Commentaire de Bovinus
sur Grèce : un galop d'essai pour Le Pen qui voudrait sortir de l'euro !


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Bovinus Bovinus 9 mai 2011 15:28

juluch :
« L’euro nous a foutu dans la mouise, personne ne peux le nier. »

Moi, je le peux. Mieux encore, je vais même vous expliquer ce qui est irrecevable dans votre hypothèse, et par là même, pourquoi celle-ci est fallacieuse.

Votre déclaration est partielle parce qu’il y a une erreur dans l’énoncé. Vous parlez d’un phénomène que vous appelez « euro » et dont vous dites qu’il nous a « foutu dans la mouise ». Et pourtant, si on y est bel et bien (et c’est précisément pourquoi je n’ai pas rejeté votre déclaration en bloc), ce n’est pas l’euro, c’est à dire, le passage à une monnaie unique, qui nous y a mis.

C’est qu’en réalité, sous ce vocable d’euro, très pratique et très générique, il y a trois phénomènes bien distincts. Il y a en effet le passage à la monnaie unique (qui a eu lieu, en fait, au tout début des années 90 et peut-être même avant).

Mais le moment où cette monnaie unique s’est concrétisée sous forme de pièces et de billets et de matraquage médiatique, a été celui où on a eu droit à une dévaluation, de l’ordre de 20%. C’était au cours de l’année 1999, et probablement avec l’intention de donner un petit coup de pouce aux exportations du tout nouveau tout beau Euroland. Bien évidemment, nos salaires n’ont pas bougé. On a donc perdu d’un coup d’un seul 20% de pouvoir d’achat. Les rares trouble-fête à s’en être aperçu dans l’europhorie ambiante ont mis ça sur le dos des méchants commerçants, puis on oublia peu à peu le franc et les prix d’avant.

Et, en même temps, kar il faut bien komsommer parce qu’il est bien connu que la konsommation, ça fait marcher l’industrie et que ça krée des emplois, les revenus les plus élevés ont konnu une très sensible et très régulière progression depuis cette période. Probablement pour rékompenser komme il se devait d’avoir fait du si bon boulot ceux qui les percevaient. On est donk très logiquement arrivés à un très net kreusement des inégalités de revenus, car les riches ont beau être riches, ils ne sont pas assez nombreux pour absorber la produktion effrénée d’une société de konsommation désormais (presque) komplètement globalisée lancée à plein régime, dans une konkurrence saine et institutionnalisée, dopée à grands koups de... Kredit.

Arriva alors, quelque part au cours de l’année 2007, ce qui devait logiquement arriver : un krach dont nous ne sommes qu’au début. Simultanément, encore une fois, s’est produite une deuxième dévaluation, cette fois plus violente, de l’ordre de 30 à 40%. C’est à dire qu’en moins d’une décennie, on a dévalué l’eurodollar d’environ 50 à 60% (je dis « eurodollar » parce qu’aussi bien le dollar que l’euro ont suivi une évolution parallèle, ce qui porte à croire que c’est en fait la même monnaie...). Sans toucher aux revenus des classes moyennes ni pauvres. Ce qui fait que les classes moyennes sont devenues pauvres, et les pauvres sont devenus des quasi-misérables. Pour les salaires des riches... mais faut-il vraiment que j’en parle ?

Rassurez-vous, nous n’en sommes pas encore au niveau des Chinois. Mais on s’y achemine tout droit, parce qu’il semble bien qu’on est rentre dans ce que M. Friedman tenait pour son pire Kauchemar : l’Hyperinflation. Pour vous en rendre compte, regardez le cours de l’or, sur 10, 15, 20 ou 40 ans (si vous arrivez à trouver ces données quelque part...). Vous allez prendre une claque.

Il n’est pas encore garanti ni clairement démontré que l’euro en soi, en tant que monnaie unique, soit réellement un problème. J’aurais tendance à voir la monnaie unique et les dévaluations (logiques, tout compte fait) comme des données neutres en soi. Les problèmes réels sont ailleurs, et il n’ont pas de rapport direct avec l’euro. En ce qui concerne l’euro proprement dit, l’inconvénient manifeste est qu’on n’a aucun contrôle dessus, mais cela peut être arrangé avec une réforme adéquate de la BCE (et donc du fonctionnement des plus importantes institutions européennes). J’aurais tendance à dire qu’en cas d’échec de cette réforme, oui, la sortie de l’euro devrait être envisagée.

Mais il n’est jamais bon de réagir à chaud sur un sujet aussi délicat, parce qu’une telle décision n’a pas que des conséquences économiques, et toutes ne sont pas prévisibles.


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