Commentaire de louphi
sur Quand Staline planifiait la Grande famine d'Ukraine


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louphi 27 décembre 2012 11:18

(suite 1/2)

2. De la politique de limitation des éléments koulaks à la politique de liquidation des koulaks comme classe. Lutte contre les déformations de la politique du Parti dans le mouvement kolkhozien. Offensive contre les éléments capitalistes sur toute la ligne du front. Le XVIe congrès du Parti.

L’adhésion massive des paysans aux kolkhoz en 1929-1930 fut le résultat de toute l’activité antérieure du Parti et du gouvernement. L’essor de l’industrie socialiste, qui avait commencé la fabrication en grand des tracteurs et des machines pour l’agriculture ; la lutte décisive contre les koulaks lors des campagnes de stockage en 1928-1929 ; le progrès de la coopération agricole, qui habituait peu à peu le paysan à l’économie collectivisée, l’expérience concluante des premiers kolkhoz et sovkhoz, tout cela avait préparé le passage à la collectivisation intégrale, l’adhésion des paysans aux kolkhoz, par villages, par rayons, par arrondissements entiers. Le passage à la collectivisation intégrale ne s’opérait pas par la simple et pacifique adhésion des masses essentielles de la paysannerie aux kolkhoz, mais à travers une lutte de masse des paysans contre les koulaks. La collectivisation intégrale signifiait que toutes les terres du village devaient passer au kolkhoz ; or une partie notable de ces terres étaient détenues par les koulaks. C’est pourquoi les paysans les chassaient de la terre, les dépossédaient, leur enlevaient le bétail et les machines ; ils exigeaient du pouvoir soviétique que les koulaks fussent arrêtés et expulsés.

C’est ainsi que la collectivisation intégrale signifia la liquidation des koulaks. C’est ainsi que se réalisa la politique de liquidation des koulaks comme classe sur la base de la collectivisation intégrale. A cette époque, l’U.R.S.S. possédait déjà une base matérielle suffisante pour en finir avec les koulaks, pour briser leur résistance, les liquider en tant que classe, et remplacer leur production par celle des kolkhoz et des sovkhoz.

En 1927, les koulaks produisaient encore plus de 600 millions de pouds de blé [1 poud = 16 kg, 38] dont environ 130 millions de pouds de blé marchand. Les kolkhoz et les sovkhoz, à la même date, ne pouvaient produire que 35 millions de pouds de blé marchand. En 1929, grâce à la ferme orientation du Parti bolchevik dans le sens du développement des sovkhoz et des kolkhoz, et grâce aux succès de l’industrie socialiste qui approvisionnait la campagne en tracteurs et en machines agricoles, les kolkhoz et les sovkhoz étaient devenus une force sérieuse. Dès celte année-là, les kolkhoz et les sovkhoz ne produisirent pas moins de 400 millions de ponds de blé, dont plus de 130 millions de pouds de blé marchand, c’est-à-dire plus que n’en avaient produit les koulaks en 1927. En 1930, les kolkhoz et tes sovkhoz devaient donner, et ils ont réellement donné, plus de 400 millions de pouds de blé marchand, c’est-à-dire une quantité de beaucoup supérieure à celle qu’avaient donnée les koulaks en 1927.

C’est ainsi que le regroupement des forces de classe dans l’économie du pays et l’existence de la base matérielle nécessaire pour pouvoir remplacer la production koulak du blé par celle des kolkhoz et des sovkhoz, permirent au Parti bolchevik de passer de la politique de limitation des koulaks à une politique nouvelle, à la politique de liquidation des koulaks comme classe, sur la base de la collectivisation intégrale.

Jusqu’en 1929, le pouvoir des Soviets avait appliqué une politique de limitation des koulaks. Il frappait le koulak d’un impôt majoré ; il l’obligeait à vendre à l’Etat son blé aux prix fermes ; il bornait la jouissance du sol pour le koulak à une superficie réduite par la loi sur l’affermage de la terre ; il imposait des limites à l’économie koulak par la loi sur l’emploi de la main-d’œuvre salariée dans les exploitations paysannes individuelles. Mais il n’appliquait pas encore la politique de liquidation des koulaks, puisque les lois sur l’affermage et l’emploi de la main d’oeuvre toléraient l’existence des koulaks, et que 1’interdiction de les déposséder, alors en vigueur, leur donnait certaines garanties à cet égard. Cette politique entravait le développement des koulaks, dont Certaines couches avaient succombé aux mesures de limitation, avaient été évincées et ruinées. Cependant, elle ne supprimait pas la base économique des koulaks comme classe. Elle ne conduisait pas à la liquidation des koulaks. C’était une politique de limitation, et non une politique de liquidation des koulaks. Mais elle avait été indispensable pendant une certaine période parce que les kolkhoz et les sovkhoz étaient encore faibles et ne pouvaient remplacer la production de blé des koulaks par leur propre production.

Fin 1929, en présence du développement des kolkhoz et des sovkhoz, le pouvoir des Soviets opéra un tournant vigoureux. Il passa à la politique de liquidation, à la politique de suppression des koulaks comme classe. II abolit les lois sur l’affermage du sol et l’emploi de la main-d’oeuvre, retirant ainsi aux koulaks la terre et la main-d’oeuvre salariée. Il leva l’interdiction de tes déposséder. Il autorisa les paysans à leur confisquer, au profit des kolkhoz, le bétail, les machines et autre matériel. Les koulaks furent expropriés comme les capitalistes l’avaient été en 1918 dans le domaine de l’industrie, avec cette différence pourtant que les moyens de production des koulaks passaient, cette fois, non plus à l’Etat, mais aux paysans associés, aux kolkhoz. Ce fut là une transformation révolutionnaire des plus profondes, un bond effectué de l’ancien état qualitatif de la société à un nouvel état qualitatif, équivalant par ses conséquences à la Révolution d’Octobre 1917. Cette révolution avait ceci d’original qu’elle avait été accomplie d’en haut, sur l’initiative du pouvoir d’Etat, soutenu directement d’en bas, par des millions de paysans en lutte contre l’emprise koulak, pour la libre vie kolkhozienne.

Cette révolution tranchait d’un seul coup trois problèmes fondamentaux de la construction du socialisme :

a) Elle liquidait la classe d’exploiteurs la plus nombreuse dans notre pays, la classe des koulaks, rempart de la restauration du capitalisme.

b) Elle faisait passer de la voie de l’économie individuelle, qui engendre le capitalisme, à la voie de l’économie collective, kolkhozienne, socialiste, la classe laborieuse la plus nombreuse de notre pays, la classe des paysans.

c) Elle donnait au pouvoir des Soviets une base socialiste dans le domaine le plus vaste, le plus indispensable à l’existence, mais aussi le plus arriéré de l’économie nationale, dans l’agriculture.

C’est ainsi que furent supprimées, à l’intérieur du pays, les dernières sources de restauration du capitalisme ; et en même temps on créait les conditions nouvelles, les conditions décisives, qui étaient indispensables pour construire l’économie socialiste. En motivant la politique de liquidation des koulaks comme classe et en marquant les résultats du mouvement massif des paysans pour la collectivisation intégrale, le camarade Staline a écrit en 1929 :

« On voit s’écrouler et se réduire en poussière l’espoir ultime des capitalistes de tous les pays, qui rêvent de restaurer en U.R.S.S le capitalisme, le « principe sacré de la propriété privée ». Les paysans qu’ils considèrent comme un engrais destiné à préparer le terrain pour le capitalisme, abandonnent en masse le drapeau tant vanté de la « propriété privée » et s’engagent dans la voie du collectivisme, dans la voie du socialisme. Il croule, l’espoir ultime de voir restaurer le capitalisme. » (Staline : L’année du grand tournant. Voir Les Questions du léninisme.).

La politique de liquidation des koulaks comme classe fut consacrée par la décision historique du Comité central du P. C. de l’U.R.S.S. en date du 5 janvier 1930 « Sur les rythmes de la collectivisation et les dispositions prises par l’Etat pour aider à la construction des kolkhoz ». Cette décision tint parfaitement compte de la diversité des conditions et du degré inégal de préparation à la collectivisation dans les différentes régions de l’U.R.S.S. On établit des rythmes différenciés de collectivisation. Le Comité central du P.C. de l’U.R.S.S. divisa les régions de l’Union soviétique en trois groupes, suivant les rythmes de collectivisation à pratiquer.

Le premier groupe comprenait les plus importantes régions productrices de céréales, celles qui étaient les mieux préparées à la collectivisation et qui disposaient du plus grand nombre de tracteurs, de sovkhoz ainsi que de la plus grande expérience dans la lutte contre les koulaks lors des campagnes de stockage de blé. C’étaient le Caucase du Nord (régions du Kouban, du Don, du Térek), la Moyenne-Volga et la basse Volga. En de qui concerne ce groupe de régions céréalières, le Comité central proposa de terminer la collectivisation, pour l’essentiel, au printemps de 1931. Le deuxième groupe de régions à céréales, qui comprenait l’Ukraine, la Région centrale des Terres noires, la Sibérie, l’Oural, le Kazakhstan et les autres régions céréaliéres, pouvait achever la collectivisation, pour l’essentiel, au printemps de 1932. Les autres régions, territoires et républiques (région de Moscou, Transcaucasie, Républiques de l’Asie centrale, etc.) pouvaient échelonner les délais de collectivisation jusqu’à la sin de la période quinquennale, c’est-à-dire jusqu’à 1933.

Le Comité central du Parti estima nécessaire, en présence des rythmes de collectivisation de plus en plus élevés, d’accélérer encore la construction des usines produisant les tracteurs, les moissonneuses-batteuses et toutes les machines remorquées par les tracteurs, etc. En même temps, le Comité central exigeait que fût donnée « une riposte décisive aux tendances à sous estimer le rôle de la traction chevaline en ce stade du mouvement de collectivisation, aux tendances à vendre, à bazarder les chevaux ».

Les crédits accordés aux kolkhoz furent doublés pour l’année 1929-1930 (ils atteignirent 500 millions de roubles). On proposa d’assurer aux frais de l’Etat la répartition des terres aux kolkhoz. La décision comportait cette indication précieuse entre toutes que la principale forme du mouvement kolkhozien, à l’étape donnée, était l’artel agricole, où seuls les principauxmoyens de production sont collectivisés.

Le Comité central avait expressément mis en garde les organisations du Parti « contre la tendance à décréter, sous quelque forme que ce fût, le mouvement kolkhozien par en haut ; car de là peut venir le danger qu’au lieu de réaliser une émulation véritablement socialiste dans l’organisation des kolkhoz, on ne joue à la collectivisation ». (Le P.C. de l’U.R.S.S. dans ses résolutions, IIe partie, p. 662, éd. russe.) Cette décision du Comité central fit la clarté sur l’application de la nouvelle politique du Parti à la campagne. Un puissant mouvement kolkhozien se développa à la faveur de la politique de liquidation des koulaks et de collectivisation intégrale. Les paysans entraient dans les kolkhoz par villages et par rayons entiers ; ils balayaient de leur chemin les koulaks, dont ils rejetaient le joug.

Mais à côté des immenses succès remportés par la collectivisation, on vit bientôt apparaître des lacunes dans l’activité pratique des militants du Parti, des déformations de la politique du Parti dans le domaine de la construction des kolkhoz. Malgré l’avertissement du Comité central qui recommandait de ne pas se laisser griser par les succès de la collectivisation, nombreux furent les militants du Parti qui forçaient artificiellement la collectivisation, sans tenir compte des circonstances de lieu et de temps, ni du degré de préparation des paysans à leur adhésion au kolkhoz.


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