Commentaire de Lucknow
sur Le cartable électronique ou la mise en boîte de l'enseignement
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Lucknow
4 août 2011 23:01
Si j’ai des désaccords, c’est surtout par rapport à votre vision d’un processus conscient et organisé. Mener à bien un projet mondial aussi organisé demanderait des capacités gigantesques, que je vois mal nos « élites » mener, vu leur niveau.
Le travail n’est-il pas de brûler toutes les œuvres écrites sans exception, l’épisode de la Princesse de Clèves ne fut que prémices, les classes des humanités fermées par manque d’élèves et de crédits, les suites déjà connues.
Non, pour moi clairement pas, l’épisode de la Princesse de Clèves relève de l’anti-intellectualisme d’un individu en particulier, qui n’a visiblement pas oublié son parcours scolaire médiocre, qui a pu également se reconnaître dans le roman et mal le prendre (cf Richard Attias et Cécilia Sarkozy). Quant aux éditeurs de e-books, ils éditent tout, y compris des oeuvres pas franchement grand public ni « mainstream ». Google numérise tout, y compris des livres imprimés anciens, avec certes des arrière pensées totalement mercantiles, mais si leur but était véritablement d’éradiquer tout le patrimoine culturel, ils procéderaient tout autrement. Tout ce qu’ils veulent, c’est vendre de la camelote et peu importe ce qu’elle est, pourvu que ça rapporte. Là où leur rôle n’est pas neutre, c’est qu’ils introduisent des technologies nouvelles, et la technologie n’est pas neutre, elle induit et pousse à de nouveaux usages, en l’occurrence le zapping et le manque d’approfondissement, mais j’ai du mal à y voir la marque d’un complot prémédité.
Les humanités ont été un moment particulier de l’histoire culturelle de l’Europe, mais les figer serait une erreur. Loin de moi l’idée de nier les mérites du latin, mais aujourd’hui, à part pour les linguistes, pourquoi s’y acharner ? Quasiment toutes les oeuvres ont été traduites, et en latin, la part la plus intéressante n’est pas la littérature (les Grecs et les auteurs médiévaux ont fait mieux et plus original), mais toutes les oeuvres historiques, philosophiques, et là, ce n’est pas le style qui compte mais l’expression des idées, rôle rempli par les traductions. Tant qu’à faire apprendre des langues, privilégions par exemple l’allemand, qui met à portée toute la philosophie et les sciences sociales de ce pays. Une langue morte ne peut pas se maintenir indéfiniment, pour le latin, c’est une bifurcation historique qui date de la Renaissance, quand la langue on ne peut plus vivante des clercs médiévaux s’est fait muséifier et a perdu toute capacité d’évolution, et il est aujourd’hui impossible de revenir en arrière, pour plein de raisons, y compris que l’on a écrit plus en latin depuis des siècles, à de rares exceptions.
Si l’on veut parler des ravages des sciences de l’éducation, OK, mais leur action a commencé bien avant l’informatique de masse et son arrivée dans les collèges et lycées. Le fond du problème est que l’école n’apprend plus, ou plus assez, mais elle a commencé avant les TICE. Il est totalement vrai par contre que celles ci sont les mieux placées pour donner un emballage agréable à la vacuité intellectuelle, un exemple/parallélisme peut être fait avec les écrans tactiles/interactifs des musées, qui ont remplacé souvent les bonnes vieilles plaquettes murales, certes moins sexy mais au contenu souvent bien plus riche. Dans ce cas, il s’agit d’une poussée de la « culture de masse » à l’intérieur de l’école, mais elle est bien antérieure au pouvoir croissant de petits groupes d’individus, elle date de l’après 45, justement à une époque où le pouvoir de ces petites coteries était momentanément affaibli.
Mais au fond, les divergences que je peux avoir sur les causes ne changeront pas grand chose à un constat commun, c’est une catastrophe qui s’annonce, parce qu’une éducation au service d’intérêts privés mènera au désastre.