Commentaire de Henrique Diaz
sur La révolution n'est pas un pique-nique. Analyse du dégrisement - Conférence de Frédéric Lordon


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Henrique Diaz Henrique Diaz 2 juillet 2014 19:54

ce qui est la négation même du matérialisme et de la conscience de classe...

Je sais bien que le matérialisme dialectique se veut une prise en compte des relations entre les corps plus qu’une substantialisation des classes sociales, mais ça c’est le préambule ; de fait, en niant le rôle causal des affects et de l’imagination, en en faisant des conséquences des rapports de classe et jamais des causes déterminantes, c’est bien ce à quoi il a abouti, faisant de la lutte des classes la cause universelle de toutes les causes, autrement dit une substance, ce qui existe par soi et dont tout le reste n’est que la modification. En fait, si on fait avec Spinoza de la nature seule la cause de toutes les causes du comportement humain, l’histoire humaine devient beaucoup plus compliquée à comprendre, par la multiplicité des causes qui en découle, et elle n’a pas d’autre direction que celle que lui impulse les affects devenus dominants par ces causes naturelles, qu’ils soient passifs, passionnels ou actifs. 

Comme toi, camarade, je pense qu’il n’y a pas de socialisme en dehors de la socialisation des moyens de production des biens nécessaires à la vie du corps social (définition précédant Marx d’ailleurs, malgré les apports précieux de ce dernier) et qu’il n’y a pas de liberté du citoyen en dehors du socialisme, mais je ne vois pas comment le conseillisme, autrement dit le retour des soviets sous une forme modernisée va nous prémunir d’un retour à Staline sous une forme modernisée d’une part, et surtout je vois mal d’autre part comment le monde va pouvoir vouloir une telle révolution et encore moins comment cela va perdurer c’est-à-dire comment le monde va s’habituer ensuite aux changements que cela va impliquer, tant les habitudes du prolétaire atomisé, individualisé et gavé de télévision vont être bouleversées.

Certes le socialisme au sens strict est possible, mais c’est pas demain la veille étant donné que les grands et durables changements historiques prennent toujours du temps. Déjà le capital, autrement dit les détenteurs de pouvoir économique, a mis quelques siècles à supplanter le pouvoir des détenteurs d’armes. On voit mal comment les détenteurs de droits humains vont pouvoir supplanter les détenteurs de capital en un grand soir. Aujourd’hui, le capital règne en maître sur la planète, comme cela a déjà été dit, il ne va pas remettre son pouvoir au peuple du jour au lendemain sans rechigner violemment, il a son conatus aussi, d’autant plus que le peuple, comme assemblée de citoyens conscients de leur puissance collective et voulant leur bien collectif, n’existe pas à proprement parler, il n’y a que des populations plus ou moins unifiées, dans lesquelles le grand nombre confond le plus souvent ses chaînes avec sa propre vie. C’est cela que tu ne sembles manifestement pas avoir voulu entendre dans le discours de Lordon si seulement tu l’as lu ou écouté.

Est-ce à dire qu’il n’y a rien d’autre à faire que de quémander au capital quelques miettes supplémentaires pour finir les fins de mois ? Bien sûr que non et Lordon explique bien aussi pourquoi. Entre un keynesianisme aboutissant historiquement à F. Hollande et le conseillisme des soviets aboutissant à Staline - parce que les bonnes gens finissent toujours par attendre qu’on prenne des décisions collectives à leur place du fait de la mécanique des passions expliquée par Spinoza, il y a d’autres voies qui peuvent emprunter à Keynes autant qu’à Lénine ou encore à Rousseau, à Marx et à Spinoza des idées pour produire quelque chose de nouveau en évitant de retomber dans les mêmes impasses.

Enfin, pour ce qui est de la révolution mondiale qui est en train de nous venir des USA, j’aimerais bien des articles, des reportages, des analyses et des signes matériels crédibles de son existence et pas simplement un autocollant avec un poing fermé et un site pour permettre un vote en ligne fiable.


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