Commentaire de easy
sur Êtes-vous miro ?


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easy easy 1er juin 2011 14:48

Vous aurez peu de chance de trouver du beau, au sens de Bernin, dans les sculptures modernes qui, de toutes manières, ne prétendent pas du tout jouer du même effet.
Alors parler des productions contemporaines à l’aune de celles de Le Bernin, c’est forcément vouloir dire son mépris de l’actuel.

Le Bernin c’est une chose et vous vous êtes déjà offert l’occasion d’en parler.
Miro, César Manrique, Calder, c’est autre chose.


Les Anciens allaient à ciseler les liens entre leurs dieux et les hommes. La Passerelle, entre le Terre et le Ciel, c’est cela qu’ils cherchaient à réaliser.
Ils représentaient dieu, ils représentaient l’homme aspirant à la divinité, ils confondaient hommes et dieux.

La Révolution a interdit aux artistes de poursuivre dans cette direction de médiumnité homme-divin.
On ne devait plus pouvoir dire d’une oeuvre qu’elle était divine ou qu’elle semblait avoir été faite par un dieu.

Le terre-à-terre ou en tous cas le strictement humain, ( toutes transcendances incluses sauf celles versant dans les divinités classiques) c’est ce qui restait donc à explorer à partir du moment où l’on a chassé le curé. 

Delacroix, Turner, Manet, Monet, Picasso, Munch, tous nexplorent plus que l’homme (romantisme, folie, passions, démesure, colère, calme, consumériste, angoissé, penseur, inclus).
Là encore, ils réalisent des passerelles mais entre nous. Ils bossent sur nos relations non aux dieux (sinon ceux du matérialisme, du scientisme, du culturisme) mais aux hommes et à ses objets. 

On va donc par exemple photographier un badaud en train de regarder passer un tracteur. Ce faisant on va conduire les observateurs à gamberger certes sur le tracteur mais aussi sur le badaud et encore sur le photographe qui a considéré intéressant de capturer ce fait et enfin sur nous qui contemplons la chose et participons pleinement à la chaîne des observés.

 
Les passerelles et liens entre nous et aussi entre les hommes et leurs objets, leurs passions, leurs transcendances (hors divinités classiques, donc hors divinités qui nous créent, qui nous enfantent) sont à la fois connues et établies (notre attachement à l’automobile est archi connu). Les artistes peuvent donc travailer sur ce connu, mais sous un angle insolite ou technicisé (image au ralenti, accélérée, inversion des couleurs, anamorphoses...).
Ils peuvent aussi travailler sur l’inconnu. Ca consiste soit à réaliser des liens jusque là non établis. Avant Christo nul de faisait de lien entre un emballage et un pont.
Soit à inverser les liens jusque là convenus. D’un cube de voiture écrasée jusque là rattaché à la poubelle, l’artiste va montrer que ça pourrait être conservé parce que ça fait réfléchir, ça ouvre des fenêtres mentales. D’un urinoir à l’endroit, on va montrer que c’est une fontaine à l’envers...

Alors, lorsque quelqu’un, si possible célèbre, propose une nouvelle passerelle, juxtaposition, inversion, entre des objets jusqu’alors sans liens, il fait oeuvre d’artiste contemporain.

Dans mon garage, sont juxtaposés une enclume, un pot de chambre, un boulon de 8 et une épuisette.
A part mes enfants et mon chien, cette juxtaposition ne parle à personne et chacun considère qu’il n’y a pas de lien à voir entre ces choses. Elles ne sont là que par hasard.


Amélie Poulain, Claude Lelouch, visent à montrer que des choses semblant sans liens, en ont vraiment.

Miro, dans cette oeuvre que vous nous montrez, propose très officiellement de nous concentrer sur cet ensemble d’objets volontairement et définitivement rapprochés. Chacun des observateurs, avertis qu’il doit y avoir quelque profit à tirer de l’étude de cette proposition (aussi étonnante que du André Breton avec les mots) vont passer quelques minutes à gamberger et chacun déploiera une activité cérébrale en exploration de liens (connus et inconnus) Le résultat des explorations individuelles restent in petto, les gens ne papotent pas de ces images-passerelles qu’ils ont inventé dans leur écran intérieur, mais chacun aura fait fonctionner ses méninges, même longtemps après avoir quitté la vue directe sur l’oeuvre.

D’autres bloqueront peut-être sur un autre problème pendant que vous avez bloqué sur la vanne rouge. Peu importe, chacun de nous aura développé une activité cérébrale en activant des neurones jusque là en stand bye.


Ici, Miro a parfaitement réussi son rôle d’excitateur ou de suscitateur de liens entre nous et nous ainsi qu’entre nous et nos productions. Sans plus évoquer les références classiques, Dali s’en étant déjà chargé, par exemple avec sa Vénus de Milo à tiroirs.


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