Commentaire de migaby
sur Un Revenu Universel est-il raisonnablement finançable ?


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migaby migaby 31 janvier 2012 15:38

Que de réactions !

Je tenais à appuyer les quelques commentaires soutenant la démotivation des individus face au travail : s’il est vrai qu’une personne a besoin d’être en activité, moi la première, il est aussi évident qu’elle se passerait bien de se sentir traitée comme une « sous-m*** » pour exercer un travail difficile, ingrat voire même non nécessaire.

Une aide soignante qui « lave le cul » des personnes âgées est utile et c’est bien le genre de profession qui mériterait d’être valorisée, surtout dans le contexte actuel du monde du travail.

Mais un équipier polyvalent en fast-food ne verrait peut-être plus l’intérêt d’être chronométré sous pression à 3mn30 par commande client pour se faire finalement enguirlander par ce même client parce que les jus de fruits sont en rupture.

Un préparateur de commandes dans un entrepôt appartenant à une grande chaine de centre commercial ne verrait plus, lui non plus, l’intérêt de se voir interdire d’aller pisser ou de manger un gâteau pour garder la pêche sur 5h30 de travail sans pause, à marcher continuellement d’un pas pressé, à manipuler de nombreux articles lourds, à devoir travailler sans climatisation dans un entrepôt en tôle en plein été et, tout en sueur, être obligé de rentrer dans le congélateur où le ventilateur crache de l’air avoisinant les -20°C pour aller chercher une partie de la commande à apporter au client, client insatisfait pour X raison et qui regardera l’employé décharger ses nombreux packs de boisson et autres articles lourds les bras croisés.

C’est le genre de travail que l’on refourgue volontiers à des étudiants. Les étudiants seraient prêts à accepter n’importe quoi pour survivre, dans la mesure où même les étudiants boursiers ne peuvent se contenter de leurs aides pour payer un loyer et manger (ce qui est le strict minimum, mais rare sont les étudiants prêts à sacrifier leur jeunesse pour le strict minimum).

L’Etat part du principe que les parents ont pour devoir de subvenir aux besoins de leurs enfants, même boursiers. Mais il arrive souvent que des parents d’étudiants non boursiers refusent d’aider financièrement leurs enfants, comme il arrive que des parents d’étudiants boursiers n’aient pas les moyens de le faire.
Je parles en connaissance de cause.

Moi-même étudiante boursière, j’ai besoin de travailler pour gagner ma vie. Non seulement la bourse ne suffit pas à couvrir mes besoins sur toute l’année, mais en plus l’été elle est suspendue.
J’ai donc trouvé un boulot étudiant qui me bouffe tout mon temps libre. Si je le pouvais, je me contenterai de faire mes études, j’aurai du temps pour m’y impliquer sérieusement et pour mes loisirs (histoire de ne pas perdre la tête), à la suite de quoi je pourrais finir par me rendre utile en pratiquant l’activité que j’ambitionne.
 En ceci, le RU s’avèrerait être un avantage pour le genre de personnes répondant à mon profil : les étudiants.

Mais voilà. Si les étudiants seront contents de ne plus avoir à accepter de tels boulots pendant leurs études, qui va les remplacer au poste ?
Peu de gens seraient prêts à accepter de telles conditions de travail pour une activité aussi peu gratifiante, surtout s’ils peuvent vivre de leur RU.
 Faire des frites ou pousser des caddies ne représentent pas la crème des activités plaisantes. C’est harassant et déprimant.

C’est ce qui poserait le problème de la perte de la main d’oeuvre dans beaucoup de secteurs. Parce que si on peut partir du principe qu’il faut augmenter le salaire des gens qui rendent vraiment service comme les aides soignantes et les pompiers par exemple, mais aussi les agents d’entretien, les agriculteurs etc., on ne peut décemment pas payer plus cher un équipier polyvalent en fast-food qu’une infirmière pour lui donner envie d’aller travailler.
Si on partait tout de même du principe de l’augmentation des salaires pour attirer les travailleurs, les multinationales fermeraient probablement leurs portes en France.

Le RU poserait peut-être aussi un problème pour certaines personnes, je pense aux malades.
Puisque le RU n’est cumulable avec aucune autre aide, les médicaments ne seraient plus remboursés par la sécurité sociale, c’est bien ça ? Hors même si je ne connais pas le détails des chiffres, on entend souvent dire que certains médicaments sont hors de prix. Une personne malade ne pouvant travailler, ou même une personne handicapée physiquement et ne pouvant travailler ; ne touchant que le RU à 900€/mois, devront payer de surcroit des médicaments ou des soins médicaux qui leur sont vitaux (alors qu’une autre personne pourra disposer pleinement de ses 900€, voire même se trouver un travail pour gagner plus d’argent, et aura largement de quoi payer ses antibiotiques le jour où elle attrapera la gastro).
Cela ne créerait-il pas un problème d’inégalités dans l’accès aux soins ?

Je pensais aussi aux personnes âgées qui n’ont plus droit à une retraite calculée en fonction de leur rémunération par rapport au travail effectué tout au long de leur vie, et qui reçoivent d’office un RU. 900€ pour une retraite, c’est bien au-delà de ce à quoi peuvent prétendre beaucoup de personnes âgées en ce moment. J’ai envie de dire : c’est cool :)
Mais pour les personnes âgées ayant été beaucoup rémunérées en plus du RU durant toute leur vie, et qui vivent alors dans des conditions particulièrement aisées (par exemple qui possèdent un pavillon de luxe sur la côte). Comment vont-ils faire pour assumer leur nouveau train de vie (900€/mois) alors qu’ils avaient jusque là bien assez d’argent pour vivre de façon très confortable ?
Pas que je veuille encourager les privilèges, mais on ne peut pas décider de changer le train de vie d’une personne du jour au lendemain comme ça.
Et on peut appliquer aux personnes âgées le même problème qu’avec les malades, car ils sont plus susceptibles qu’un jeune adulte d’avoir besoin de soins médicaux tout particuliers.


En conclusion, selon moi
 :
Le Revenu Universel = étude très humaine et très intéressante, mais encore à approfondir et à adapter à la réalité des faits.


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