Commentaire de Sylvain Reboul
sur De la nécessaire légalisation de la prostitution


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Sylvain Reboul Sylvain Reboul 25 mars 2006 08:18

Vous vous référez à votre croyance chrétienne personnelle pour condamner la prostitution en cela qu’elle vous paraît particulièrement immorale et votre position personnelle est respectable.

Or elle est respectée à partir du moment où on ne vous oblige pas à pratiquer la prostitution ; ce qui est le cas, en cas de légalisation : celle-ci ne vous oblige en rien tout en n’interdisant pas à ceux qui ne partage pas votre croyance de le faire. Encore faut-il que cette pratique ne vous choque pas ; donc il s’agit de faire en sorte qu’elle se pratique dans un cadre discret et/ou non visible par vous et ceux qui partagent votre croyance.

Ceci veut dire que nous ne sommes pas dans le cadre d’un choix majoritaire, car à ce compte il faudrait interdire toute croyance et pratique minoritaire qui choquerait la majorité (ex : la soi-disante homosexualité), mais dans celui de la liberté individuelle de disposer de son corps selon ses croyances dans la mesure où cette libre disposition ne concerne pas d’autres personnes non consentantes.

Conclusion : la démocratie ne se réduit pas à la loi majoritaire dès lors qu’elle peut devenir tyrannique vis-à-vis des minorités (majorité et minorité du reste sont variables et inconstantes) mais est, d’abord, un régime qui respecte les libertés individuelles, donc les minorités dans la mesure où celles-ci respectent les droits fondamentaux, y compris sociaux, des individus. La loi majoritaire ne peut s’imposer à tous que si les droits des individus sont respectés par elle. La pratique monnayée de la sexualité relève donc non de la loi majoritaite, mais de la seule liberté individuelle et doit donc être légalisée quant aux conditions de son exercice économique pour des raisons de santé publique et de droit social des personnes.

On touche ici au fondement même de la pensée libérale et de la démocratie pluraliste : nul n’ a le droit d’imposer ou d’interdire au nom d’une croyance, même majoritaire, tel ou tel type de comportement qui relève de la seule liberté individuelle, y compris sur le plan économique, en particulier dans le domaine intime, sexuel ou religieux, dans le mesure où ce comportement n’oblige en rien ceux qui le refusent à le pratiquer. Ce qui est interdit, c’est bien d’imposer aux autres qui ne les partagent pas ses croyances et les pratiques qui en découlent. La loi générale, n’est légitime que si elle promeut la liberté de chacun sans nuire à celle des autres.

Le rasoir philosophique


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