ici Arabie au sens antique : donc tous les territoires habités par des Arabes et non pas la seule péninsule : c.à.d aussi l’espace steppique syromésopotamien, le désert oriental égyptien et le désert sinaïque, etc..) construit autour du dieu suprême pansémitique El’ et à laquelle les dits hanifs de la tradition islamique pourraient tout simplement renvoyer : hypothèse pan-sémite/abrahamique supportée par des éléments typiques/caractéristiques tels que la croyance aux djinns, la différenciation dans la tradition islamique entre éléments d’origine syriaque ou juive (ex : Idris/Enoch) , le pèlerinage, le concept d’association qui peut autant renvoyer au dogme trinitaire mais qui pour l’époque concernée semble plus renvoyer à l’association soit de filles(rarement fils) de la divinité soit de djinns à la divinité comme agents d’intercession…etc…autant que par les rappels explicites et constants du texte coranique à cette religion-tradition monothéiste abrahamique pansémitique.

 

enfin pour conclure : notons que la première oumma islamique apparaît de plus en plus comme une communauté multiconfessionnelle : il est fort probable que sans l’alliance avec les Arabes ghassanides ou lakhmides gérant les territoires byzantins et perses de l’espace syromésopotamien, ainsi que des tribus non-musulmanes de la péninsule (c.à.d juifs, chrétiens voir païens),la conquête de ces espaces aurait été impossible : mais notons aussi que la conceptualisation d’éléments théologiques tels que messianisme ou figure du mahdi est largement postérieure : ce qui invalide nombre de thèses apocalypto-esseno-judeonazaréenne : la seule source fiable sur l’islam originel demeurant jusqu’à aujourd’hui le corpus coranique : cette source ne laisse apparaître aucune trace de messianisme (le messie Jesus appartenant au passé, et le seul guide (mahdi) connu étant Mohamed : le terme mahdi étant un dérivé araméen de la racine  pour guider que l’on retrouve très souvent dans le texte coranique, quant au concept faruq il semble qu’il ait été élaboré par les Juifs à l’attention du premier calife de l’islam comme une sorte de sauveur annonçant leur propre Messie, etc…, quant à l’Apocalypse seule la divinité en connaît l’Heure) : ces différentes évolutions s’intégrant dans les deux, trois premiers siècles au corpus théologique musulman pas encore fixé : tout comme l’existence ou la survivance de toutes ou la plupart des hérésies chrétiennes voir juives lors des conquêtes musulmanes expliquent parfaitement a posteriori l’influence de celles-ci sur le corpus théologique islamique en cours de formation : mais cette explication a posteriori autant logique que démontrable semble ignorée de ceux qui veulent la placer a priori sans être à même de fournir autre chose que des arguments circulaires fondés plus sur des préjugés ou tel agenda politique/religieux que sur quelque élément pertinent et indiscutable.  


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