Commentaire de Tristan Valmour
sur Education : Auxerre ou PSG ?


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Tristan Valmour 28 septembre 2011 10:06

Bonsoir

Je ne suis pas d’accord avec vous, et je vais m’en expliquer

Les universités privées de culture anglo-saxonnes (USA, RU, Asie comme Singapour) ne sont pas toutes devenues des machines à fric. Les présidents de ces universités sont certes des gestionnaires dont le rôle principal est d’aller chercher de l’argent. Celui-ci est apporté par les étudiants, par les anciens étudiants qui font des dons, et par des sponsors qui donnent ensuite leur nom à la chaire d’un professeur. Il faut également savoir que ces universités privées SONT AUSSI LARGEMENT FINANCEES PAR LES ETATS.

Cela étant posé, on peut distinguer deux catégories d’universités privées. Celles qui effectivement ont pour charge de faire du fric, de réaliser des bénéfices. Il y a par exemple aux US des investisseurs qui rachètent une licence d’enseignement aux établissements supérieurs d’enseignement catholique moribonds. Généralement, ce sont les étudiants mal classés au concours qui vont dans ces universités. La France connaît le même phénomène avec des établissements supérieurs privés (surtout dans le domaine du commerce) où l’on délivre un diplôme bidon contre de l’argent. Ils empruntent de l’argent et se retrouvent à la fin de leur parcours avec un diplôme qui ne vaut rien, parce que les employeurs connaissent les mauvaises universités. Mais il y a des universités privées dont la tâche est de produire un enseignement de qualité, qui coûte effectivement cher, non pas parce que le salaire des professeurs est très élevé, mais parce que lorsqu’on enseigne, il faut aussi publier, donc effectuer des recherches. Cela coûte cher. On présente d’abord un avant-projet pour lequel on reçoit un petit financement (qui est presque automatiquement accordé), puis cet avant-projet réalisé, on passe devant une commission qui est chargée de déterminer quels seront les avantages pour l’université à réaliser ce projet. A savoir aussi que de nombreux enseignants montent une entreprise privée pour commercialiser le fruit de leur découverte, et donnent des conférences.

Quant aux « stars » de la recherche (Harvard, Stanford, Mit, etc.), comme vous dites, eh bien, elles enseignent très peu. Ce sont des membres de leur équipe (des doctorants par exemple ou des « professeurs associés »), qui assurent le plus souvent les cours. Les étudiants ne voient quasiment pas ces « stars », et si leur nom apparaît sur le programme, il faut considérer l’équipe qui est derrière. Ce qui signifie que les étudiants préfèrent de plus en plus aller dans de petites universités privées où les professeurs assurent eux-mêmes l’enseignement. Il y a d’ailleurs de nombreuses universités, privées ou publiques, qui proposent un enseignement de qualité dans un certain nombre de domaines précis et qui sont à la ramasse dans d’autres. Le fonctionnement n’a rien à voir avec les Grandes Ecoles françaises.

La différence entre université publique/privée se fait davantage sur le statut de l’étudiant. Dans les universités publiques, celui-ci s’apparente à l’étudiant français, qui a peu son mot à dire, et cela est vrai du community collège au state collège. En revanche, dans les universités privées, l’étudiant est considéré comme un client. Cela signifie que le syllabus doit être très précis parce qu’il s’agit d’un contrat entre l’université et l’étudiant, et que les avocats des différentes parties interviennent pour défendre les uns ou les autres en cas de litige. Tout y est écrit, y compris le mode d’administration des contrôles, le type de sujet qui sera proposé, etc. D’autre part, il faut effectivement ménager l’étudiant-client, c’est-à-dire faire attention aux remarques qui annotent la copie, éviter de donner une note inférieure à C, etc. Contrairement à ce que l’on pourrait déduire, dans les bonnes universités privées, l’étudiant-client n’achète pas pour autant son diplôme, c’est juste une mentalité et des relations différentes entre professeurs et étudiants, difficiles à concevoir en culture française. Les étudiants français n’ont pas leur mot à dire, ils ont peu de recours, ils s’écrasent face aux professeurs. Les étudiants américains, anglais et asiatiques (d’inspiration anglo-saxonne) ont un pouvoir différent, donc cela entraîne des relations différentes. En plus, ils sont notés par les étudiants. Cela n’a rien à voir avec le sujet, mais les étudiants anglo-saxons mangent et boivent en cours, entrent et sortent comme ils veulent, et certains arrivent même en pyjama (enfin, c’est arrivé une fois, mais ce serait inconcevable en France).

Vous n’avez pas non plus parlé de la concurrence entre professeurs, que ce soit dans les universités publiques ou privées. Celle-ci est très rude, on convoite aisément la place de son voisin, avec tous les coups tordus qu’on peut imaginer. Mais encore une fois, cela est dû à la mentalité anglo-saxonne, pas à la différence public/privé.

Quant au système universitaire public français, le problème, c’est le manque d’argent, pas le manque de compétence. Les profs français sont d’ailleurs très appréciés et ils sont pillés par les collègues anglo-saxons. Honnêtement, dans l’ensemble, les profs français font du bon travail avec très peu de moyens.

Le système d’examen d’entrée à l’université, comme ce qui se fait dans le monde anglo-saxon, est très mauvais, et vous souhaitez à tort l’importer en France. Effectivement, ce système d’examen favorise les étudiants friqués qui ont les moyens de se préparer une préparation avec des sociétés comme Kaplan. D’autre part, il faut savoir qu’on peut suivre des cours dans une université américaine très cotée si on a raté l’examen d’entrée, à la condition que des membres de sa famille aient auparavant fréquenté ladite université. D’autre part, les examens d’entrée américains sont des tests psychométriques qui ne garantissent absolument pas la qualité d’un étudiant. Le système français au contraire, donne la chance à des étudiants, trop peu nombreux certes, de se ressaisir et donner la pleine mesure de leurs capacités. Il faut donc davantage encadrer les étudiants français et entretenir leur motivation.

Avec votre système, non seulement vous tuez la recherche (mais vous avez bien annoncé que vous vous en fichez, c’est votre droit), mais aussi vous allez favoriser de beaux syllabus attractifs sur le papier, avec un contenu nul. Quant à l’évaluation par l’Etat, je doute de l’efficacité de ce système. Les universités US sont évaluées tous les 10 ans environs, et franchement, elles ne sont pas toutes de qualité. Pourtant, elles sont toujours là.

J’aime bien les évaluations et le mérite, à condition de définir objectivement les critères, ce qui n’est pas et n’a jamais été le cas.


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