Commentaire de Christian Labrune
sur Moyen-Âge : la féodalité, un système mutualiste


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Christian Labrune Christian Labrune 23 décembre 2012 19:17

« Juste avant les récoltes, il organise des chasses à cour dans les céréales pour détruire les récoltes de ses hommes.(c’est ce que l’on m’a appris à l’école). »

@Postillon

Ca ne m’étonne pas qu’on vous ait appris ça à l’école. Depuis la troisième république, on a formaté les instituteurs pour qu’ils enseignent qu’avant la Révolution française, le monde était plongé dans les ténèbres. En 81, dans le même esprit, quand l’homme à la francisque est devenu Président de la République, un certain Jack Lang a osé dire aussi qu’enfin la France « entrait dans la lumière ». J’ai subi l’école primaire comme vous, dix ans après la guerre, mais il faut craindre que cela n’ait pas beaucoup changé : lorsque j’avais des classes de seconde, je trouvais beaucoup d’élèves qui m’expliquaient que La Fontaine était une sorte de révolutionnaire avant la lettre, qui aurait dénoncé à ses risques et périls l’abominable monarchie absolue de Louis XIV. C’est parfaitement idiot. La dénonciation des injustices sociales fait partie de l’héritage chrétien, elle est déjà extrêmement présente chez les franciscains du XIIIe siècle et ne comporte pas une mise en question des institutions politiques. Vincent de Paul, Bossuet, Fénelon, se sont préoccupés, tout comme La Fontaine et La Bruyère, de la condition des pauvres, mais sans jamais remettre en question le principe monarchique. Quand Bossuet prêchait devant la cour et devant le roi l’idée que les hommes étaient égaux et qu’il fallait secourir les plus pauvres, Louis XIV n’aurait pas songé à s’en émouvoir : cela faisait partie depuis toujours de la doxa chrétienne même, si , bien entendu, entre ce qu’il fallait faire et ce qu’on faisait réellement, il y avait toujours une grande marge. Su ce point, les choses n’ont guère changé. Voltaire lui-même, mort une dizaine d’années avant la révolution et admirateur des institutions anglaises, n’aurait jamais songé lui-même à en finir un jour avec la monarchie. Et Rousseau, qui a tant influencé des gens comme Robespierre, considérait que la république convenait très bien à Genève, dans un tout petit pays, mais que c’était impossible à mettre en place en France.

Les images d’Epinal : c’est très bien, ça frappe les imaginations de ceux qui n’ont pas accès aux grandes bibliothèques, mais la réalité des choses ne se laisse guère enfermer dans de telles simplifications.


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