Commentaire de Philippe VERGNES
sur La « novlangue » des psychopathes


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Philippe VERGNES 14 mai 2013 08:42

Bonjour Gaspart Delanuit,

Tout d’abord merci pour votre lecture attentive dont témoigne vos remarques et questions. Je ne pourrais répondre ici à toutes (ou tout du moins, les développer entièrement) puisque, comme indiqué en conclusion de cet article, j’envisage de le faire dans un prochain billet.

Vous avez raison de souligner la phrase que vous relevez : c’est probablement elle que j’ai le plus hésité à insérer (et à conserver) dans tout ce texte. Et compte tenu du fait que, dans un premier jet, j’écris toujours plus que la production finale, elle a échappé à l’autocensure à chacune de mes relectures, car je pressentais bien qu’elle aurait pu « heurter » certains et donc, quelque part, rompre avec les « évidences » de la première partie de l’article.

Si je l’ai conservé, ce n’est uniquement parce que j’ai pris le parti (et le pari) de « bousculer » les lecteurs qui ont du mal à comprendre ce que peut être la psychopathie (pour ceux qui la connaissent, cette phrase ne choquera personne, car elle exprime simplement un état de fait qu’ils ont pour la plupart éprouvé).

Aussi, je vais essayer de vous donner une à une les réponses aux questions que vous posez :

(1) « - Pourquoi devrions-nous admettre ce que vous nous demandez d’admettre ? »

Parce que les progrès des sciences modernes (IRMf , EEG, TEP, etc.) qui explorent l’univers de notre cerveau sont aujourd’hui à même d’attester cette hypothèse, bien plus et bien mieux que ne l’ont jamais fait toutes les autres théories avant et viennent, de ce fait, en corroborer certaines et en éliminer d’autres. Et ce, même s’il faut considérer que nous ne sommes qu’au début de nos découvertes dans ce domaine. Maintenant il va de soit que si vous réfutez ce genre d’approche, trop scientifique ou pas assez, il faudrait commencer par me dire ce à quoi vous croyez pour que je puisse tenter de parler la même « langue » que vous.

(2) « - Les « psychopathes » doivent-ils tous être désignés comme « pervers narcissiques » ? »

Dans votre question, le tous est important. Ces deux termes recouvrent, comme pour la notion de « novlangue », plusieurs dimensions. Essentiellement deux. Ils décrivent UN processus (ce que ne fait aucune autre description d’une quelconque « pathologie » mentale) et ils désignent UN (pour le pervers narcissique) ou PLUSIEURS (pour le psychopathe) types d’individu. Le processus psychopathique est absolument le même que le mouvement pervers narcissique, mais les pervers narcissiques ne correspondent qu’a une seule classe de psychopathe, celle que l’on appelle les psychopathes « successful » ou « criminel en col blanc » pour les plus « débrouillards » d’entre eux. Il va de soi qu’en terme de processus, celui-ci « égrène » divers types de personnalité qui auront pour caractéristique de faire appel aux mêmes procédés de manipulation et d’utilisation (en tant qu’objet) d’autrui. Le pervers narcissique est la description de ce mouvement dans sa forme la plus aboutie. Alors que les différentes formes de psychopathie désignent un individu dont le processus a donné naissance à divers « avatars ». À ce titre, nous pourrions schématiser la chose parlant d’ensemble et d’éléments d’un ensemble en disant que la perversion narcissique est un élément de la classe « psychopathe ». Si vous voulez affiner vos connaissances du sujet et de ce processus, l’article de Gérard OUIMET sur les criminels en col blanc, déjà donné en lien dans un précédent billet. Il est à ce titre éloquent. Cet article est d’autant plus important que son auteur examine les personnalités des plus grands escrocs de la planète (MADOFF and co.).

(3) «  - Que signifie le « nous » dans l’expression « ne perçoivent pas le monde comme nous » ? »

Il signifie la majeure partie de la population qui, d’un point de vue développemental et maturation des connexions neuronales, n’a pas subi d’altérations trop importantes. C’est-à-dire que les zones de notre cortex préfrontal se sont « câblées » correctement avec les zones sous corticales (le cerveau « reptilien » – je vous avais promis que j’en reparlerais – et le cerveau paléomammalien (cf. théorie du cerveau triunique, où vous pourrez commencer à comprendre d’où vient ce concept de « reptilien » qui « envahit » la planète).

(4) « - Voulez-vous dire qu’il existe essentiellement deux catégories d’êtres humains, ceux qui sont « comme nous » et ceux qui ne sont pas « comme nous » ? »

Et bien, pour faire court et en caricaturant à l’extrême, nous pouvons dire que les psychopathes ne fonctionnent absolument pas « comme nous ». C’est bien mon propos lorsque je dis qu’ils inversent le sens des mots ou le sens des expressions de mots (cf. l’étude citée en lien sur l’inversion de polarité – ce terme est important – dans leur ressenti des métaphores). Mais de ce point de vue, les psychopathes ne représentent qu’un très faible pourcentage de la population (1 à 3 % selon les différentes estimations, 10 % pour d’autres, mais cela nécessiterait de plus longues explications).

(5) « - Comment le savez-vous ? »

Joker smiley : c’est du domaine de la recherche en cours, c’est à cette question que je compte répondre dans un prochain article.

(6) « - Est-ce que tous les « psychopathes » perçoivent le monde de la même manière ? »

Si l’on raisonne en terme de polarité : oui (les « bonnes zones » du cortex préfrontal câblé avec les « bonnes zones » des parties « archaïques » de notre cerveau chez les individus « normaux et différemment chez les psychopathes), mais si l’on raisonne en terme d’individualité non. Chacun, psychopathes ou gens « normaux », étant unique dans la façon d’interpréter et de se représenter le « réel » par le biais de nos perceptions. C’est-à-dire que nous avons tous des représentations différentes (notre système de symbolisation), mais deux processus distincts pour former ces représentations.

Les questions suivantes : idem (5) et (6) ci-dessus.

Espérant avoir en partie répondu à vos interrogations, n’hésiter pas à poser un regard critique sur ce développement (et non dénigrant comme certains qui ont de plus l’audace d’exiger un respect qu’ils sont incapable de rendre).

Cordialement,


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