Commentaire de Bur K
sur « Flatland » - Fantaisie en plusieurs dimensions
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@ Philippe VERGNE S
Content de vous retrouver ici, après mon absence de cette semaine 

Comme vous le savez, votre culture sur le sujet est infiniment plus étendue que la mienne. Ce qui ne me prive pas de trouver votre conclusion très convaincante. Et j’ai fait lien avec votre précédent billet sur la novlangue des psychopathes.
Il m’est venu à l’esprit que – si le réel nous est inaccessible – nous sommes tous potentiellement psycho-quelque-chose [tiques/pathes, ou autre chose]. En effet, à défaut d’un imaginaire consensuel, le langage et le discours de l’autre seront souvent perçus comme pervertis aux yeux et aux oreilles de celui qui reçoit le message. Peut-être Loup Rebel me contredira-t-il sur ce point ?
Ce qui m’amène à dire que dans le
répertoire – quasi infini – des stratégies dites perverses narcissiques, il
en est une récurrente qui consiste à réduire les pensées d’un auteur aux
turpitudes supposées de sa vie (stratagème typique et récurent chez Michel
Onfray par exemple). De ce fait, non seulement il se dispense de faire une critique argumentée, interne, des
pensées et des concepts, mais surtout il s’exonère de prendre en compte leur portée, dans la culture et
la réflexion, par delà la vie, toujours supposée moralement douteuse ou
imparfaite de l’auteur qu’il survole, pour lui voler son supposé prestige et le
détourner à son profit exclusif.
Ainsi cette
stratégie relève en effet d’un narcissisme primaire, non seulement stérile pour
l’auditoire, mais également destructeur : s’aimer soi-même par la réduction
caricaturale de l’auteur – non pas ce qu’il a fait de la pensée pour les
autres dans un dialogue constant avec eux (car toute philosophie est dialogue
critique et argumenté des concepts) –, mais à ce qu’il aurait fait de sa
vie telle que lui [le pervers narcissique] s’en fait le juge suprême quasi
divin.
S’aimer
soi-même contre les autres qui ne sont plus alors que des faire-valoir de sa
propre image. Tel est l’affligeant visage d’un hédoniste jaloux et rancunier.
Voilà qui s’inscrit parfaitement dans la caractéristique typique du pervers
narcissique : sa capacité à une absence totale d’empathie, ponctuellement, dans le
but d’en retirer un bénéfice narcissique. Je souligne « ponctuellement », car le même PN peut se montrer sous un jour fort aimable et empathique face à des proches (famille, amis, etc.), ou face à une autorité qu’il vénère.
De ce qui
précède découle l’évidence suivante : qui peut prétendre, sans baisser les
yeux, qu’il ne lui est jamais arrivé – ponctuellement – de réagir sur ce mode ? Qui n’a
jamais aimé sa propre personne au point de faire de l’autre en face un faire
valoir de sa propre image ? Pour autant, nous ne sommes pas tous des
pervers narcissiques, du moins pas en permanence, dieu merci ! La condition
pour entrer incontestablement dans la pathologie est, à mes yeux, la répétition de cette
stratégie, sa quasi-permanence, ainsi que son insistance jusqu’au point de
vouloir anéantir la pensée de l’autre. Ce qui revient à vouloir anéantir
l’autre. Plus l’autre résistera, plus grand sera l’acharnement ; je vois là encore une caractéristique symptomatique du pervers narcissique.
Ayons
à minima l’humilité de reconnaître cette tendance quand nous la repérons dans
notre comportement, afin de ne pas s’y enliser. Retrouver l’empathie qui fait
de nous un Être humain est l’ultime rempart pour nous éviter de sombrer dans
cette odieuse pathologie qui rend odieux ceux qui en sont atteints, passagèrement
dans le meilleur des cas, en permanence dans le pire.
Il me semble qu’après avoir mis ça à jour, je serais plus vigilante dans mes propos à venir afin de conjurer – tant que faire ce peut – cette fâcheuse dérive. Surtout sur les forums, quand l’interlocuteur n’est pas physiquement présent en face pour susciter l’empathie.
Bonne journée à vous, et à tous.